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F1: Lando Norris raconte sa passion pour les jeux vidéo, avec son simulateur à 30.000 euros

Lando Norris

Lando Norris - IconSport

Avant le Grand Prix de Singapour ce dimanche, Lando Norris a accordé un entretien à RMC Sport. Très présent sur les réseaux sociaux, le pilote britannique de 20 ans s'est attardé sur ses rapports avec l'esport et les simulateurs en établissant des parallèles avec la réalité de la course automobile.

Lando Norris, combien d’heures jouez-vous par jour lorsque vous n’êtes pas sur un Grand Prix ?

Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que je joue moins depuis que je suis en Formule 1. Il y a quelques années, lorsque j’étais en Formule 3 ou même en Formule 2 l’année dernière, et donc beaucoup plus souvent à la maison, je jouais davantage et quasiment tout le temps à des jeux de voitures sur mon simulateur. Maintenant, je joue moins. Et lorsque je joue, je fais autre chose que du simulateur. Je privilégie des jeux marrants, des FPS ou alors Fifa. Mais pour répondre à votre question, j’y passe quelques heures par jour, mais cela dépend en réalité. Il arrive que je n’allume pas mon ordinateur pour jouer (rires).

Vous jouez à des jeux qui nécessitent un matériel puissant: quel est le prix de votre installation chez vous ?

J’ai de la chance parce que je dispose d’un des meilleurs équipements qui existe. McLaren est sponsorisé par Dell et ils m’ont permis d’avoir une super installation: elle vaut entre 5.000 et 6.000 euros. Pour ce qui est de mon simulateur, c’est l’un des meilleurs que vous puissiez avoir sur le marché. Rien à voir avec celui de McLaren à Woking naturellement. Celui-là, vous ne pouvez tout simplement pas l’avoir chez vous, parce qu’il est trop gros, trop cher. Et surtout, il nécessite du personnel pour le faire fonctionner. Celui que j’ai à la maison est vraiment top. Si vous comptez l’ordinateur, les trois écrans, le volant, les pédales hydrauliques, à chaque fois ce sont les meilleurs éléments en vente sur le marché et il y en a pour environ 30.000 euros. Mais pour moi, qui veut m’améliorer et devenir un meilleur pilote, c’est ce qu’il me fallait.

Au fil des ans, les jeux vidéo se rapprochent de plus en plus de la réalité. A quel point les sensations ressenties dans un simulateur ou sur une console sont similaires à la réalité ?

Cela dépend. Pour ce qui est des coéquipiers, des changements de pilotes, du ravitaillement en essence, la dégradation des pneus: toutes ces choses-là sont très bien modélisées et fidèles à la réalité, mais surtout en constante progression. Mais les deux gros manques sont la peur – vous ne craignez pas d’avoir un accident - et les forces latérales. En effet, vous ne ressentez rien au niveau de votre corps ou même du cou qui est très sollicité en Formule 1. Même pour McLaren ou n’importe quelle autre écurie de Formule 1 d’ailleurs, il est très difficile de faire ressentir la peur lorsque nous sommes dedans, ou encore la force exercée par la vitesse dans le cockpit d’une monoplace. Pourtant, la peur et les forces latérales sont deux des éléments prépondérants lorsque vous conduisez une voiture de course, quelle qu’elle soit. Il y a donc un gros manque de ce côté-là. En revanche, les modes moteur, la stratégie, tendent à être de plus en plus réalistes et quasiment similaires à ce que nous pouvons ressentir dans la réalité.

Vous nous l’avez dit, vous avez beaucoup joué aux jeux vidéo, notamment ceux de simulation automobile. Quels bénéfices avez-vous tirez de tous ces kilomètres accumulés virtuellement ?

Cela aide beaucoup lorsque vous passez du karting à la monoplace, que ce soit en Formule 4, Formule 3 ou Formule 2. Le comportement de la machine que vous conduisez est totalement différent et les possibilités de s’entraîner son rares. C’est là que le simulateur devient vraiment utile. Que ce soit pour apprendre les techniques de pilotage, prendre connaissance des endroits où il est possible de dépasser, devenir plus régulier. Ou même tout simplement travailler sur vos points faibles : la distance de freinage, les virages lents ou encore les virages rapides. Le problème, c’est qu’il est nécessaire de dompter la peur pour être au niveau dans les virages rapides ou sur les circuits urbains, où les murs sont très proches. Et la peur ne peut pas être reproduite dans un simulateur. A l’époque, je freinais parfois un peu tôt. Je conservais un peu trop de vitesse en entrée de virage. Et c’est vrai que grâce aux jeux vidéo, j’ai finalement pu gommer ces petits défauts. Mais il y a également un autre exemple qui montre que cela aide: les pilotes qui passent du kart à la Formule 4 sont compétitifs alors qu’ils ne s’entrainent pas sur une vraie piste. Les journées de tests sont limitées et chères. Pourtant, ils sont rapides dès le début parce qu’ils ont pu s’entraîner sur une console de jeux.

Les simulations sont de plus en plus proches de la réalité. Les pilotes d’esport sont-ils plus rapides ou plus lents que vous sur une piste ?

