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Coe : « J'espère me rendre un jour à Paris pour les J.O. »

Beau joueur, Sebastian Coe aimerait bien voir un jour dans sa vie des Jeux Olympiques à Paris...

Beau joueur, Sebastian Coe aimerait bien voir un jour dans sa vie des Jeux Olympiques à Paris... - -

Vice-président de la Fédération internationale d'athlétisme, patron du Comité d'organisation des Jeux de Londres, l'ancienne légende britannique du 1500 m est l'une des personnalités les plus influentes du sport mondial. Dans cet entretien exclusif à RMC Sport, l'ex-roi du 800 m et 1500 m parle dopage, faux-départs, s'enthousiasme pour Christophe Lemaitre... et donne à la France quelques précieux conseils pour réaliser enfin son rêve olympique.

Sebastian Coe, était-ce une bonne idée d'organiser les Championnats du monde à Daegu, ville de province d'un pays pour qui l'athlétisme ne représente pas grand-chose ?

Oui, ça l’était. Regardez la chaleur du public dans le stade, la façon dont la ville a embrassé cette compétition, les panneaux et les affiches partout. On est dans une ville qui voulait vraiment accueillir les Mondiaux. Et puis, si l’on veut construire une culture globale pour l’athlétisme, l’exporter sur des marchés où il n’est pas aussi fort que d’autres disciplines pour aider à son développement, je maintiens que Daegu était un très bon choix : la taille de la ville, sa motivation, son potentiel sur le marché, tout était réuni.

L'Europe semble marquer le pas en termes d'organisation des compétitions majeures, au profit des nouvelles puissances économiques que sont la Corée, les pays du Golfe, la Chine... Est-ce irréversible ?

Ce n’est pas totalement vrai. Il y a deux ans, nous étions à Berlin. Londres espère accueillir les Mondiaux de 2017. Là où je vous rejoins, c’est que le paysage des candidatures a changé. Les Fédérations internationales et nationales ainsi que le Comité international olympique s’entendent pour dire que le sport doit devenir mondial. C’est la logique des institutions globales d’aujourd’hui. Les Fédérations sportives reconnaissent le fait qu’il existe de nouveaux marchés qu’elles doivent explorer.

« Lemaitre, une belle histoire pour l'athlétisme mondial »

Quel est votre avis sur la règle du faux-départ, remise en cause depuis l'élimination d'Usain Bolt en finale du 100 m ? Faut-il l'assouplir ?

Non. La règle est la règle. Elle a été votée, puis adoptée par le Congrès de l’IAAF. Les athlètes eux-mêmes nous avaient demandé de revoir notre copie il y a quelques années. Et je ne pense pas qu’il faille changer une règle simplement parce qu’un athlète en vue en a été victime. Je rappelle aussi qu’Usain Bolt a été digne, il n’a pas demandé de changement. A l’époque, il avait d’ailleurs soutenu notre position.

Est-ce finalement une bonne chose pour l'athlétisme que Bolt focalise toute l'attention médiatique sur sa seule personne ?

C’est un peu comme si vous me demandiez en boxe s’il était juste que Mohamed Ali attire à lui toutes les lumières. C’est un phénomène inévitable. Quand vous possédez un talent qui captive le monde à ce point, il focalise toute l’attention. Notre responsabilité à nous, en tant que fédération internationale, est de produire de nouveaux champions aussi marquants. Mais ça ne se fait pas comme ça. Et puis, il ne faut pas restreindre ou calculer l’attirance que Bolt provoque, ça n’a aucun sens. Il est un atout fantastique pour l’athlétisme. Quand je visite des écoles, que je parle de sport, les élèves me disent tous qu’ils veulent être Usain Bolt. Il y a quelques années, c’était Roger Federer ou David Beckham ; maintenant c’est Bolt et l’athlétisme qui font parler. Notre défi est de faire émerger de nouveaux champions qui seront aussi populaires.

Que pensez-vous à ce sujet de Christophe Lemaitre, qui devient une personnalité qui compte dans l'athlétisme ?

(Il coupe) Et c’est très bien ! C’est un bon exemple de personnalité qu’il nous faut encourager et mettre en avant. Lemaitre, c’est une belle histoire pour l’athlétisme européen et mondial.

