RMC Sport

Cyclisme: les casques de chrono au coeur d'une passe d'armes entre Visma Lease a Bike et l'UCI

placeholder video
Inauguré en compétition cette semaine à la fois sur le prologue de Tirenno-Adriatico et sur le chrono par équipes de Paris-Nice, un casque au design particulièrement extravagant et remarqué était porté par les coureurs de l’équipe Visma-Lease a Bike. L’Union Cycliste Internationale (UCI) se saisit de la question, au nom notamment de la sécurité. La formation néerlandaise lui répond au cours d’une passe d’armes qui n’est pas sans amuser le peloton.

Le phénomène des gains marginaux introduit il y a plus de 10 ans dans le peloton par l’équipe Sky devenue depuis Ineos Grenadiers aurait-il atteint cette semaine les limites de ce que peut décemment accepter la police du goût? "Moche" pour le sélectionneur de l’équipe de France de cyclisme Thomas Voeckler, design "choquant" aux yeux de Benoit Vaugrenard, directeur sportif de la Groupama FDJ, le nouveau casque de chrono de la Visma-Lease a Bike supposé procurer une aérodynamique sans précédent à tout coureur qui le porte en course ne fait pas franchement l’unanimité.

D’ailleurs, à la question de savoir ce que Matteo Jorgenson, le leader de la formation néerlandaise, avait pensé mardi sur Paris-Nice de son premier contre la montre par équipes coiffé de ce drôle d’engin aux proportions très étranges, la brève réponse empreinte d'un rire gêné ne laissait guère de doute sur le probable sentiment un brin vaudevillesque qu'il pouvait éprouver à ce moment-là. Cheveux roux trempés de sueur, ledit casque jaune et noir digne de Daft Punk ou de Dark Vador à la main, l'américain déclarait "c'est incroyable ce que la technologie peut nous amener. Vraiment je ne sais pas quoi dire." Nouveau rire gêné.

Eviter une inflation de la bizarrerie

Ce casque, dernière création de l’équipementier américain Giro, bien qu’assez différent de tout équipement rencontré jusque-là en chrono, ne contrevient pas aux règlements de l’UCI, dans les carcans fixés de 45 centimètres de longueur, 30 de largeur et 21 de hauteur. Néanmoins, l’instance basée à Aigle en Suisse a décidé de se saisir du dossier évoquant "un problème notable concernant la tendance actuelle en matière de conception des casques de contre-la-montre, qui vise davantage la performance que la fonction première d’un casque, à savoir assurer la sécurité du porteur en cas de chute".

Et ce supposé problème, l’UCI compte bien le régler rapidement. D’autant que tout équipement porté en compétition doit également selon les règlements être à terme commercialisé pour le grand public. Or, le casque de la Visma-Lease a Bike reste pour l’instant à l’état de prototype. Quoi qu’il en soit, l’UCI devrait rapidement revoir sa copie en matière de réglementation pour les casques utilisés par les cyclistes en compétition afin d’éviter une inflation de la bizarrerie.

Vingegaard a "bien rigolé" la première fois qu’il a vu le casque

D’autant que pour ce qui en a été aperçu sur Tirreno-Adriatico et sur Paris-Nice, cet équipement n’a pas semblé faire d’étincelles, les coureurs de la formation néerlandaise étant à chaque fois largement battus, notamment par leurs adversaires d’UAE Team Emirates. Mais Jonas Vingegaard, double vainqueur du Tour de France, s’il avoue avoir "un peu rigolé" la première fois qu’on le lui a présenté, a assuré après le prologue de la course italienne que c’était "un très bon casque, très rapide, une nouvelle étape vers le vélo du futur", et ce en dépit des 22 secondes concédées sur à peine 10 kilomètres à Juan Ayuso.

Un discours qui semble parfaitement coller au plan de communication de Visma-Lease a Bike, bien décidée à défendre son nouvel outil coûte que coûte. Muette depuis les remontrances à peine voilées de l’UCI, celle-ci s’est refusée à tout commentaire malgré les multiples sollicitations de RMC Sport, prenant tout de même le soin de nous renvoyer vers un communiqué publié mardi en début de soirée, dans lequel on pouvait ressentir une certaine acrimonie à l’égard de l’instance de régulation du cyclisme mondial.

Visma-Lease a Bike a agi en respect du réglement

Dans cette courte déclaration écrite, Visma-Lease a Bike assure en réponse aux interrogations de l’UCI que son casque est "sûr" et "répond à toutes les règles de sécurité", prenant notamment l’exemple de sa visière plus grande "qui permet aux cyclistes d’avoir une meilleure visibilité". Elle explique aussi avoir investi "beaucoup de temps et d’énergie dans le développement aérodynamique tout en respectant les cadres fixés par l’UCI", attendant au passage "avec impatience les prochains contre la montre", et se disant "très confiante" pour pouvoir continuer à utiliser ce casque à l’avenir.

Il faut dire que chaque innovation dans le vélo est toujours scrutée avec une attention particulière. Les évolutions en matière d’équipement sont constantes et parfois un peu saugrenues, des roues lenticulaires aux plateaux ovales de la Sky en passant par les cuissards taillés au millimètre ou même aux bidons profilés. En contre la montre, elles sont même devenues une question fondamentale tant chaque seconde peut compter entre les meilleurs coureurs.

Vraiment utile?

En matière de casques, c’est d’abord l’équipe Garmin devenue EF-Education EasyPost qui avait innové il y a quelques années en étant la première dans le peloton à équiper ses coureurs de casques hyper aérodynamiques. L’innovation majeure vient cette fois ci de Visma-Lease a Bike et de ce casque qui une fois le coureur en position de chrono vient couvrir les épaules et améliore ainsi la circulation et l’évacuation de l’air. "On continue avec la recherche du gain marginal", observe Benoît Vaugrenard. "C’est comme ça, c’est l’évolution de notre sport. Si ça apporte vraiment une amélioration de la performance, j’ai envie de dire pourquoi pas, mais je n’en sais rien, et j’attends de voir."

Quoi qu’il en soit, ce n'est pas la première fois que Visma-Lease a Bike innove dans les équipements de ses coureurs. En avril 2023 juste avant Paris-Roubaix, l'équipe dirigée par Richard Plugge avait mis à la disposition de ses coureurs un système de pression de pneus ajustable pendant la course.

Arnaud Souque, à Chalon-sur-Saône