Ne lui parlez pas d'âge: "J'avais sans doute les meilleures sensations de ma vie", Paul Seixas raconte son incroyable podium aux championnats d'Europe

Paul, après nous avoir procuré d'immenses émotions avec une course monumentale, que représente pour vous ce podium des championnats d'Europe aux côtés de Pogacar et Remco?
C'est fou. Même si on m'avait dit ça ce matin, je n'y aurais vraiment pas cru. On était venu pour gagner, on avait une équipe solide avec une grosse homogénéité. Aujourd'hui, ça s'est fait à la pédale et j'avais de très très bonnes sensations, peut-être les meilleures de ma vie. J'ai tout donné jusqu'à la ligne pour aller chercher cette médaille. Aujourd'hui, le public m'a poussé, ma famille, ma copine étaient là et ce sont eux qui m'ont transcendé pour la dernière montée.
Lorsque vous voyez Pogacar partir tout seul à 66 kilomètres de l'arrivée, même s'il ne vous décroche pas vraiment puisque vous êtes à une quinzaine de secondes derrière, qu'est-ce que vous vous dites? Vous essayez de le suivre ou de rester dans la roue de Remco Evenepoel pour être dans les trois premiers?
A ce moment-là j'étais juste à bloc donc j'essayais de faire de mon mieux. Forcément il était un ton au-dessus aujourd'hui. Quand il est parti, je ne pouvais pas y aller, il était plus fort, comme Remco aujourd'hui. J'ai essayé de m'accrocher, j'ai réussi à revenir sur Remco, je me suis dit qu'avec lui, il roule tellement fort qu'on va peut-être pouvoir aller jouer cette médaille. Finalement on a réussi à creuser l'écart et à pouvoir se jouer la médaille. Derrière, l'équipe a vraiment bien joué en roulant, ce qui m'a permis de m'économiser pendant un moment, même si je me suis un peu fait chahuté par mes compagnons d'échappée. Après l'équipe m'a donné le feu vert et m'a donnée une confiance totale et à ce moment-là j'ai su que je devais me battre pour cette médaille jusqu'au bout pour toute l'équipe, pour ma famille, pour ma copine, pour le public qui était là, qui m'a transcendé. Et c'est juste magnifique, je pense que je ne réalise pas encore.
Dans cette dernière montée avec Christian Scaroni, on a vu qu'il n'était pas le plus généreux dans l'effort avec Juan Ayuso. On vous a vu le décrocher: vous réalisez à ce moment-là l'exploit et la montée qu'il fallait faire? N'est-ce pas là toute votre force et le talent que l'on vous connaît, cette résilience et cette capacité à être à très haute intensité pendant des montées comme celles-ci pour pouvoir embrayer derrière et aller chercher cette troisième place?
A ce moment-là, c'est tellement dur, le public m'a poussé et je me suis juste donné à 100%. Après j'ai vu qu'Ayuso avait un peu pété et que Scaroni était sans doute à bloc alors je me suis battu jusqu'à la fin. J'ai vu que Scaroni s'accrochait vraiment bien, j'avais un peu peur de lui au sprint alors je me suis dit qu'il fallait vraiment que je m'arrache jusqu'à la fin de cette montée et quand j'ai vu qu'il y avait un petit écart je me suis dit que je ne pouvais pas relâcher l'effort et qu'il fallait que je me donne à fond jusqu'à la ligne. Finalement, il a un peu laissé de champ et ensuite c'était vraiment un duel à distance et je me suis donné à fond jusqu'à la ligne, c'était juste fou.
On a vu Thomas Voeckler (le sélectionneur des Bleus), pendant la course, venir souvent vous parler. Quel poids a-t-il eu dans cette médaille?
Il a vraiment été impactant dans ma performance parce qu'il a vraiment bien fait de mettre les mecs à rouler derrière, ce qui m'a permis de souffler un peu. Il m'a bien guidé, il m'a mis en confiance dans l'équipe, je me suis senti vraiment à l'aise. Humainement il est très très bon, au-delà du très bon directeur sportif qu'il est, et c'est ce qui m'a permis de me sentir aujourd'hui en confiance dans l'équipe. Mes coéquipiers m'ont aussi fait confiance et c'est ce qui m'a donné le regain d'énergie pour me battre jusqu'à la ligne pour cette médaille.
Vous avez seulement 19 ans, vous courez déjà avec les plus grands: est-ce que vous entendez tout ce qu'il se dit autour de vous? Est-ce que ça vous booste? Essayez-vous de faire abstraction de ça pour rester concentré sur votre première année professionnelle?
Je fais abstraction de ça, je me concentre vraiment sur ma progression. Je suis vraiment surpris de la manière dont j'ai progressé et encore de ma performance d'aujourd'hui. Mais je n'écoute pas trop ce que les gens disent et je préfère rester concentré sur ce que je fais, le faire correctement et bien préparer l'avenir. Ecouter ce que disens les gens, je ne pense pas que ce soit la bonne solution pour progresser à l'avenir.
On ne vous parle pas d'âge comme Kylian Mbappé?
Oui, on va dire ça!