Arron, le dernier défi ?

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Elle ne veut pas partir. Pourtant, dans un passé pas si lointain, elle avalait les conférences de presse avec la majestueuse froideur qui a fait d’elle une athlète à part. Ce temps est révolu. Aussi coquettes qu’elles soient, les sportives de haut niveau ne peuvent cacher leur âge. Christine Arron aura 37 ans le 13 septembre prochain. « Ça passe vite, n’est-ce pas ? », badine-t-elle, les yeux rivés sur la Méditerranée toute proche. Le rendez-vous avec les journalistes dure depuis plus d’une heure, vire à la conversation. Jean moulant, tee-shirt tricolore, cheveux tirés en arrière, allure impeccable, la quatrième femme la plus rapide de l’histoire sur 100 mètres rit, taquine, se confie volontiers. Elle évoque le « plaisir » qu’elle prend à s’entraîner aux côtés de Pierre-Jean Vazel, « un coach qui a comme priorité la santé de ses athlètes, ce qui n’est pas si fréquent dans le milieu ». La doyenne des Bleus est relax. Apaisée aussi.
Douze ans se sont écoulés depuis ces fameux championnats d’Europe de Budapest où elle avait émietté la concurrence, cheveux peroxydés au vent. Une ligne droite de légende malgré un départ calamiteux (10’’73, record d’Europe toujours en vie) et un dernier relais nucléaire en finale du 4x100m pour offrir deux médailles d’or à la France et hériter d’un surnom tellement idoine : la reine Christine. Maternité, blessures : on ne l’a plus revue depuis aux « Europe ». Du coup, le magazine officiel de Barcelone 2010 fait d’elle sa star du 100 mètres. « Ah bon ?, fait-elle mine de s’étonner. C’est marrant. Ils ont dû vouloir me rendre hommage… » Le tout dit avec un brin de satisfaction amusée.
« Je ne viens pas en touriste »
Au crépuscule d’une carrière qui l’aura vue monter sur tous les podiums internationaux et connaître à peu près tous les pépins physiques possibles (muscles, dos, vertiges, insomnies, anémie, etc.), la Guadeloupéenne a gagné sa place à l’ancienne, avec un chrono qui fleure bon les années 1970 : 11’’30, même pas championne de France. Même pas dans le Top 10 européen cette saison. Pas grave. « J’ai fait de la piscine tout l’hiver en pensant à ces championnats, je n’ai repris le sprint qu’il y a deux mois. Je progresse tous les jours. J’ai fait tout ce que je pouvais pour être prête. Je ne viens pas ici en touriste. » La concurrence ? « La seule fille avec laquelle j’ai courue, c’est Véronique Mang (championne de France et 3e chrono européen 2010 en 11’’20, ndlr). Les autres, je ne les connais pas bien, je ne peux pas porter un jugement sur leur niveau. » L’objectif ? « Ce sera une surprise. »
Christine Arron refuse de considérer l’échéance comme son dernier grand défi. Elle concède tout de même que « c’est une compétition abordable, une année à prendre ». Dans un stade qu’elle connaît bien ; espoir de l’athlétisme national, fraîchement débarquée des Antilles, elle était dans les tribunes en 1992 lors des Jeux Olympiques qui avaient notamment sacré Marie-José Pérec. « Mais je ne me souviens plus de grand-chose, s’excuse-t-elle. On avait fait vingt heures de bus, j’étais crevée ! » Sincère ou pas ? Avec Christine Arron, il y aura toujours une part de mystère. Et c’est très bien ainsi.