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Guimard : « La marge de Lance est tellement importante… »

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Cyril Guimard, l’ancien directeur sportif de Cofidis, connaît bien Lance Armstrong, qu’il a fait venir dans son équipe en 1996. Il est impressionné par le parcours de son ancien coureur.

Que pensiez-vous de Lance Armstrong à son arrivée sur le circuit en 1992 ?
Il sortait du triathlon. On s’est aperçu d’entrée qu’il avait un potentiel au dessus de la normale. Il était dans le top 10, voire le top 5 mondial. Lorsqu’il est devenu champion du monde sur route en 1993, on s’est vraiment rendu compte qu’on avait affaire à un coureur d’exception. C’était déjà un gros travailleur, pas du tout effrayé par les heures d’entraînement. La seule inconnue était sa motivation.

En 1996, vous le faites signer chez Cofidis, dont vous êtes le directeur sportif…
C’était notre priorité. On l’a d’abord rencontré à Saint-Sébastien, une semaine après le Tour, avant de le revoir à Paris. A ce moment-là, j’étais persuadé de tenir le futur vainqueur du Tour. Il n’y avait pas photo. On lui a proposé un contrat en rapport avec son potentiel. Mais il n’y avait rien de mirobolant. Si on dévoilait aujourd’hui les sommes en jeu, on ferait rire tout le monde !

Quelques semaines plus tard, il apprenait qu’il souffrait d’un cancer. Comment avez-vous vécu cette période ?
Lance a eu le temps de disputer le « Grand Prix Eddy Merckx », puis il est reparti aux Etats-Unis. Il avait déjà quelques problèmes de santé, qui n’avaient aucune importance pour lui. Mais quand il s’est rendu à l’hôpital pour un contrôle, on lui a dit : « Tu ne ressors plus… » Je me suis renseigné très rapidement. C’était un cancer dont on se sortait relativement bien. D’autres sportifs de haut niveau avaient eu le même problème et étaient toujours en activité. Dans la mesure où le pronostic vital n’était pas engagé, je savais qu’il reviendrait.

Cofidis décide pourtant de s’en séparer…
J’étais personnellement favorable à ce qu’il reste dans l’équipe. Mais je ne peux pas en dire plus.

Comment avez-vous vécu son retour en 1998, et la domination qui a suivi ?
Tout le monde a compris très rapidement qu’il allait revenir au plus haut niveau. Juste après sa reprise, il termine quatrième du Tour d’Espagne et quatrième des championnats du monde. On savait qu’il reviendrait encore plus fort. Quand on passe par ce genre de maladies, si l’on s’en sort sans dommages, on retrouve son potentiel physique initial, mais aussi un mental beaucoup plus dur et une volonté beaucoup plus forte.

Etiez-vous derrière lui pendant ses victoires ?
J’ai toujours été en décalage par rapport à ceux qui remettent en cause ses succès et qui prétendent que quelqu’un qui a eu le cancer ne peut pas gagner le Tour. Ceux qui ont accepté de communiquer là-dessus ont fait de la désinformation. Tous les cancérologues que j’ai consultés m’ont affirmé qu’il retrouverait son potentiel initial.

Il y a surtout des suspicions de dopage beaucoup plus terre-à-terre…
Lance Arsmtrong était sûrement celui qui était le mieux averti des risques liés au dopage… Je pense de toute façon qu’il n’en avait pas besoin. Les méthodes utilisées à ce moment-là ne sont inconnues de personne. On peut tout supposer, mais il faut le faire pour tout le monde. Si Lance Armstrong s’est dopé, ce n’était peut-être pas moins, mais sûrement pas plus que les autres. Mais dire qu’il est dopé parce qu’il a eu un cancer est intellectuellement malhonnête.

Qu’avez-vous pensé de l’annonce de son retour après une retraite de plus de trois ans ?
J’ai trouvé ça assez amusant. Mais il n’a pas arrêté de faire du sport. Il a refait du triathlon, du marathon ou du VTT. Il est toujours resté dans l’allure. S’il revient, c’est qu’il sait qu’il va retrouver son meilleur niveau.

Vous a-t-il convaincu depuis qu’il a repris la compétition ?
Il reste Arsmtrong ! Il n’est pas plus fort qu’il y a trois ans, mais pour le battre, il faudra être plus fort que lui. Son problème de clavicule (une fracture lors de la première étape du Tour de Castille et Leon, ndlr) a sans doute retardé les échéances. Mais sur le Tour d’Italie, il a vraiment essayé d’aller le plus loin possible pour améliorer son niveau de performance. Il va être l’un des hommes clé du Tour cette année.

Va-t-il gagner ?
Il a forcément régressé, mais sa marge était tellement importante, que ses adversaires ne le dépassent pas encore forcément. Personnellement, je pense qu’il lui manquera un petit quelque chose pour aller chercher la gagne. Mais il a un atout majeur : tous les jeunes loups vont se manger la laine sur le dos. Et Lance est suffisamment intelligent pour profiter de la situation. Sastre, Schleck, Contador ou Evans veulent tous gagner le Tour. Mais ils préfèrent qu’Armstrong le gagne plutôt qu’un autre jeune.

La rédaction - Clément Zampa