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Owens, la légende éternelle

Jesse Owens

Jesse Owens - -

Né il y a tout juste cent ans, l’athlète noir quadruple médaillé d’or olympique sous les yeux d’Adolf Hitler, en 1936 à Berlin, est célébré ce jeudi au siège de l’UNESCO en présence de deux de ses filles.

HD oblige, les images ont pris un coup de vieux. Pas la légende. Le 12 septembre 1913 naissait à Oakville, Alabama (Etats-Unis), l’un des plus grands sportifs de l’histoire. Jesse Owens. Un patronyme synonyme d’excellence et symbolique de la résistance à la barbarie. En 1936, à Berlin, cet athlète noir empile quatre médailles d’or olympique sur 100 m, 200 m, 4x100 m, longueur – exploit reproduit par Carl Lewis à Los Angeles en 1984 –,sous les yeux d’un certain Adolf Hitler dans un stade bardé de croix gammées. Du sport, oui, mais bien au-delà. Et 77 ans plus tard, le monde n’a pas oublié. Témoin l’hommage rendu ce jeudi au siège de l’UNESCO à Paris pour le centenaire de sa naissance.

Une soirée organisée par la Fédération française d’athlétisme (FFA) et les producteurs du biopic sur Owens prévu pour fin 2014, Race, durant laquelle sera diffusé un documentaire en présence de deux de ses trois filles, Gloria (81 ans) et Beverly (75). « C’était un don de Dieu d’avoir été capable de faire ce qu’il a fait, explique Beverly. Il était noir, en Allemagne, et pour ça ils ne vous aimaient pas dès le départ. Mais il a gardé la tête haute. Il était venu pour courir et c’est ce qu’il a fait. » Reste la mémoire. Cultivée en France où, depuis 2009, Owens a donné son nom à un stade couvert (Val-de-Reuil) et servi de héros au roman Berlin 36 signé Alexandre Najjar. Sans oublier le film Race, initié par un Luc Dayan associé pour ce projet avec la société de production hexagonale Forecast Pictures.

Duel contre un... cheval

Mais quid des Etats-Unis ? Comme souvent, difficile d’être prophète en son pays. Pour le centenaire de sa naissance, la Fédération américaine – qui avait fait porter des maillots avec ses initiales à ses athlètes aux Mondiaux 2009 de Berlin – n’a ainsi rien prévu. Une école primaire de Chicago, la ville où il est enterré, vient, elle, de se… débaptiser du nom Jesse Owens (qui reste attribué à une rue de la ville). Tombé dans l’oubli domestique ? Pas jusque-là non plus. Mais le peu de célébrations de ses compatriotes, en comparaison de ce qui peut se passer pour Mohammed Ali ou Jackie Robinson (premier joueur de baseball noir à évoluer en MLB dans l’ère moderne), peut s’expliquer.

Le temps passé, déjà. L’anonymat dans lequel a sombré l’athlétisme aux Etats-Unis, ensuite. Tout ce que son souvenir renvoie, enfin. Car l’histoire de Jesse Owens raconte l’époque de la ségrégation. En 1936, le président Franklin Roosevelt n’avait même pas pris la peine de le féliciter. A son retour, à l’issue d’une parade à New York avec la délégation US, il doit prendre un… monte-charge pour rejoindre une réception en son honneur au luxueux hôtel Waldorf-Astoria. L’ascenseur ? Réservé aux blancs…

Pour l'éternité dans l'histoire du sport

Plus tard cette année-là, il devra prendre part à un duel contre un… cheval pour gagner de l’argent et nourrir sa famille. Petit-fils d’esclave, natif d’un Etat sudiste au racisme bien ancré, Owens n’aura pas connu la gloire méritée pour ses exploits. Sa discrétion et son manque d’engagement dans la lutte pour les droits civiques des noirs américains (il avait demandé à John Carlos et Tommie Smith de « cesser leur enfantillages » après leurs poings levés et gantés aux JO de Mexico en 68), au contraire d’un Robinson, y auront également contribué. Même si beaucoup n’ont pas oublié. « Pour nous, c’était juste papa, précise Beverly. Mais lorsque les gens parlent de lui aux Etats-Unis, ils racontent qu’ils n’ont jamais vu personne courir aussi vite, comme s’il avait des ressorts dans les jambes. » Peut-être pas. Mais une place réservée à jamais dans le grand livre du sport, à coup sûr.

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Alexandre Herbinet avec Camille Gelpi