Tous les athlètes présents ici à Daegu ont été l'objet de contrôles sanguins et déjà, cela semble changer pas mal de choses sur la piste...

C’est clairement une évolution. Mais c’est surtout une question de confiance vis-à-vis des athlètes à qui il faut assurer qu’ils vont affronter des concurrents « propres ». Vis-à-vis du public, aussi, qui se rend au stade et qui doit voir un spectacle authentique. Vis-à-vis des parents, enfin, qui encouragent leurs enfants à faire du sport et doivent être sûrs que celui-ci est contrôlé, organisé et basé sur le fair-play.

Il n'y a presque plus de records du monde en athlétisme aujourd'hui. Cela veut-il dire que les sportifs des générations précédentes ont triché ?

Ce n’est pas la bonne conclusion. J’ai battu 11 records du monde et jamais je n’ai triché. Je ne peux pas vous faire de réponse plus concrète à ce sujet.

« La philosophie d'une candidature olympique est plus importante que le lobbying »

Où en sont les Jeux Olympiques de Londres, à moins d'un an de la cérémonie d'ouverture ?

On est dans une bonne configuration. Tous les travaux sont terminés. On a un an pour offrir des Jeux fantastiques. On a encore du travail sur les revêtements, les technologies, notamment. Il faut aussi entraîner tous les volontaires, préparer le relais de la torche olympique. Notre budget « sponsors » est bouclé, ce qui est très important. Pour résumer, on a fait du bon boulot, mais le plus dur est à venir (sourire).

Quels souvenirs avez-vous gardé de Singapour en 2005, quand Londres a été élue au détriment de Paris ?

Des moments très forts. Laissez-moi vous le dire franchement : la candidature de Paris était très bonne. Seules quatre voix nous séparaient. Ce n’était pas un plébiscite. C’était très important de montrer que nous étions capables d’offrir des Jeux grandioses, et je suis sûr que Paris l’était aussi. C’était important pour le CIO de savoir que des villes aussi prestigieuses voulaient encore organiser les JO. Et j’espère avoir un jour dans ma vie l’occasion de me rendre à Paris pour les Jeux Olympiques.

Quels conseils pouvez-vous donner à la France, qui vient d'essuyer un nouvel échec avec Annecy 2018 ? On pointe notamment la faiblesse du lobbying...

Ce serait une erreur de croire que la victoire ou la défaite d’une candidature se joue uniquement sur le lobbying. Il faut avant tout avoir une vision. Que voulez-vous faire des Jeux ? Les deux questions les plus posées dans ces circonstances, les plus pertinentes aussi, sont : comment et pourquoi ? Tout le monde s’arrête sur des choses pratiques comme les transports, les villages, les projets immobiliers… Mais c’est également très important de comprendre pourquoi on veut les Jeux. Que voulez-vous laisser derrière vous ? Quels défis votre ville souhaite-t-elle relever grâce au sport ? La philosophie d’une candidature est plus importante que le lobbying.

Pensez-vous que la France doive insister dans les années à venir ?

En aucune manière. Un pays qui possède une culture sportive de premier plan et qui a tellement apporté au mouvement olympique doit simplement vouloir organiser les Jeux. Je ne pense pas qu’un pays gagne simplement en insistant ou en attendant son tour ou sa chance. Il doit créer une vision qui attire le monde du sport.

Faut-il avoir peur de venir à Londres l'an prochain après les récentes émeutes populaires ?

Non. Pendant que nous connaissions ces difficultés, nous avons accueilli six événements tests, qui se sont normalement déroulés, ainsi que des dirigeants de 205 comités nationaux olympiques pour des réunions importantes. Il ne leur est rien arrivé. Tout sera fait pour assurer des Jeux réussis, sûrs et amicaux.

Certes, mais ces événements ont donné une image troublée et inattendue de la Grande-Bretagne...

Beaucoup de Britanniques ont été également surpris. Je suis né à Londres, ma famille y vit : ce que j’ai vu, ce n’est pas la ville créative, tolérante et cosmopolite que j’aime. La police, le maire et la classe politique feront tout ce qu’il faut pour que cela n’arrive pas pendant les Jeux.

Vous n'avez pas l'air inquiet...

Non, je ne le suis pas. Ce n’était pas une démonstration politique, c’était juste du shopping nocturne illégal (sic).