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Sdiri : « Il fallait que ça explose »

Salim Sdiri

Salim Sdiri - -

D’origine tunisienne, le recordman de France de saut en longueur évoque pour RMC Sport les bouleversements politiques en cours en Tunisie. S’il pense que le renversement du régime Ben Ali est une bonne chose, il appelle de ses vœux un système démocratique solide.

Salim, comment avez-vous vécu les derniers événements en Tunisie ?

J’ai un peu de mal à y croire, je n’étais pas préparé à ça. Le renversement de Ben Ali a été super rapide. Mais j’ai senti des signes de faiblesse dans son discours. Comme je dis toujours, « on récolte ce que l’on sème ». Les tensions ne datent pas d’hier, ça pesait sur le peuple tunisien. Il fallait que ça explose, il fallait crever l’abcès. Ce qui est dommage, c’est la tournure que les choses ont prise. C’est triste d’en arriver à un jeune qui s’immole par le feu, à cette petite étincelle qui a fait exploser le réservoir de poudre. Ça aurait pu être pire, car ça a été rapide. Je pense que c’est une bonne chose. Maintenant, les pillages, la casse, c’est toujours regrettable, comme chez nous lors de manifestations : il y a toujours des mecs qui viennent se mêler à ça pour casser, et ça donne une mauvaise image.

Vous avez encore de la famille en Tunisie…

Mon père était en vacances là-bas. Il est bloqué à l’aéroport. Il ne voit rien de ce qu’il se passe, mais il entend l’agitation. On a dû le rassurer au téléphone car il avait un peu peur, il craignait le pire. J’ai appelé la famille, ça va, il n’y a pas de souci. Ma grand-mère vit toujours là-bas, elle va bien.

Quand vous retourniez au pays, parliez-vous souvent de la situation avec les gens de votre connaissance ?

Les gens que je connaissais ont grandi dans ce système. On ne discutait pas l’autorité de Ben Ali, c’est comme ça. On abordait à peine le sujet, on n’avait pas d’autre choix que de vivre comme ça. Pour quelqu’un de l’extérieur, c’est difficile d’expliquer la façon dont les Tunisiens l’ont ressenti. Il y a comme un décalage : on vit ensemble, mais on voit les choses complètement différemment. Je ne ressentais pas vraiment les choses comme eux. C’est vrai qu’il y avait une présence policière impressionnante, mais c’est plutôt rassurant de voir cela que l’inverse. En même temps, je n’y allais que pour les vacances. Tout était facilité pour les ressortissants, c’était carré, strict. Tant qu’on suivait les directives, il n’y avait pas de problème.

Qu’attendez-vous maintenant pour la Tunisie ?

J’attends une vraie démocratie, que s’installe un système correct. Il faut arrêter de polémiquer sur les islamistes, ce sont des conneries. On l’a vu : ce sont les jeunes qui sont descendus et qui ont renversé le pouvoir, c’est bien. Maintenant, il faut construire sur des bases solides, et pas que ça parte n’importe comment. Il y a assez d’exemples de gouvernements dans le monde fonctionnant correctement pour les prendre comme modèle.

Propos recueillis par François-Xavier de Châteaufort