"Le Prince Albert II me suit et me soutient": Victor Langelotti, la réussite d’un modèle sportif monégasque structuré et ambitieux

Victor Langelotti, le 9 juillet 2025 sur le Tour de Pologne - Icon Sport
A l'occasion de cet entretien exclusif accordé à RMC Sport, Victor Langelotti revient sur la réalité du sport de haut niveau à Monaco, sur le soutien concret du Prince Albert II et du gouvernement princier, et sur les espoirs que suscite le Grand Départ de la Vuelta 2026.
Comment décririez-vous la réalité du sport de haut niveau à Monaco? Est-ce qu’il existe une vraie culture sportive locale, ou c’est encore un territoire où tout reste à construire?
Non, il y a une réelle culture sportive locale, disons à différents niveaux parce que évidemment ce que le grand public voit, ce sont les grands événements, le Grand Prix de Formule 1, l’AS Monaco, le Meeting Herculis, le Rolex Master 1000. Tous ces événements-là, forcément, ils participent à l'aura de Monaco dans le sport, mais après, au quotidien, il y a aussi une vraie culture sportive. Grâce en partie à ces événements-là et grâce aux organisations qu'il y a à Monaco, on a accès à des installations. Alors pour le vélo, ce n'est pas forcément nécessaire, on va directement sur la route, mais il y a des infrastructures, des terrains de sport, des terrains de football, de handball, de volley-ball, enfin toutes les infrastructures possibles sont présentes à Monaco.
Dès le plus jeune âge, on a accès au sport assez facilement, c'est une volonté du prince. Tous les écoliers monégasques font du sport toutes les semaines dans de belles infrastructures. En 2 km², tu as accès à une dizaine de sports. Donc, je pense vraiment qu'il y a une véritable culture sportive à Monaco.
Que faudrait-il mettre en place selon vous pour donner envie aux jeunes de suivre ton chemin?
Il y a eu des cyclistes monégasques, mais c’était il y a très longtemps. Et du coup forcément, il n'y avait pas cet exemple du cycliste monégasque à haut niveau et je pense que mon exemple et celui d'Antoine Berlin (autre cycliste pro monégasque, ndlr) va donner envie à des jeunes monégasques de se mettre au vélo.
On a déjà Andréa Cracchiolo qui est en catégorie junior, qui a participé au championnat d'Europe junior cette année, qui est un des jeunes monégasques à faire du cyclisme. C'était la première fois, hormis Antoine et Nicolas D’Angelo qu'il y avait un nouveau jeune monégasque qui participait à une compétition internationale.
Petit à petit, ça vient, ça prend forcément du temps, mais je pense qu'un événement comme l'année prochaine, avec le départ de la Vuelta 2026 de Monaco, on espère qu’avec l'engouement que ça va apporter, qu’il y aura de nouveaux licenciés. C'est ce qu'il s'était passé en 2009 quand Monaco avait accueilli le départ du Tour de France, le nombre d'adhésions au club chez les jeunes avait explosé, donc on espère aussi que ça, ça va amener plus de jeunes licenciés au club et je pense que petit à petit, ça va donner envie à de jeunes monégasques de pratiquer le vélo.
En parlant de ce Tour d’Espagne qui partira de Monaco en 2026, ce Grand Départ peut-il, selon vous, être un catalyseur pour le cyclisme à Monaco, attirer des jeunes, créer une dynamique locale?
Je le pense et je l'espère, parce que c'est ce que j'avais vécu en 2009, donc j'espère que ça va se répéter. En plus de ça, là, ils auront clairement… en tout cas, j'espère que si je n'ai pas de souci physique de chute ou quoi que ce soit, un modèle.
J'espère servir d'exemple et d'inspiration à ces jeunes pour se dire ‘je suis Monégasque, j'aime le vélo, je vais m'y mettre et je peux moi aussi réussir’. Mais il ne faut pas oublier aussi que nous ne sommes que 8.000 Monégasques, ça n'a rien à voir par rapport à 67 millions français. Et sur ces 8.000 monégasques, il doit y avoir peut-être moins de mille jeunes potentiellement qui pourrait se mettre au vélo et c'est vraiment très limité. Et parmi ces jeunes-là, il faut déjà qu'ils aient une grosse passion pour le vélo et qu'en plus, ils aient aussi les capacités physiques et mentales pour atteindre le haut niveau.
La proportion n'est pas élevée, donc ça aussi, c'est un facteur à prendre en compte qui peut expliquer qu'il n'y a pas beaucoup de Monégasque au très haut niveau.
Victor, on connaît Monaco pour sa richesse, sa Principauté, ses événements sportifs majeurs… mais très peu pour ses athlètes issus du pays. C’est quoi, concrètement, être sportif professionnel monégasque aujourd’hui?
Il y a plusieurs athlètes professionnels à Monaco parce qu'il y a une politique de développement de l'athlète monégasque via le Comité Olympique Monégasque (C.O.M). Ce dernier soutient les athlètes, ils nous repèrent lorsqu'on est jeune et nous soutiennent, plus ou moins, selon les difficultés de chacun, tout au long de notre carrière.
Ces athlètes-là ne sont peut-être pas forcément connus sur la scène nationale française, mais il y en a, ils existent et certains d'entre eux ont participé aux Jeux olympiques. Moi, je n'ai jamais participé aux JO, mais dans d'autres sports, il y a des athlètes monégasques qui participent en aviron, en judo, en athlétisme, en natation.
