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Cyclisme: non, Poulidor n’était pas seulement un "éternel second" mais un champion avec un grand palmarès

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Raymond Poulidor, qui vient de s’éteindre ce mercredi à l’âge de 83 ans, était réputé pour être "L’Eternel second", jamais vainqueur du Tour de France notamment malgré huit podiums. Une étiquette pourtant réductrice, car malgré sa malchance, "Poupou" a su se construire un grand palmarès et signer des victoires importantes.

Certains noms restent dans l’Histoire avec prestige. Celui de Raymond Poulidor, disparu ce mercredi à l'âge de 83 ans à Saint-Léonard-de-Noblat, raisonnait depuis déjà longtemps comme un synonyme de poisse, de guigne, de défaite rageante. Le personnage était aimé un peu pour ça aussi. "Poupou", c’était le symbole d’une France qui adorait son perdant magnifique.

Et pourtant, cette réputation, le Creusois ne la méritait pas vraiment. Bien sûr, Raymond Poulidor, c’est moult revers et podiums occupés aux 2e et 3e places. Mais c’est aussi un grand palmarès, émaillé de victoires de renom qui rappellent quel grimpeur d’exception il était.

1964, un très grand cru auréolé d’une Vuelta

L’année 1964 est spéciale pour le cyclisme français. Pour la première fois de l’histoire, les trois Grands Tours sont remportés par des coureurs d’un même pays, à savoir la France (il faudra attendre 2008 pour retrouver un tel cas de figure avec l’Espagne d’Alberto Contador et Carlos Sastre et 2018 avec les Britanniques Chris Froome, Geraint Thomas et Simon Yates). Et sans surprise, ce sont les deux coureurs les plus brillants du moment qui assurent le show.

Raymond Poulidor ouvre le bal avec le Tour d’Espagne. Jacques Anquetil, vainqueur un an plus tôt (son unique succès sur la Vuelta), n’est pas au rendez-vous. "Poupou" a le champ libre ce printemps-là. Enfin, il accroche à son palmarès un Grand Tour en s’emparant de la tunique de leader (encore jaune à l’époque) grâce à sa victoire sur le contre-la-montre, à deux jours de l’arrivée à Madrid.

Alors que Poulidor vient de remporter la Vuelta, Anquetil, lui, s’en va conquérir d’une main de maître le Giro. Tout est réuni pour une explication finale entre les deux champions qui divisent la France sur la Grande Boucle. Cette édition 1964 est l’une des plus épiques. Les deux rivaux se livrent une bataille acharnée. Raymond Poulidor se met à la faute en oubliant un tour de circuit au vélodrome de Monaco lors de la 9e étape, perdant un temps précieux sur Jacques Anquetil. Lors de la 20e étape, au puy de Dôme, "Poupou" est le meilleur dans la montagne et fait craquer le leader, mais ce dernier sauve son maillot jaune à l’arraché. Poulidor est encore battu, mais cette année 1964 le consacre enfin avec cette Vuelta gagnée et ce Tour dantesque perdu pour 55 secondes.

Milan-San Remo 1961, une belle première

Professionnel depuis seulement deux ans, Raymond Poulidor s’engage sur le Monument italien en mars 1961. Celui qui n’a pas encore 25 ans signe la première grande victoire de sa carrière dans une course où il a pourtant failli jeter l’éponge. A 60 kilomètres de l’arrivée, le Français est victime d’une crevaison. Le directeur sportif de Mercier, Antonin Magne, refuse que tout s’arrête-là. Hors de question de laisser son coureur monter dans la voiture.

Un peu malgré lui, Poulidor repart, rattrape le peloton, attaque et arrache la Primavera en solitaire, avec 20 secondes d’avance sur le Belge Rik van Looy. Après jugement, l’écart est réduit à seulement trois secondes; à cause d’une erreur de parcours – déjà… –, Poulidor a failli voir s’envoler la victoire. Quelques semaines après, il devient champion de France sur route. Cette année 1961 le lance pleinement parmi les meilleurs cyclistes du circuit.

Il a aussi détrôné Merckx à Paris-Nice

Voilà bien une course prestigieuse que Raymond Poulidor peut se targuer d’avoir remporté, contrairement à Jacques Anquetil, jamais mieux classé que 6e. En 1963, "Poupou" devient le premier coureur français à s’imposer sur la Classique belge, la Flèche Wallonne. Une victoire de prestige, des années avant celles de Michel Laurent, Bernard Hinault, Laurent Fignon, Jean-Claude Leclercq, Laurent Jalabert et Julian Alaphilippe.

A celle-ci s’ajoutent d’autres performances de premier ordre: deux victoires sur le Critérium du Dauphiné, deux victoires sur Paris-Nice (voir plus bas), un Critérium des As, cinq succès sur le Critérium national… Et quelle longévité exceptionnelle. L'heure de la retraite ne sonné qu'à 41 ans pour lui. L’année de ses 40 printemps, Raymond Poulidor était encore sur le podium du Tour de France.

Inoxydable, le Français a ainsi pu affronter des années durant Jacques Anquetil, son plus grand rival, avant de se frotter au "Cannibale" Eddy Merckx, de neuf ans son cadet et pourtant bien obligé de se donner à fond pour contenir les assauts du quadra. En 1972, petit séisme avec la première victoire de "Poupou" sur Paris-Nice, après 12 échecs. Merckx, triple tenant du titre, doit cette fois-là s’avouer vaincu. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui ont réussi à dompter "l’Ogre" belge à son apogée. Raymond Poulidor, lui, l’a fait. Pas mal pour un "Eternel second".

Nicolas BAMBA