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Mondiaux d'athlétisme: les chances de médailles pour les Français à Doha

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L’équipe de France s’avance aux Mondiaux d'athlétisme de Doha (du 27 septembre au 6 octobre) avec le nombre de recordmen du monde dans sa délégation le plus haut de la compétition (Kevin Mayer au décathlon, Yohann Diniz sur 50km marche et Renaud Lavillenie à la perche). Sans compter Jimmy Vicaut, Pierre-Ambroise Bosse ou Mélina Robert-Michon. Mais les certitudes françaises sont maigres.

Mayer et Diniz, leaders incontestés des Bleus

La star des Bleus, c’est évidemment le recordman du monde du Décathlon (9126 pts). Kevin Mayer, qui n’a disputé aucun décathlon complet cette année, semble dans la forme de sa vie. Le Drômois s’est concentré sur quelques épreuves, notamment le 110m haies, pour se frotter aux spécialistes et ainsi progresser le plus vite possible. Et ça marche! Kévin Mayer a explosé son record au lancer du poids (7,08m) et surtout sur 110m haies avec 13"55, ce qui le place parmi les meilleurs tricolores en 2019.

Le champion du Monde 2017 est en pleine confiance et ne peut viser que la médaille d’or. "Je n’ai qu’un seul objectif en tête: être champion olympique à Tokyo et battre mon record du monde au Japon", déclarait Kévin Mayer au début de l’été. Mais pourquoi ne pas le battre dès maintenant? Patrice Gergès, le Directeur technique national de la Fédération française d’athlétisme, calme le jeu: "L’important, c’est qu’il se sente en forme. Un décathlon, c’est long. Et la magie, c’est que la fin peut être merveilleuse même si ce n’est pas éblouissant tout du long."

Si le titre est espéré pour Kévin Mayer, c’est pareil pour Yohann Diniz. Recordman du monde et champion en titre du 50 km marche, le vétéran des Bleus (41 ans!) domine toujours autant sa discipline et possède la meilleure performance mondiale de l’année (3h37"43). La difficulté pour Yohann Diniz sera la météo qatarienne. Même si sa course aura lieu de nuit (départ à 23h30 le samedi 28 septembre), les températures ne devraient pas descendre en dessous de 30°c et le taux d’humidité est fort. Un climat favorable à ses adversaires japonais par exemple.

Les cadres en retrait sur le plan mondial

La star la plus en difficulté, c’est sans aucun doute Renaud Lavillenie. Multiple champion du monde en salle, champion olympique, recordman du monde du saut à la perche, ne manque au Clermontois que le titre de champion du monde en plein air. C’était l’énorme objectif de sa saison, et c’est mal embarqué. Renaud Lavillenie n’a pas fait mieux que 5,85m cette année, loin des ovnis de la discipline, l’Américain Sam Kendricks (6,06m en 2019), le Polonais Piotr Lisek (6,02m) ou le Suédois Armand Duplantis (6m).

Pire, le Français n’a sauté que 5,71m à Paris fin août, et a fait un zéro pointé en Allemagne début septembre. Le DTN Patrice Gergès ne s’alarme pas quant à la capacité du champion à réagir: “l’an dernier aux Championnats d’Europe, il n’était pas du tout en forme, pire que cette année. Et ça ne l’a pas empêché de sauter 5,95m en finale. Rien que sa présence impressionne les plus jeunes”. Avec ces Mondiaux tardifs, Renaud Lavillenie ne panique pas et se donne le temps d’arriver au top pour la finale le 1er octobre.

Du côté des sprinters, les voyants sont beaucoup moins dans le rouge. Mais les bilans mondiaux montrent que les Français sont loin des meilleurs. Jimmy Vicaut, avec un chrono correct de 10’’02, ne pointe qu’à la 28e place au niveau international, à presque deux dixièmes de la flèche américaine Christian Coleman. Mais le Français est toujours capable d’élever son niveau pour se battre en finale.

