Contador, le surdoué de Pinto

Alberto Contador - -
« Il est né pour faire du vélo ». Fabrizio Guidi, le directeur sportif de Saxo Bank, résume le phénomène. A 29 ans, Alberto Contador s’est fait une place parmi les meilleurs grimpeurs de l’Histoire. Elégant, offensif, généreux dans l’effort, « le Pistolero » est considéré comme un véritable surdoué de la pédale. Pourtant, Contador n’a pas grandi sur une selle. Loin de là. Issu d’une famille modeste, l’Espagnol a passé son enfance à Pinto, dans la banlieue de Madrid. Entouré de sa sœur et de ses deux frères, dont un, Raul, souffrant d’une paralysie cérébrale, le petit Alberto à découvert le vélo assez tard. Ce n’est qu’à l’âge de 14 ans, initié par Fran, son frère aîné (qui deviendra plus tard son agent), qu’il enfourche sa première bicyclette. Quelques années plus tard, il tape dans l’œil d’un éducateur. Ce dernier l’inscrit dans un club du coin. La légende est en marche…
En 2003, Contador débarque chez les professionnels sous le maillot mythique d’ONCE. Couvé par Manolo Saiz, il s’adjuge sa première victoire dans la foulée (un contre-la-montre lors du Tour de Pologne), à seulement 20 ans. Le monde découvre le gamin de Madrid. Et pense le perdre dès l’année suivante. Victime d’une lourde chute dans le Tour des Asturies, le prodige ibère, touché à la tête, est plongé dans le coma durant trois semaines. Il s’en sort avec soixante-dix points de suture et deux plaques de titane dans le crâne. Un traumatisme qui ne l’empêche pas de retrouver les pelotons quelques mois plus tard. En juillet 2005, Contador, désormais sous les couleurs de Liberty-Seguros, découvre les routes du Tour de France. Pour son grand baptême, il termine 31e du général, à plus d’1h30 de l’intouchable Lance Armstrong. L’été suivant, il regarde le Tour à la télévision. Son équipe, mouillée dans l’affaire Puerto (un vaste scandale de dopage), n’est pas conviée à la Grande Boucle. Cité à titre personnel, il est finalement blanchi au mois d’août.
Vainqueur des trois grands Tours
La consécration arrive en 2007. Pour sa deuxième participation au Tour de France, Contador se présente en jaune sur les Champs-Elysées. Entre-temps, il a rejoint Johan Bruyneel et Discovery Channel, l’ancienne équipe d’Armstrong, qui a mis sa carrière entre parenthèses. Un sacre obscurci par les soubresauts de l’affaire Puerto, encore dans toutes les mémoires. Une suspicion qui n’empêche pas l’héritier de Miguel Indurain de poursuivre sa moisson. En 2008, après avoir suivi Bruyneel chez Astana, il réalise le doublé Giro-Vuelta et devient le premier Espagnol à remporter les trois grands Tours (France, Italie, Espagne). Il rejoint ainsi Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Felice Gimondi et Bernard Hinault au panthéon des coureurs ayant réalisé ce triplé d’exception. Malgré le retour aux affaires d’Armstrong chez Astana, Contador poursuit son ascension et remporte le Tour 2009 au terme d’un mois de cohabitation houleux avec le Texan.
Débarrassé de son meilleur ennemi lancé dans l’aventure RadioSchack, il réalise le doublé en 2010, avec 39 secondes d’avance sur Andy Schleck. Au moment de recevoir son trophée, il ne se doute pas encore que le contrôle dont il a fait l’objet le 21 juillet va bouleverser sa carrière… A nouveau soupçonné de dopage, il glane tout de même plusieurs titres, dont le Giro 2011, avant que la sanction du Tribunal arbitral du sport ne tombe ce lundi. Comme une énorme claque. Deux ans de suspension, un palmarès épuré depuis juillet 2010 et une réputation salie à jamais. L’Espagne crie au complot, unie derrière l’une de ses plus grandes icones sportives. Le coup est dur pour Contador. Mais peut-être pas fatal. « Mon frère ne va pas abandonner le cyclisme », assure Fran. A condition que l’inverse ne se produise pas non plus…