L’ange de la perche s’en est allé

Pierre Quinon lors de son titre olympique à Los Angeles - -
A jamais le premier. Pierre Quinon restera dans la mémoire collective comme un pionnier : jamais avant lui un Français n’avait été sacré champion olympique de saut à la perche. Ce fut chose faite le 8 août 1984 au Memorial Coliseum de Los Angeles, grâce à un bond dès son premier essai à 5,75m. Une entrée majuscule dans l’histoire du sport hexagonal avec Thierry Vigneron (3e) à ses côtés. Et l’emblématique entraîneur des perchistes français de l’époque, Jean-Claude Perrin. « Je suis bouleversé, témoigne ce dernier. C'était un homme qui était à la recherche d'absolu. Cet absolu, il l'a prolongé au-delà de notre présence sur la terre. »
« Bill » Perrin avait découvert Quinon à Bourgoin-Jallieu (Isère) dans les années 70, alors que ce dernier n’était qu’un enfant : « J'avais vu ce gosse. Il avait quelque chose de totalement différent et de plus que les autres. Evidemment je pourrais vous parler des records et du titre olympique, mais non. Ça appartient au monde des hommes et il a dépassé ça. » Symbole de cette perche française qui allait plus haut que le reste du monde, plus haut que les Soviétiques même et qu’un tsar en gestation du nom de Sergei Bubka. Un an avant son titre olympique, Quinon avait posé son nom près des oiseaux avec un record à 5,82m. Il ne tiendra que trois jours…
Mesnil : « Une légende »
Romain Mesnil, Renaud Lavillenie sont ses héritiers. Le deuxième n’était même pas né lors du sacre de Los Angeles, mais il garde un souvenir ému de ses rencontres avec celui qui consacrait son temps libre à sa passion, la peinture : « Même si je ne le connaissais pas plus que ça, j’ai passé quelques moments avec lui. C’était un grand champion, simple, avec qui on pouvait discuter pleinement. » La Fédération française d’athlétisme s’était rapprochée de lui. Son président, Bernard Amsalem, comptait lui proposer une mission pour la rentrée. Il n’en aura pas eu le temps. Quinon tenait une rôtisserie à Hyères, dans le Var, où il s’était établi en fin de carrière.
Avant les Jeux olympiques d’Athènes, en 2003-2004, il avait répondu de nouveau à l’appel de la fibre de verre. Il servait de conseil à Romain Mesnil dans l’approche de l’événement. « C’est une légende, raconte l’actuel vice-champion du monde. Pour moi, c’est le champion olympique par excellence avec sa part de beauté, d’élégance sur le moment et sa simplicité. Il a fait rêver beaucoup de gamins.» Mesnil et Lavillenie vont peut-être poursuivre son œuvre, comme Jean Galfione l’avait fait avec son titre à Atlanta, toujours aux Etats-Unis, douze ans après Quinon. Dans la moiteur de Daegu, lors des Mondiaux sud-coréens qui débutent dans huit jours, ils auront sans doute à cœur de tutoyer le ciel pour être digne de son souvenir.