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Barteau : « Si je ne m’arrête pas pisser… »

Vincent Barteau

Vincent Barteau - -

A l'occasion de la 100e édition du Tour de France, qui débute le 29 juin, RMC Sport vous propose de revisiter l'histoire de la Grande Boucle à travers une série d'entretiens exclusifs. Aujourd’hui, Vincent Barteau, porteur du Maillot Jaune durant 12 jours en 1984.

Vincent, comment avez-vous pris le Maillot Jaune lors de la 5e étape ?

A un moment, Greg LeMond (son coéquipier chez Renaul-Elf) me dit : « Vincent, on s’arrêterait bien pour faire pipi ». Et au moment où on s’arrête pour faire nos besoins naturels, ça flingue. On remonte sur le vélo et je le ramène. Je l’ai remonté et je l’ai remis dans les cinq premiers. Et j’ai attaqué. L’échappée part comme ça. On va au bout et on prend 17 minutes. Ce qui fait que, si je ne m’arrête pas pisser, je reste dans les 50 ou 60 premiers du peloton, les deux échappés partent et je ne prends jamais le Maillot Jaune.

Avez-vous vécu ce Tour de France comme un rêve éveillé ?

C’est mon premier Tour de France, avec une échappée pareille… Il y a Laurent Fignon qui gagne le Tour en 1983. On attend encore le « titi Parisien » pour 1984. Je prends le maillot à Cergy-Pontoise et je ne le rends qu’à l’Alpe d’Huez. Ça a vraiment été fou. Moi je l’ai pris du bon côté parce que j’avais 22 ans. On ne se pose pas de question, c’est la joie. Je suis content. Autant j’ai passé des Tours difficiles mais là, quand je suis arrivé dans la troisième semaine, je me suis dit : « Tiens, le Tour se termine ». Ça a été vraiment extraordinaire.

Qu’a représenté pour vous le fait de porter le Maillot Jaune ?

Dans ma famille, on faisait du vélo. J’avais un oncle qui marchait très fort. On était une famille de cyclistes. Quand on commence le vélo, on a envie de découvrir le Tour de France. On a envie de faire quelque chose de formidable mais ce n’est pas permis à tout le monde. Vous regardez un coureur comme Raymond Poulidor, il n’a jamais porté le Maillot Jaune. L’avoir, ça a vraiment été quelque chose de formidable. Après, à 22 ans, tu ne t’en rends pas vraiment compte. Je m’en suis rendu compte quelques années après.

« J’étais aimé du public »

Votre aventure en jaune avait vraiment marqué le public…

J’étais tellement à l’aise, je ne me posais pas de question. J’avais vraiment envie de faire du vélo. Ce qui est une chose primordiale quand on fait un métier aussi difficile. Il faut aimer son travail. Il ne faut jamais se poser de question. Ça a été très facile pour moi, très naturel. Après, j’ai perdu du temps pour X raisons. Je n’avais pas forcément l’expérience qu’il fallait en montagne. J’ai tenu longtemps et c’est vrai que j’étais aimé du public. Je suis très naturel. Je ne refuse aucune interview, je ne refuse aucun autographe. Ce qui fait que je passe bien auprès du public.

Perdre ce Maillot Jaune au profit de votre coéquipier Laurent Fignon a-t-il été un moment délicat à vivre ?

Quand je perds ce Maillot Jaune à l’Alpe d’Huez, on est logé tous les deux dans la même chambre. Il y a un peu de tristesse de mon côté parce que je perds le Maillot Jaune, même si je m’attendais, à un moment ou un autre, à le perdre. Le matin quand on se réveille, on va déjeuner et quand on revient dans la chambre je lui reprends le Maillot Jaune et j’accroche mon dossard dessus, comme si de rien n’était. Et lui arrive et me fait : « Vincent, le Maillot Jaune est à moi maintenant ». Je lui ai redonné mais ce sont des bons souvenirs.

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Propos recueillis par Nicolas Paolorsi