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Mais qu’a fait le Limoges CSP depuis 14 ans ?

Nobel Boungou colo (Limoges)

Nobel Boungou colo (Limoges) - -

En cas de victoire ce jeudi face à Strasbourg (20h50), le Limoges CSP deviendra champion de France pour la dixième fois de son histoire et la première depuis 2000. Retour sur ses 14 dernières années, dans l’ombre du basket français.

- Il a été sauvé in extremis
Le triplé de l’an 2000 (championnat, Coupe de France, Coupe Korac), avec le « Captain Courage » Yann Bonato en rassembleur d’un groupe qui a dû accepter des baisses de salaire, est le début de la (presque) fin. Beaublanc ne chérira plus avant longtemps, très longtemps, un joueur du talent de Marcus Brown. Les difficultés financières s’accumulent, les affaires judiciaires aussi. Le CSP, placé en redressement, est relégué administrativement en Pro B après qu’un hypothétique investisseur chinois (voir ci-dessous) ne soit jamais arrivé, principalement parce qu’il n’a jamais existé… Il remonte en 2001, mais végète. En 2004, la situation est à nouveau très grave. Et le pronostic vital du champion d’Europe 1993 est engagé… Dépôt de bilan, liquidation judiciaire. Frédéric Forte, héros de la finale contre Trévise 11 ans plus tôt avec son interception sur Tony Kukoc, reprend un club en ruines. Grâce à son poids historique, le CSP est autorisé à redémarrer en Nationale 1 (3e division) et non deux échelons encore plus bas…

- Il a voyagé en terres inconnues
En NM1, le club aux neuf titres de champion de France et cinq coupes d’Europe se rend à Saint-Chamond, Longwy, Liévin, Le Portel… Des « petits » qui adorent l’idée de se taper le « grand » et, pour certains, y parviennent. Le chemin de croix commence et il sera long. Beaublanc supporte deux saisons en Nationale 1, applaudit des leaders qui s’appellent alors David Thévenon ou François Renaux, trouvera plus tard comme chouchous Alhaji Mohammed puis Kyle McAlarney. Le coach Hugues Occansey arrive à faire monter le CSP en Pro B en 2006. Une division où le club limougeaud apprendra qu’il est très difficile d’aller gagner dans la salle de 1 500 places d’Aix-Maurienne (Savoie), que Quimper (Finistère) peut surprendre, que Saint-Vallier (Drôme) est une valeur sûre ou encore que Saint-Etienne (Loire), ce n’est pas que du foot. Fred Weis, membre de la bande de l'an 2000, revient prêter main forte à la fin de sa carrière en 2010. Deux années en NM1, quatre en Pro B. Les supporters limougeauds révisent leur géographie. L’attente semble même renforcer la ferveur en se transformant en impatience.

- Il a repris espoir à Bercy
Depuis que Limoges a disparu de l’élite et jusqu’en 2012, les finales du championnat de France se jouent sur un match à Bercy. Une fête à laquelle se réinvite le CSP par le biais de la finale de Pro B, qui offre à son vainqueur une place en Pro A. En 2009, malgré des supporters venus en nombre, les joueurs d’Eric Girard tombent face à Poitiers. Ils reviendront plus sereins à Paris l’année suivante, avec une accession acquise au préalable grâce à… Pau-Orthez, l’ennemi historique, passé par la Pro B lui aussi et premier de la saison régulière. Ces voyages « à la capitale », en train ou en bus, font renaître l’espoir. Les rangs des « Eagles », un groupe de supporters, grandissent. Les « Ultras Green » naîtront. Limoges chante, Limoges vibre. Le retour se précise, avec également deux finales de Coupe de France. Même si Bercy ne réussit au CSP qu’à sa cinquième visite, en 2012.

François Renaux (Limoges) en finale de Pro B en 2010
François Renaux (Limoges) en finale de Pro B en 2010 © -

- Il a trouvé un nouveau rival
S’il a recroisé la route de Pau-Orthez en Pro B pour son plus grand plaisir (2009-2010), l’occasion de revivre des soirées à guichets fermés et une grosse ambiance à Beaublanc, le CSP s’est découvert un nouveau rival dans ces divisions obscures. Poitiers, le malin et performant voisin (120 km). Les Limougeauds apprennent à détester les héros du PB86 (Pierre-Yves Guillard, Rasheed Wright, Kenny Younger…) au gré des huit victoires consécutives des Poitevins dans ces derbys. La série s’interrompt miraculeusement en Pro A en novembre 2012. Mené de 7 points à 40 secondes de la fin, le CSP s’impose 67-66 à Beaublanc. Il est alors entraîné par le Grec Panagiotis Giannakis, qui avait déjà fait le même coup aux Bleus à l’Euro 2005. A un degré moindre que Poitiers, Boulazac (Dordogne) devient également un nouvel adversaire régional. Plus docile. Plus au sud, Fos-sur-Mer provoque aussi une certaine tension. Comme la visite en 2010 de Laurent Sciarra (alors à Orléans), qui dégénéra...

