
Mekhissi dans le flou

Mahiedine Mekhissi - -
Lendemain de Jeux décidément compliqué pour Mahiedine Mekhissi. A 27 ans, le double médaillé d’argent 2008-2012 du 3000m steeple est à la croisée des chemins. Toujours motivé par sa quête inassouvie d’un sacre olympique ou mondial, l’avenir du Rémois est beaucoup moins clair depuis son divorce avec son entraineur, Farouk Madaci. « Je lui ai fait des reproches, je lui ai dit ce qu’il n’allait pas. Il n’a pas accepté. Du jour au lendemain, je n’ai plus eu de nouvelles de lui. Ce n’est pas moi qui me suis séparé de Farouk, c’est lui qui m’a lâché. »
Mekhissi s’entraine actuellement à Monte Gordo, sous le soleil de l’Algarve, au Portugal. Livré à lui-même depuis plus d’un mois, le dauphin d’Ezekiel Kemboi cet été à Londres avoue se sentir « un peu seul ». Le stage durera une quinzaine de jours, au rythme de deux séances quotidiennes, et précèdera en janvier un séjour en Afrique du Sud, à Potchefstroom, préparation terminale à la saison en salle. Trois meetings prévus. Son agent Rachid Esmouni discute avec les organisateurs. « J’aimerais bien courir en France, mais Liévin est annulé, on verra », dit Mekhissi. Ce que je veux, c’est courir sans pression, me faire plaisir, faire des 1500m, des 3000m. » Seule certitude.
Une image une nouvelle fois égratignée
L’athlète et son entraineur ont fini par plier sous le poids d’une saison olympique, doublée des Championnats d’Europe. L’« affaire du CREPS de Reims », où un entraineur a accusé l’athlète de l’avoir frappé, est venue tirer un peu plus sur la corde qui liait leurs deux destins depuis 2008. L’histoire s’est très vite dégonflée, avec tout récemment un règlement à l’amiable devant le juge, mais l’image de Mekhissi, déjà écornée par des incidents comme l’échange de coups de poings avec Mehdi Baala à Monaco en 2011, a été une nouvelle fois égratignée.
« Il m’a laissé seul, à ce moment-là il ne fallait pas », déplore Mekhissi, qui a néanmoins trouvé le soutien du président de la FFA, Bernard Amsalem. Problème : Madaci, également visé dans l’incident du CREPS, révélateur d’un conflit larvé depuis des années, passait au même moment son brevet d’Etat d’éducateur sportif 2e degré. Trop pour un seul homme. « Farouk avait besoin de souffler quand Mahiedine avait besoin de lui », résume son agent.
« Parlez moi de sport, et plus de faits divers ! »
L’urgence : rebondir. Seul ou sinon avec qui ? « Trop tôt pour le dire, coupe Philippe Dupont, entraineur national du demi-fond, venu rejoindre l’athlète 72 heures au Portugal, après lui avoir suggéré ce séjour aux bords de l’océan Atlantique. Les deux hommes discutent plan d’entrainement, calendrier, avenir d’une saison ponctuée par les Mondiaux à Moscou (10-18 août). Ses démêlés judiciaires l’ont obligé à annuler un stage à Albuquerque, aux Etats-Unis. « Je ne vois pas un athlète du niveau de Mahiedine rester seul, le doute peut s’installer. » Mekhissi ne sait pas vers qui il va se tourner, mais il est catégorique quand on lui parle du groupe de Jean-Michel Dirringer, coach de Baala et de Bob Tahri. « Non, non, là ce n’est pas possible… » Mekhissi déclare qu’il ne donne pas sa confiance facilement. Et Dupont fait partie des privilégiés. « Je suis là en médiateur, j’espère que les deux vont se retrouver. »
Un flou qui ne fait pas les affaires de l’athlète, en pleine renégociation avec les marques dont son équipementier, Adidas. « Avec le contexte économique, c’est plus dur qu’en 2008, reconnait Esmouni, et l’affaire du CREPS a pu jouer pour certains sponsors. » Mekhissi tente de reprendre sa marche en avant sur une piste aux sables mouvants. « Après les Jeux, jamais je n’aurais pensé me retrouver dans cette situation. » Convaincu d’une seule chose : « Je ne veux plus qu’on me parle de faits divers, parlez-moi de sport ».