Guimard : « Hinault n’a jamais été dans le moule »

Image collector : Cyrille Guimard à côté de son protégé, Bernard Hinault, du temps de sa splendeur. - DR
« Fin 1975, Bernard Hinault était en partance de l’équipe Gitane qui devait dans un premier temps s’arrêter avant de continuer, se souvient Cyrille Guimard. J’avais donc été recruté pour devenir directeur sportif. Lui était parti pour aller vers d’autres horizons. Je l’ai appelé, je lui ai dit : ‘’tu fais quoi l’année prochaine ?’’ ‘’Je ne sais pas mais de toute façon je ne reste pas chez Gitane’’. J’ai dit : ‘’écoute, tu ne restes pas chez Gitane, je trouve ça logique sauf que c’est moi qui deviens directeur sportif’’. Là, il me fait : ‘’c’est toi qui prend la direction ? Cherche pas, je continue’’.
Bernard Hinault, c’était quelqu’un d’impulsif, qui avait des coups de gueule. Il fallait les prendre comme ça mais il en avait besoin. Le jour où il n’était pas fâché, où il ne gueulait pas, on avait du petit Bernard Hinault. Le jour où il avait la mâchoire serrée, le regard vif et agressif, on savait qu’on allait avoir du grand Bernard Hinault. Deux coureurs du peloton l’ont surnommé « le blaireau » parce que c’étaient des gens un peu de la terre qui connaissaient le comportement d’un blaireau. Au travers du comportement de Bernard, ils y voyaient celui du blaireau. C’est comme ça que son surnom est arrivé. Je crois qu’il lui va très bien et puis, il l’aime bien donc ça va. »
« Un coup de pédale magnifique »
« Je crois que tous les grands champions sont hors du commun, poursuit Guimard. Lorsque vous analysez les comportements, tous les grands champions ont quelque chose de paradoxal. La plupart du temps, on appelle ça du mauvais caractère. On va vous dire qu’ils sont difficiles à vivre, etc. Non, ce sont des gens qui sont surdoués et quand on est surdoué, par obligation, on ne résonne pas comme tout le monde. On ne fait pas obligatoirement comme tout le monde. On n’est pas dans le moule et Bernard n’a jamais été dans le moule. Je crois qu’il n’y est pas encore d’ailleurs.
A 60 ans, il continue de rouler et a toujours le même coup de pédale. Sur ce plan-là, rien n’a changé. Il est un peu plus enveloppé mais on l’est tous quand on arrive à un certain âge. Il a gardé ce coup de pédale magnifique. Sûrement l’un des plus beaux, pour ne pas dire le plus beau et le plus efficace qui n’ait jamais existé. »