Voeckler peut-il gagner le Tour ?

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Qu’ils soient coureurs, suiveurs ou simples spectateurs, tout le monde est bluffé. Oui, tous les amoureux de la petite reine se pincent encore pour y croire. Thomas Voeckler qui franchit la ligne d’arrivée située au Plateau de Beille tout sourire, le poing serré et le poitrail au vent, c’est du déjà-vu. Une sorte de copier-coller de 2004, quand le jeune coureur de Brioches La Boulangère avait sauvé sa tunique dorée pour 22 petites secondes. Mais Thomas Voeckler qui fait jeu égal avec tous les favoris dans l’ascension de ce col hors catégorie, qui bouche la moindre offensive avec une aisance déconcertante et qui défend son leadership avec autorité, ça, c’est une grande première. Une image qui marquera au fer rouge la carrière du leader d’Europcar et qui figurera assurément en bonne place dans le best-of de ce Tour 2011.
Depuis la saison passée, on savait que Voeckler avait pris une nouvelle dimension. Lauréat, notamment, d’une étape du Tour et d’une manche du Pro Tour (GP de Québec), le second rôle s’était incrusté à plusieurs reprises en haut de l’affiche. Avant d’y prendre cette année carrément un abonnement, des routes du Tour Méditerranéen à celles du Trentin, en passant par les Quatre jours de Dunkerque. A 32 ans, Voeckler paraît donc plus mûr, plus fort, plus zen. Un bagage suffisant pour voir la vie en jaune jusqu’à Paris ?
Armstrong vote Voeckler
« Je ne sais pas quoi dire, confie l’intéressé. Je suis vraiment surpris. C’est clair que je suis dans mes meilleures années, mais quand les gens me disent que je peux gagner le Tour, il faut rester raisonnable. Je n’y crois pas une seule seconde. On parle d’un autre monde. Je ne suis pas concerné, ce n’est pas ma dimension. » Un avis qui n’est désormais plus partagé par le reste du monde, à commencer par son « Altesse VII » Lance Armstrong qui, à peine l’étape achevée, s’est empressé de twitter le message suivant : « Si Voeckler arrive au sommet avec les leaders aujourd’hui, alors on peut dire qu’il peut gagner le Tour de France. Il a deux minutes d’avance sur eux et ils n’ont pas réussi à le lâcher. Ce type sait souffrir. Ca va être sympa à regarder. » No comment. Même son de cloche sur ce réseau social –dont certains followers se sont empressés de surnommer Voeckler « little Tommy »- pour l’ancien sprinteur Robbie McEwen, qui voit le Français réaliser le casse de l’année.
« Si j’étais à la place des favoris, je commencerais à me poser des questions car s’il continue à garder ce niveau-là, il peut gagner le Tour. », glisse Jérôme Pineau. « Je crois qu’il peut faire le podium, poursuit son coéquipier de la Quick Step, Sylvain Chavanel. Il est très fort. Il fait une grande année. Il a monté avec Scarponi en Italie dans l’un des cols les plus durs. Un top 3 est possible, même plus. » De son côté, Luc Leblanc, consultant pour RMC Sport, estime qu’« on peut se poser clairement la question s’il peut gagner le Tour. Et aujourd’hui, je dis oui. » Idem pour Cyrille Guimard : « Il y a un côté de la course dans lequel il va désormais falloir intégrer Thomas Voeckler. Les frères Schleck ont attaqué mais à aucun moment, ils n’ont été capables de faire la différence. Il faut donc faire entrer Thomas Voeckler dans le groupe des cinq vainqueurs potentiels du Tour de France, c’est ce qu’il faut retenir. »
Désormais porté par tout un pays qui n’en peut plus d’attendre un successeur à Bernard Hinault, vingt-six ans après le dernier succès tricolore sur la Grande Boucle, Voeckler est-il capable de se transcender au-delà du réel ? Peut-il créer l’immense sensation ? Au soir de cette 14e étape, la tendance est à l’affirmative car « Ti-Blanc » a plus d’un Tour dans son sac.