- Il a changé deux fois de couleurs
Limoges a été champion de France en vert dans les années 80, champion d’Europe en jaune et grenat dans les années 90. Mais aussi, beaucoup moins glorieusement, un pensionnaire de Nationale 1 et de Pro B en noir et blanc à partir de 2004… Ses supporters peinent à se faire à ces couleurs, rêvent d’un retour vers le passé. En 2011, alors que le club est redescendu en Pro B après un très rapide et très décevant passage en Pro A, le vœu de Beaublanc est exaucé par Fred Forte. Après sept ans en noir et blanc, le CSP du capitaine Raphaël Desroses retrouve son vert et blanc. Avec fierté.

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- Il a fait des erreurs
Fred Forte l’a reconnu, il pensait que le retour au premier plan prendrait moins de temps. Alors le président limougeaud, qui s’est battu contre un cancer en même temps qu’il devait poser les bases du renouveau, est parfois allé vite. Trop vite. Hugues Occansey fait remonter le club en Pro B ? Il est écarté et le président s’improvise « prési-entraîneur » de 2006 à 2008. Un échec, qui abîme son image de « sauveur ». Olivier Cousin, Eric Girard et Zare Markovski se succèdent sur le banc, très instable, du CSP. Les deux derniers n’arrivent pas à maintenir le club en Pro A en 2010-2011. Et les joueurs défilent aussi. Frédéric Sarre, entraîneur « au sang limougeaud », redonne confiance en 2011-2012. Mais il quitte ses fonctions à la surprise générale, laissant le banc vide pour le retour en Pro A. La ville va frémir. L’arrivée de Panagiotis Giannakis, le « Dragon », est murmurée puis confirmée. Mais le pari est perdu. L’homme aux méthodes très dures, champion d’Europe en tant que joueur et sélectionneur avec la Grèce, maintient difficilement l’équipe en Pro A puis signe avec la Chine sans l’accord de son président. Il est licencié au printemps 2013. La procédure est toujours en cours.

- Il a refait la fête, quand même
En 2012, le titre de champion de France de Pro B est presque fêté comme s’il s’agissait d’un « vrai », dans les rues de Limoges. Un an plus tard, alors que l’arrivée du réputé Giannakis a elle-même généré un grand enthousiasme, c’est le 20e anniversaire de son sacre européen que célèbre le CSP. Un soir de match face au Paris-Levallois, Beaublanc accueille ses légendes du 15 avril 1993 : Michael Young, Richard Dacoury, Willie Redden, Jurij Zdovc, Bozidar Maljković … La soirée est belle, les héros d’hier remettant aux joueurs du présent des maillots jaunes à la symbolique forte. Limoges fait la fête, la grande fête. Sur le parquet, il n’est pourtant question que d’un maintien assuré en Pro A à deux journées de la fin.

- Il a posé des bases françaises
Nobel Boungou colo, Jo Gomis, Fréjus Zerbo. Ces trois joueurs sont arrivés en 2011-2012, quand le CSP était alors en Pro B. Ils sont toujours là, en ce printemps 2014, pour la finale de Pro A. Rejoints par Adrien Moerman et Johan Petro, même si ce dernier est à la peine depuis sa signature cet hiver, ils forment une ossature française de qualité pour le CSP. Le public les aime, les Américains les suivent. Adrien Moerman et Nobel Boungou colo pourraient en profiter pour aller à la Coupe du monde cet été avec les Bleus. Ils ont été pré-retenus par Vincent Collet, l’entraîneur de l’équipe de France et de… Strasbourg, l’adversaire des Limougeauds en finale.

- Il a rassemblé des joueurs de talent
Alex Acker, JR Reynolds, JK Edwards. A la fin de l’été dernier, le président Forte confiait avoir monté « une belle équipe sur le papier ». A ces trois éléments rompus à la Pro A, s’ajoute un meneur talentueux, Taurean Green. Des promesses naissent en saison régulière, mais elles sont tempérées par quelques sorties de route conséquentes et inquiétantes. Les ego sont durs à gérer, le temps de jeu et les responsabilités sont difficiles à partager. Beaublanc doutait de Jean-Marc Dupraz, nommé entraîneur du CSP en début de saison. Beaublanc était sceptique, avec le profil « low cost » de l’ex-coach de Paris-Levallois et de Bordeaux, qui l’avaient remercié.

Mais celui qui n’était qu’un joueur débutant en bout de banc limougeaud en 1993, est parvenu à trouver les solutions tactiques, notamment en défense, et à créer un groupe uni malgré les coups de gueule, ses accrochages avec certains en plein match (Edwards et Acker contre Dijon en demi-finales). Un groupe duquel peut surgir à tout moment une action de classe, potentiellement décisive. C’est par l’intermédiaire de ces joueurs que les 6 000 spectateurs d’un Beaublanc désormais bien trop petit, plus les quelque centaines voire milliers d’autres qui regarderont le match sur écran géant à l’extérieur, pourraient exploser de joie ce jeudi soir. Le CSP est revenu au premier plan, mène 2-0 face à la SIG en finale de la Pro A. Sa « décima » lui tend les bras.

La rédaction