Les hurdlers espérés, Bosse aussi

Sur 110m haies, les Bleus sont toujours au rendez-vous. Pascal Martinot-Lagarde, champion d’Europe en titre, arrive à Doha avec le 10ème temps de l’année (13’’28). “PML”, qui a dû faire face à une mononucléose pendant l’été, est un peu retrait par rapport à la concurrence (l’Américain Grant Holloway ou l’Espagnol Orlando Ortega) mais il a faim de victoire et se battra à coup sûr pour monter sur la boîte. La bonne surprise pourrait aussi venir de Wilhem Belocian, recordman du monde juniors du 110m haies, et qui après quelques années de passage à vide, revient en forme.

L’équipe de France comptera également sur Pierre-Ambroise Bosse, champion du monde en titre du 800m. Après des mois et des mois d’ennuis judiciaires, le Girondin peut enfin se concentrer sur le sportif et a réalisé un été assez moyen avec un meilleur temps en 1'45"07. Patrice Gergès fait confiance à Bosse "pour sa science de la course, et n’oublions pas qu’il a construit sa saison pour être prêt à Doha (ndlr, Bosse qualifié d’office en tant que champion en titre) et pas avant". Le cas Christophe Lemaître est plus épineux. Qualifié pour les Mondiaux à l’arraché, avec les minimas IAAF réussis sur le fil en 20"40, le médaillé olympique de Rio s’alignera sur 200m avec le risque de se voir éliminer dès les séries.

"Les filles sont plus nombreuses à Doha qu’à Londres en 2017"

Du côté des filles, Patrice Gergès parle encore “de construction”, d’une nouvelle génération qui doit passer du niveau mondial à celui de finalistes mondiales. En dehors des cadres Mélina Robert-Michon, 40 ans et médaillée de bronze au disque à Londres 2017 et Alexandra Tavernier, solide chance tricolore au lancer du marteau, le reste de la délégation féminine est inexpérimentée. Le DTN espère voir s’aguerrir au plus haut niveau Hilary Kpatcha ou Yanis David au saut en longueur, Laura Valette sur 100m haies ou encore la très prometteuse Solène Ndama, qui doublera 100m haies et l’heptathlon.

"Elles sont plus nombreuses à Doha qu’il y a deux ans (ndlr, 27 contre 20), en réussissant les minimas imposés par la Fédération Internationale, c’est bien ça va dans le bon sens". Espoir français dans le dur cet été, Rénelle Lamote peut rebondir à Doha. La protégée de Thierry Choffin s’est qualifiée in extremis pour les Mondiaux mais la triple vice-championne d’Europe du 800m peut elle aussi espérer une médaille, encore plus en l’absence de Caster Semenya, interdite de courir par l’IAAF.

Une médaille sortie de nulle part pour les Bleus?

A l’image du titre de champion du monde de Pierre-Ambroise Bosse sur 800m à Londres, une grosse surprise n’est évidemment pas à exclure. A la Fédération, on croit beaucoup au potentiel de Ludvy Vaillant, jeune coureur de 24 ans de 400m haies. Si le Martiniquais n’a jamais remporté de médaille dans un championnat majeur, il est en pleine forme. 4e au bilan mondial, Vaillant devra sortir un exploit pour devancer l’un des trois extraterrestres de la discipline, le Norvégien Karsten Warholm, l’Américain Rai Benjamin et le Qatarien Abderrahman Samba.

A suivre également Valentin Lavillenie, auteur d’une saison record, à 5m82. Le petit frère de Renaud pourrait créer la sensation après une fracture du talon en 2018. Pour conclure, si les Bleus venaient à égaler le bilan de Londres 2017, à savoir trois médailles d’or et deux de bronze, Patrice Gergès signerait "tout de suite". Quant au record de 8 médailles, qui date des Mondiaux de Paris en 2003, il semble très compliqué à aller chercher.

Aurélien Tiercin