Comment avez-vous réussi à construire une carrière dans un sport aussi exigeant que le cyclisme depuis un si petit territoire?
Depuis les catégories juniors, j'ai été soutenu par le Comité Olympique Monégasque, par la Fédération Monégasque de Cyclisme et par le club de vélo de Monaco (l’UC Monaco, ndlr). J'ai toujours, depuis la catégorie junior, été suivi, été aidé pour atteindre le plus haut niveau, donc d'un point de vue de soutien, on a un soutien qui est quasi total en étant Monégasque.
On a cette chance-là, si j’étais face à une difficulté, je pouvais en parler à la Fédération ou au comité, et on essayait de trouver une solution. Après, pour la pratique du vélo à Monaco, on a un terrain idéal. Alors, peut-être pas à Monaco même, parce que c'est trop petit, mais le fait d'habiter à Monaco nous permet d'aller nous entraîner en France et en Italie où là, on a un terrain de jeu dans la région qui est juste exceptionnel.
En plus de ça, on a une météo qui est plus que clémente parce que l'hiver, on peut rouler à Monaco toute l'année. On n'est pas obligé de partir à l'étranger pour rouler l'hiver. Ce facteur-là aussi, c'est un facteur géographique, qui aide à la pratique du vélo et à atteindre un plus gros niveau.
En plus de ça, il y a beaucoup de cyclistes professionnels qui habitent à Monaco. De temps en temps, en étant jeune, j’étais habitué à les côtoyer, à les voir sur la route, à voir où est-ce qu'ils s'entraînaient. Tout ça participe aussi au fait de progresser, de s'améliorer, d'être aussi admiratif et de s'inspirer de ce que font les meilleurs qui vivent ici.
Vous avez parlé de soutien. Comment le gouvernement princier ou les institutions monégasques accompagnent concrètement les athlètes professionnels?
Il y a différents aides. Je sais que le C.O.M a différents moyens de fonctionner, différents niveaux d'aide selon le besoin des athlètes, selon les sports, car nous n’avons pas tous forcément les mêmes problématiques. Personnellement, j’ai reçu une aide pour le matériel. Le cyclisme, c'est un sport qui coûte quand même cher, lorsque j’étais chez les juniors et les espoirs, le comité m'aidait de temps en temps pour acheter du matériel et j'ai eu mes premières paires de roues en carbone grâce à leur aide. Mais je sais qu’il a des aides financières aussi pour les autres sportifs.
Existe-t-il des infrastructures adaptées à Monaco pour s’entraîner au haut niveau, un encadrement, un accompagnement médical, etc…?
Oui, bien sûr. Alors, nous n’avons pas de vélodrome, mais même en France, c'est très rare. En revanche, nous avons la chance d’avoir un suivi médicale de la Fédération et du Comité Olympique. Depuis junior, je fais des tests de manière annuelle, avec des tests en laboratoire au centre médico-sportif de Monaco, et j'ai un suivi médical depuis que je suis en cadet.
Ça fait des années que nous avons accès à ça en tant que sportif monégasque. Grâce à ces tests, on a pu voir que j'avais certaines capacités physiques et j'ai réalisé aussi, que si je travaillais bien, je pouvais atteindre le niveau professionnel. C'est 100% grâce aux tests médicaux qui sont faits régulièrement. Pour les autres sportifs monégasques, ils ont accès à tout, que ce soit pour les sports nautiques avec la voile, l’aviron ou même pour l’athlétisme et le tennis…
On sait que le Prince Albert est très attaché au sport, notamment aux Jeux olympiques. Est-ce qu’il vous a déjà témoigné un soutien, ou avez-vous eu l’occasion d’échanger avec lui?
Effectivement, le Prince Albert II est un passionné de sport, il est le président du Comité Olympique Monégasque. Depuis de très nombreuses années, il me suit et me soutient, je le vois et on échange régulièrement. Après ma victoire sur le Tour de Pologne, j'ai eu un coup de fil de sa part, ainsi qu’une lettre, ça fait toujours plaisir. Il était au départ et à l’arrivée de la Vuelta cette année, ainsi que sur les Championnats du monde, et on essaye à chaque fois de se rencontrer pour pouvoir échanger.
Je sais que je peux compter sur son soutien, qu'il soit présent physiquement ou pas et c’est très important. On sent vraiment que c'est un connaisseur de sport. On peut parler de vélo, mais aussi de sport en général. Il a une vraie culture sport en plus d’être un ancien sportif de haut niveau.
Est-ce que vous sentez une évolution dans la manière dont la Principauté regarde ses athlètes nationaux?
Je ne vois pas une différence de regard du gouvernement ou même du Prince. En tant qu’athlète monégasque, je me suis toujours senti soutenu.
Je pense que c'est plus une perception du public qui, ces derniers temps, voit peut-être une plus grosse réussite des athlètes monégasques et du coup pense qu'il y a quelque chose qui a changé, mais je pense plutôt que c'est le travail de nombreuses années qui commence enfin à porter ses fruits.
Le soutien a toujours été le même et ils ont toujours été présents depuis le début. Je ressens ça comme ça, peut-être que d'autres athlètes vont penser la même chose. Mais je ne sens pas une différence de traitement maintenant que je réussis au plus haut niveau professionnel et c'est ce qui est aussi appréciable, c'est que le soutien est total depuis le début et je suis redevable de tout cela.