Une perche à saisir

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Ils le répètent à l’envi depuis leur arrivée en Asie : ils sont là « pour gagner », afin notamment d’honorer la mémoire de Pierre Quinon, le champion olympique 1984 récemment décédé. Mais un seul des deux leaders de la perche française pourra – au mieux – satisfaire cette ambition ce lundi à partir de 19h25, heure de Daegu (12h25 en France). Une chose est sûre néanmoins : Renaud Lavillenie et Romain Mesnil abordent le sommet de la saison en pleine possession de leurs moyens.
En qualifications samedi matin, malgré un vent tourbillonnant, le médaillé d’argent (Mesnil) et de bronze (Lavillenie) des derniers Mondiaux de Berlin en 2009 n’ont pas traîné. Une copie propre, à l’identique, pour gagner le droit de faire partie des 12 finalistes, à la différence de leur compatriote Jérôme Clavier. Deux sauts ont suffi : 5,50m pour commencer, 5,65m pour assurer la suite sans trembler.
Pourtant les impressions divergent. Le Clermontois a impressionné avec un premier bond potentiellement pas loin de 5,90m, qui lui procura un large sourire en regagnant le village des athlètes. « Ça passait tout seul », savourait Lavillenie. Ce qui était loin d’être le cas de l’Albigeois malgré les apparences. « Je n’avais jamais aussi mal sauté en qualifications », assurait après coup un Mesnil étonnamment bougon et cassant. Pour le suivre depuis le début de sa carrière, on peut affirmer que ce n’est pas vrai. Mais c’est peut-être le signe que la finale a déjà commencé, avec son lot d’esbroufe et d’intox.
Pas les meilleurs amis du monde
Les deux hommes ne s’en cachent pas : ils ne sont pas les meilleurs amis du monde. Aux pourtant très conviviaux Championnats de France le mois dernier, ils n’ont pas échangé le moindre mot durant le concours. A domicile, c’est Mesnil (34 ans) qui avait damé le pion à son cadet (24 ans), trop présomptueux dans sa gestion des hauteurs (trois essais d’entrée à 5,73m). « Ils ne sont pas amis, et alors ?, relativise Maryse Ewange-Epée, consultante RMC Sport. Ce n’est pas nécessaire pour s’entendre en équipe de France. Pour moi, c’est même un bien, cela crée une émulation positive. »
Romain Mesnil reconnait avoir « mal vécu » l’avènement de Lavillenie en 2009, quand ce dernier avait franchi cette mythique barre des 6 mètres qui se refuse encore à lui (son record est à 5,95m, celui de Lavillenie à 6,01m en plein air). En le poussant un peu, il confie que cette rivalité l’a contraint à une remise en question salutaire. « Je n’ai pas lâché », lance-t-il comme un avertissement à la veille de sa dernière finale mondiale (il prendra sa retraite sportive après les JO de Londres l’an prochain).
Quant à Lavillenie, il devra assumer son statut d’archi-favori pour atteindre la consécration que tous les spécialistes, le tsar Sergei Bubka compris, lui promettent. Il assure avoir « gagné en maturité », être « capable de gérer les situations les plus variées ». Il semble d’autant moins gêné que l’Australien Steve Hooker, qui avait damé le pion au duo français à Berlin, a calé en qualifications. Du coup, la concurrence devrait se résumer à l’Allemand Malte Möhr et aux deux Polonais Michalski et Wojciechowski. La perche a beau être l’une des épreuves les plus aléatoires de l’athlétisme, il serait dommage de ne pas ramener de l’or de Daegu. De l’or en barres, il va sans dire.
Le titre de l'encadré ici
Hooker vote Lavillenie |||
Principale victime des qualifications de la perche (trois échecs à 5,50m), le champion olympique et du monde australien a confié ses pronostics à RMC Sport pour la finale de ce lundi. « Je pense que Renaud Lavillenie sera champion du monde. Il a tout pour l’être. Romain Mesnil a aussi sa chance. Il est toujours bon dans les Championnats du monde. Il sautera 5,80m ou 5,85m. Il va mettre la pression sur les autres. A mon avis, le gars à surveiller sera Wojciechowski (Polonais qui a sauté 5,91m cette saison) parce qu’il est passé difficilement en finale (repêché), donc il n’aura rien à perdre. »