Est-ce un Tour de France au rabais ?

Pinot, Valverde, Nibali, le podium dans le désordre. - -
« Oui mais Froome et Contador ne sont pas là. » Depuis les abandons du vainqueur 2013 (lors de la 5e étape) et de l’Espagnol (10e) sur ce Tour de France 2014, c’est la phrase principale qui revient en boucle. Une frustration légitime et accentuée par l’insolente domination de l’Italien Vincenzo Nibali, intouchable sur cette Grande Boucle. Mais ce n’est pas tout. Quid de la présence aussi réjouissante qu’inattendue des coureurs français dans le Top 5 et même sur le podium ? Du coup, ne doit-on pas plutôt parler d’un Tour au rabais ?
La question fâche l’ancien pro Thierry Bouguignon. « Je ne suis pas d’accord. Quoiqu’il arrive, il n’y a pas de Tour au rabais, assure le membre de la Dream Team RMC Sport. Il y a les meilleurs au départ. Après, les chutes écartent certains coureurs. » On lui rappelle tout de même également l’absence du Colombien Nairo Quintana, 2e l’an passé sur les Champs-Elysées, et qui a préféré miser cette année sur le Giro (vainqueur) et la Vuelta. « J’aurais aimé le voir avec l’adversité de Nibali, Contador, riposte « Bourgui ». Peut-être l’année prochaine. »
Vinokourov : « C'est le meilleur qui gagne »
Pour les membres de la Dream Team, l’aisance que dégage Nibali aurait, quoiqu’il advienne, donné du fil à retordre aux deux grands favoris. « Même quand Contador était là, Nibali avait déjà fait une différence sur les pavés, rappelle Luc Leblanc. En montagne, cela se serait sûrement resserré mais il n’est pas du tout acquis que Contador aurait largué Nibali à Hautacam ou dans les Alpes. Ce n’est pas une victoire au rabais pour Nibali. » Un fait que ne conteste pas Tinkoff-Saxo, l’équipe de Contador, qui a déjà tourné la page. « On se concentre sur ce qu’on doit faire. Pas sur ce qu’on aurait dû faire », affirme Philippe Mauduit, son directeur sportif, qui se console avec trois victoires d’étapes.
La question se fait beaucoup plus sensible lorsqu’elle est posée à Alexandre Vinokourov. Le manager général d’Astana s’agace lorsqu’on évoque une possible victoire au rabais pour son Maillot jaune italien. « Ça c’est facile à dire, peste le Kazakhe. Il y a aussi les circonstances de la course. Je voyais mal comment Froome pouvait passer les pavés. Alberto (Contador) était fort, c’est vrai. On aurait pu avoir un bon duel à la fin, mais je suis désolé pour Alberto. C’est le meilleur qui gagne. Dans 2-3 ans, on ne dira pas qu’un tel ou un tel n’était pas là. » Ce qui vaut pour Nibali vaut aussi pour la réussite des coureurs français. « Il ne faut pas minimiser leurs places sur le podium. Les autres ne sont plus là », glisse Luc Leblanc, appuyé par Cyrille Guimard : « Si on dit que c’est un Tour au rabais, cela veut dire que nos Français ne valent rien ! » Et ça, personne ne veut le penser.