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Mondiaux d'athlétisme: une équipe de France resserrée à Eugene pour remonter la pente

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Ils ne seront que 28 Bleus en individuel aux championnats du monde d’athlétisme de Eugene aux Etats-Unis (du 15 au 24 juillet), sans compter les trois relais. C’est beaucoup moins qu’à Doha en 2019 (40) et lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021 (43). Un choix assumé par la Direction Technique Nationale pour embarquer uniquement des athlètes dont le potentiel doit les emmener au minimum en demi-finale. Beaucoup de jeunes de la génération 2024 ont d’ailleurs réussi à se qualifier avec l’objectif d’enfin relever la France à deux ans des JO de Paris 2024. 

"On ne va pas aux championnats du monde pour découvrir le haut niveau. Je veux que les athlètes sélectionnés pour Eugene soient capables de performer là-bas." Les mots de Romain Barras, directeur de la haute performance à la Fédération Française d’Athlétisme, autrement dit patron des Bleus, étaient limpides en janvier dernier, au moment de sa prise de fonction. Les critères de sélection étaient enfin clairs à la Fédé (faire partie du Top 5 aux derniers JO de Tokyo / réussir les minima FFA / réussir les minima World Athletics si l’athlète fait partie du top 20 mondial) et l’équipe de France composée pour ces championnats du monde apparaît beaucoup plus resserrée que lors des dernières grandes échéances.

Romain Barras est satisfait de la saison estivale de ses ouailles : "Je veux voir une équipe avec du caractère, un esprit conquérant et sans complexe. Que les athlètes aient une voie tracée jusqu’en finale et après tout est possible pour une médaille. Mais je n’aime pas faire de prédictions de résultats, je ne suis pas à l’aise avec ça."

Le physique de Mayer interroge, mais le décathlonien reste la star 

Parmi les 28 athlètes retenus en individuels pour les championnats du monde, plusieurs catégories se dégagent malgré tout. Il y d’abord les stars attendues de la délégation. Comme d’habitude, Kevin Mayer sera la figure de proue du bateau bleu. Le recordman du monde du décathlon a grand faim de victoires. Champion d’Europe de l’heptathlon en 2021 et vice-champion olympique à Tokyo, Mayer veut prouver que ses bobos à répétition ne l’empêcheront pas d’honorer encore le maillot bleu. Absent aux dernier championnats de France pour se préserver, lui qui a mal au tendon d’Achille depuis de nombreux mois, Mayer devra en plus faire face à une concurrence accrue avec le champion olympique Canadien Damian Warner mais aussi l’Australien Ashley Moloney, peut être le Suisse Simon Ehammer (qui choisira probablement de se concentrer sur le saut en longueur) et l’école américaine qui émerge. 

Sasha Zhoya confirme: c’est un phénomène 

Le prodige Sasha Zhoya prend déjà une belle partie de la lumière de l’athlé tricolore. Attendu impatiemment, scruté, décortiqué, les progrès du Franco-Australien sur les haies seniors depuis le début de l’année sont fulgurants. Recordman du monde juniors en 12''72 l’année passée (pulvérisant le précédent du français Wilhem Belocian en 12''99), Zhoya a presque inquiété les amateurs d’athlé ont repoussant sa rentrée sans cesse, puis en entrant 'difficilement' dans le monde des grands.

Au-delà des 14 secondes pour sa première sortie, la pépite peroxydée a fait descendre le chrono sans discontinuer jusqu’à réussir un magnifique 13''17 aux championnats de France, embarquant la médaille d’or et les minima par la même occasion. Déjà 9ème meilleure performance mondiale de la saison, à hauteur d’un Omar McLeod (Jamaïcain champion olympique et du monde), le gamin dont les origines françaises le ramènent dans le Puy-de-Dôme peut viser une finale. Mais lui voudra déjà plus ! 

