
Le marathon du Mont-Blanc comme si vous y étiez

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« Le départ est donné à 4h, devant l'église de Chamonix. Et pour la mise en bouche, 1500m de dénivelés nous attendent. C'est la première ascension, jusqu'au Brévent, à 2500m d'altitude. À la satisfaction d'atteindre le premier des quatre sommets de la course s'ajoute un spectacle magnifique : le lever du soleil sur le Mont-Blanc, que nous ne quitterons plus des yeux ou presque pendant cette longue journée de course.

Nous enchaînons par une longue cavalcade sur les Balcons des Aiguilles Rouges. Les jambes, ravies de ce terrain presque roulant, puis descendant, nous emmènent avec allégresse vers le ravitaillement du Buet, à 1200m d'altitude. Commence alors la partie la plus technique et la plus éprouvante de ce 80km : l'ascension du col de la Terrasse, en Suisse, à 2600m d'altitude. Le terrain est très difficile : blocs de prière, chemin très étroit. Le cadre est magnifique, minéral, immense. C'est vraiment de la course en montagne, exigeante, qui épuise le corps et sollicite le mental. L'ascension se termine par 200m de dénivelé positif sur un névé. C'est glissant, il est midi, le soleil tape sur la neige et le sang bat dans les tempes.
Heureusement, de l'autre côté du col, nous attend une jolie récompense : une descente sur les fesses, dans la neige. Il faut savoir s'adapter à son environnement et, en l'occurrence, les jambes sont ravies de ce petit répit. Elles seront vite sollicitées à nouveau. Nous ne sommes qu'à mi-course, même si nous avons déjà gravi près de 3500m de dénivelé. Au même moment, les premiers franchissent déjà la ligne d'arrivée. L'espagnol Luis Alberto Hernando s’impose, suivi à 3 minutes par le vainqueur de l'an dernier, le Français François D'Haene.
« La moitié des participants aura jeté l'éponge »
Notre route se poursuit : une longue descente vers Vallorcine et nous voici au pied de la troisième ascension, l'aiguillette des Posettes. Moins technique, quoique fort raide au départ, elle se passe sans trop de difficultés. Nous redescendons calmement vers Argentière, puis longeons la vallée de Chamonix jusqu'aux bois. Il est 20h30 et voilà plus de 16 heures que cette petite balade alpine a commencé. La tentation de lever les yeux est grande, mais c'est douloureux aussi, tant la dernière montée en impose. Il y a encore 1200m à gravir, vers l'arrivée du train du Montenvers, puis jusqu'au plan de l'Aiguille, sous le téléphérique qui emmène touristes et alpinistes à l'Aiguille du Midi. Les jambes sont lourdes et cette ultime ascension sera à l'image de la course : cassante, piégeuse, technique et terriblement éprouvante.
Nous arrivons peu avant minuit à l'aiguille du Plan. Il reste 6 kilomètres, et 1200m à redescendre. Une gageure. Mais les jambes sont lourdes, les articulations grincent. Et là où il a fallu à peine 30 minutes à François D'Haene pour redescendre, dans une chasse désespérée sur les talons de son adversaire espagnol, il nous faudra près de deux heures pour retrouver l'église de Chamonix. Nous l'avions quittée 21h46 plus tôt ! Sur les 1 100 partants, près de la moitié aura jeté l'éponge, c'est dire le niveau d'exigence de cette course. 421e et 422e sur 580 classés, rien d'exceptionnel, mais la satisfaction d'être allé au bout est là. Que ce fut dur ! Mais à chaque minute de la course, lever le nez et admirer les panoramas, qui coupent autant le souffle que les raides ascensions, fait oublier un instant combien courir en montagne est exigeant. »
