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Heulot : « Le maillot jaune ? Fantastique et frustrant à la fois »

Stéphane Heulot et Miguel Indurain

Stéphane Heulot et Miguel Indurain - -

A l'occasion de la 100e édition du Tour de France, qui débute le 29 juin, RMC Sport vous propose de revisiter l'histoire de la Grande Boucle à travers une série d'entretiens exclusifs. Aujourd’hui, Stéphane Heulot, actuel manager de l’équipe Sojasun, raconte sa vie en jaune sur le Tour 96.

Stéphane, vous avez porté le maillot jaune trois jours, en 1996. Que vous reste-t-il aujourd’hui de cette aventure ?

Le maillot est toujours là, mais je ne m’en aperçois même plus trop, il vit un peu avec moi. Je pense que je le vivrais différemment si un de mes coureurs le portait, cette année par exemple.

Vous-rappelez-vous du contexte dans lequel vous prenez ce Maillot jaune ?

Oui, j’étais chez Gan à l’époque. On avait déjà pris le maillot la veille dans l’étape de Soissons, avec Fred Moncassin. Au massage, l’un de mes assistants me dit qu’il y a un coup à jouer le lendemain, qu’il faut que je prenne un coup en étant le mieux placé de l’échappée. Facile à dire sur la table de massage… Finalement, ça démarre rapidement, ça part dans tous les sens. Je ne suis pas bien, mais le peloton ralentit. Un coup sort, un coéquipier me gueule dessus alors j’y suis allé. J’étais le mieux placé de l’échappée au général, les autres jouaient seulement l’étape. J’ai fini quatrième après un très mauvais sprint. J’étais tellement obsédé par le jaune que j’ai laissé l’étape de côté.

« Pas le plus grand moment de ma carrière »

Que représente ce maillot dans la carrière d’un coureur ?

C’est quelque chose de fantastique et de frustrant à la fois. Le cyclisme, c’est un travail quotidien, une vie focalisée sur le sport. On ne peut pas se permettre d’écart alimentaire. Les heures de sommeil sont importantes, il faut oublier les sorties et la vie sociale, en général, est réduite au minimum. Et le jour ou des belles choses comme ça arrivent, on ne le vit pas forcément avec ceux qui nous entourent, le socle familial, ce soutien quotidien. J’étais au centre du monde sportif, mais je n’ai pas pu partager tout de suite avec les miens, c’était un peu frustrant. J’ai seulement vu mes parents la veille de mon abandon, c’était une grande fierté.

Ça reste le plus beau moment de votre carrière ?

Ça fait partie des moments forts mais j’ai ressenti autant d’émotion dans ma première victoire chez les cadets. C’est un ensemble que je retiens. Bien sûr, le maillot jaune est le rêve de tous les coureurs, et très peu réussissent à l’endosser. On est fier quand on fait partie de ces privilégiés. Mais ce n’est pas le plus grand moment, parce que je n’en ai aucun à ressortir en particulier. J’ai vécu de ma passion comme je le voulais, j’ai pris du plaisir. Et le jour où j’en ai plus pris, je me suis tourné vers autre chose.

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Propos recueillis par Xavier Grimault