PML, Bigot, Lavillenie: un trio de vieux briscards pour assurer 

Parmi les autres valeurs sûres de l’athlétisme français, on retrouvera encore sur les haies l’inoxydable Pascal Martinot-Lagarde. A 30 ans, comme Mayer, son physique le chagrine depuis des mois. Mais il arrive en permanence à se sublimer le jour J, 5ème des derniers JO, vice-champion du monde en salle cet hiver. Quentin Bigot entre plus que jamais dans la catégorie des poids lourds de l’équipe de France. Le lanceur de marteau a battu son record personnel deux fois cette année en passant la barre mythique des 80m. Bigot, vice-champion du monde 2019 et 5ème à Tokyo, luttera contre les Polonais Nowicki et Fajdek, comme toujours. Enfin, comment ne pas citer Renaud Lavillenie. Même si le Clermontois vieillit (35 ans), l’ex-recordman du monde du saut à la perche est toujours craint par ses adversaires. Avec 5,81m en salle comme en plein air cette saison, il est le top 10 en 2022. 

Le 800m Français en haut de l’affiche 

Le double tour de piste se sublime cette saison. Chez les femmes, Rénelle Lamote, triple championne d’Europe, progresse mois après mois avec son coach Bruno Gajer depuis que la jeune femme a déménagé à Montpellier. En 1’58’’48, elle accroche le top 15 mondial de la saison mais elle a surtout impressionné en Ligue de Diamant et sera attendue en finale. Chez les garçons, la densité n’a jamais été aussi impressionnante. Le champion du monde 2017 Pierre-Ambroise Bosse est aujourd’hui le troisième larron derrière le duo Benjamin Robert – Gabriel Tual. Ce dernier, finaliste lors des derniers Jeux olympiques, continue son ascension mais sa prise de pouvoir est contrarié par le format de poche Robert. Le Toulousain, protégé de Sébastien Gamel, explose tout cette saison et avec un nouveau record en 1’43’’75, il est le 5ème meilleur performeur de la planète en 2022. Les trois français sont d’ailleurs dans le top 20 de la saison. 

La génération 2024 prend ses aises 

50% de la délégation tricolore a moins de 25 ans. "C’est la prise de pouvoir de la génération 2024", assure Patrick Ranvier, le Directeur Technique National. Il est ravi de voir la jeunesse éclore. "On a un vrai trou générationnel mais avec des anciens qui veulent optimiser leur fin de carrière, et les jeunes arrivent vraiment. Je suis d’une nature optimiste et ambitieuse et la dynamique enclenchée par Romain Barras et son équipe est excellente". Jimmy Gressier en progrès constant en course de fond, Cyrena Samba-Mayela, championne du monde du 60m cet hiver, Thibaul Collet, champion de France de la perche en salle et plein air en 2022, Margot Chevrier aussi à la perche qui a explosé son record avec 4m70 (6ème MPM) ou encore Just Kwaou-Mathey, record amélioré en 13''27 sur le 110m haies sont autant de promesses amenées à performer à Eugene.  

Belocian et Tavernier vont devoir regarder les Mondiaux à la télé 

Enfin, il y aura quelques absences importantes sur la côte ouest américaine. A commencer par deux athlètes qui auront dû être à Eugene. Mais Wilhem Belocian, champion d’Europe du 60m haies en 2021, s’est blessé à l’ischios jambiers lors du meeting d’Oslo et sera trop court. De son côté, Alexandra Tavernier vit une saison compliquée était qualifiée grâce à sa belle 4ème place à Tokyo lors de l’épreuve du marteau. La Haut-Savoyarde n’a jamais réussi à passer les minima et a en plus contracté le Covid à la fin du mois de juin. Elle se concentrera sur les championnats d’Europe au mois d’août. En sprint, un seul représentant tricolore avec Mouhamadou Fall (200m) car abandonné par Jimmy Vicaut, resté à 7 centièmes des minima mondiaux (mais retenu pour le relais 4x100m) et Christophe Lemaitre, proche de la fin de carrière. Malgré ces déceptions, l’équipe de France arrive à Eugene avec l’espoir de remonter enfin la pente et ramené un peu dans l’avion du retour. Après le tout petit score de deux médailles en 2019 à Doha (et surtout six minuscules finalistes) et l’unique médaille d’argent de Kevin Mayer à Tokyo, le maillot frappé du coq doit briller au Hayward Field, stade mythique de Eugene, la capitale de l’athlétisme américain. 

Aurélien Tiercin