Dans la vraie vie, je suis plus rapide (rires). Sur un jeu vidéo, je suis plus lent. Mais la raison est très simple. Parce que même si les deux tendent à se rapprocher, la réalité et la simulation sont tout de même deux choses différentes. Ce que je sais faire, c’est conduire vite sur une piste. Comme un coureur de demi-fond finalement, sa spécialité, c’est d’être rapide sur 800m ou 1 500m. Un pilote de jeux vidéo est juste rapide sur sa console de jeux. Parce que des éléments aussi précis que l’évolution de la piste, du vent, ne sont pas pris en compte. Tout comme la peur et les forces latérales, comme je le disais précédemment. Et lorsqu’ils montent dans une voiture ou une monoplace, ils sont en difficulté parce qu’ils découvrent ces éléments avec lesquels il faut composer. Mais après, c’est comme tout, il y a des exceptions. Certains sont très performants sur simulateur et sur la piste également.

Vous faîtes référence à Jann Mardenborough, vainqueur de la GT Academy en 2011, qui a commencé sa carrière dans le sport automobile grâce au jeu Gran Turismo ?

C’est le parfait exemple. Rudy Van Buren également (il a remporté une compétition organisée par McLaren. Il est ensuite devenu pilote de simulateur pour l’écurie britannique, NDLR). Pareil pour Enzo Bonito (lors de la Course des Champions à Mexico, il a battu Lucas di Grassi, ex-pilote de Formule 1, et s’est montré plus rapide que Ryan Hunter-Reay, vainqueur des 500 Miles d’Indianapolis, NDLR). Cela montre qu’il y a une vraie corrélation entre la réalité et les jeux vidéo. Et dans les années à venir, je pense qu’il y aura de plus en plus de pilotes qui seront issus de la filière "simulation".

Si nous suivons votre raisonnement, un jour, il sera donc possible de voir un pilote qui a fait ses classes sur des jeux vidéo, s’installer dans une Formule 1 pour un essai et être compétitif assez rapidement ?

Plus les années vont passer, plus cette éventualité deviendra plausible. Mais je pense que le pilote se heurtera à la limite physique. Lorsque vous jouez chez vous, vous n’avez pas besoin de vous entraîner physiquement. De plus, la question de la peur et j’y reviens une nouvelle fois, entre à ce moment en ligne de compte. Et si jamais un pilote n’a pas peur et arrive à composer avec les forces latérales, un autre élément va venir entraver sa performance. Et puis, une Formule 1 est tellement rapide … Lorsque vous êtes sur votre simulateur, vous avez toujours cette impression que c’est lent. Alors qu’en réalité, c’est tout l’inverse. Surtout sur les circuits urbains comme Singapour et Monaco. Un jour, on se rapprochera et on aura un pilote formé sur des jeux vidéo dans une Formule 1. Mais dans 20 ou 30 ans. Aujourd’hui, je pense que ce n’est pas possible. Il faut d’abord passer par la Formule 3 et ensuite la Formule 2. Et pas directement en Formule 1.

La peur est un élément qui revient souvent dans vos interventions. Comment cela se traduit dans votre conduite sur une vraie piste est dans un jeu vidéo ?

Sur un simulateur, vous allez mettre très peu de temps avant d’être compétitif. Si vous bloquez vos roues, cela n’a pas d’importance. Vous appuyez sur "start" et vous recommencez. Dans la vraie vie, vous ne pouvez bien évidemment pas faire ça. Il y a donc toujours la question des risques que vous prenez pour aller vite sans toutefois aller jusqu’à l’accident. Et l’une des raisons pour lesquelles les pilotes de jeu vidéo sont quasiment imbattables, c’est justement celle-ci: ils vont chercher la limite dans chaque virage, ils ont un accident mais recommencent. De nouveau un accident et ils recommencent. Et ce dans chaque virage. Et au bout d’un certain temps, ils trouvent la limite partout. Moi, et même tous les pilotes de Formule 1 actuels, sommes plus lents qu’eux. Mais bon… Vous ne pouvez pas faire ça sur une vraie piste avec une vraie voiture. Il n’y a pas de conséquence sur un simulateur. C’est tout l’inverse dans la réalité.

Vous êtes très actif sur la plateforme de streaming de jeux vidéo Twitch. Est-ce une façon de rester connecté au monde réel et de partager des moments avec vos fans ?

C’est un peu différent, mais finalement c’est comme avoir Facebook, Twitter ou Instagram. Ça fait juste un de plus (rires). Avec un peu plus de vidéos et de directs. Aujourd’hui, tout le monde est sur Instagram. Twitch est une autre façon de faire des vidéos. Cela me permet d’avoir un peu d’interaction avec mes fans et de leur montrer des choses qu’ils ont envie de voir.

L’humour est votre constante sur les réseaux sociaux. Beaucoup disent que c’est une société de communication qui gère l’ensemble de vos comptes. Que les blagues ne sont pas les vôtres. Qu’en est-il vraiment ?

J’ai en effet une équipe avec laquelle nous discutons de la stratégie à avoir et qui gère beaucoup de choses. Elle prévoit des posts en avance, me dit qu’à ce moment-là, il faudrait faire ça ou ça. Mais les photos, les textes, sont de mon ressort.

Vous jouez beaucoup aux jeux vidéo. Vous vous filmez. Vous êtes actif sur Twicth. Vous allez devenir le nouveau PweDiePie ?

Non, pas du tout (rires). Je ne sais même pas combien il a d’abonnés sur YouTube. 100 millions peut-être ?

101 millions maintenant.

Je ne sais pas si j’arriverai un jour à ce nombre (rires).

Propos recueillis par Lucas Vinois