Agression, couteaux et munitions sur le terrain... un match de D3 turque vire au règlement de compte entre nationalistes et kurdes

Amedspor - AFP
La rencontre de D3 turque entre Bursaspor et Amedspor ce dimanche s'est déroulée dans un contexte de violence inouïe. Si les locaux de Bursaspor se sont finalement imposés 2-1, le club d'Amedspor, club de la principale ville kurde en Turquie, a fait l'objet d'un véritable règlement de comptes.
24h d'hostilités
Les hostilités ont démarré bien avant le coup d'envoi: des dizaines de supporters de Bursaspor étaient déjà réunis devant l'hôtel des joueurs d'Amedspor pour tirer des feux d'artifices et entonner des chants racistes anti-kurdes. Bursaspor, club d'une ville réputée pour son nationalisme pro-turc et favorable au gouvernement d'Erdogan, s'était déjà fritée avec Amedspor lors des précédentes rencontres, sur fond de provocations réciproques.
Mais jamais les hostilités n'avaient été aussi violentes que ce dimanche. Avant le match, une bagarre a éclaté entre les joueurs des deux équipes sur le terrain, raconte le portail turc de la BBC. Malgré les très nombreux projectiles lancés en direction de la pelouse et des joueurs d'Amedspor, le match a eu lieu. Des vidéos montrent les joueurs de la ville de Diyarbakır, être les cibles d'engins explosifs, couteaux, balles de pistolet, bouteilles...
Des soutiens aux escadrons de la mort
En tribunes, en plus des projectiles, des supporters brandissent les portraits de Mahmut Yıldırım alias Yeşil et Tarık Ümit, membres d’escadrons de la mort qui, dans les années 1990, ont enlevé avec des voitures "Toros blanches" et exécuté des Kurdes et des alévis. Le ministre de l'Intérieur Süleyman Soylu a annoncé qu'une enquête avait été ouverte sur ces bannières.
"Les images en dehors du cours du football sont inacceptables et ne peuvent être associés au sport", a déclaré Soylu. "Une enquête a été ouverte contre les fonctionnaires qui ont fait preuve de faiblesse en amenant ces visuels dans le stade et les fonctionnaires concernés ont été suspendus." En tribunes, un supporter kurde a été passé à tabac par des fans de Bursaspor.
Amedspor accuse le staff de Bursaspor d'agression
Le gardien de but d'Amedspor, Cantuğ Temel, a été la cible principale des supporters et devait se tenir écarter de sa ligne en raison des projectives. Le match a donc été arrêté pendant un moment.
Les altercations se seraient poursuivies même après la fin du match, les comptes d'Amedspor sur les médias sociaux accusant le "superviseur de la sécurité privée, l'agent de sécurité du club, le personnel du club et les agents de police" de Bursaspor d'avoir agressé physiquement les joueurs d'Amedspor dans les couloirs des vestiaires.
Bursaspor de son côté a célébré ses buts en faisant le salut militaire turc. Les supporters ont tenté d'entrer sur le terrain pour en découdre avec les joueurs du club kurde à la fin du match et ceux-ci ont dû être protégés par les CRS locaux. Le média d'opposition Gazete Dubar publie cette vidéo où l'on voit certains membres des forces de l'ordre s'en prendre aux athlètes d'Amedspor. La fédération turque n'a pas réagi.
Un contexte particulier
L'équipe est souvent confrontée à des chants nationalistes et anti-kurdes lors de ses matchs à l'extérieur, ce qui entraîne des violences. Les fans d'Amedspor avaient jeté des objets sur le terrain lors du match aller contre Bursaspor et avaient scandé des chants pro-kurdes, et avaient prévenu de représailles au match retour. En 2017, les joueurs d'Amedspor ont été attaqués par des fans nationalistes de 1922 Konyaspor après avoir battu le premier lors d'un match à l'extérieur.
En 2016, le joueur d'Amedspor Deniz Naki a été exclu pour 12 matchs et condamné à une amende de 19 500 livres turques (environ 5 000 dollars à l'époque) pour "propagande idéologique" après avoir publié un message de victoire sur Facebook. En septembre, cinq personnes ont été arrêtées pour avoir brandi le drapeau du Kurdistan lors d'un match d'Amedspor, mais elles ont ensuite été relâchées.
Le gouvernement turc associe souvent des symboles kurdes comme le drapeau du Kurdistan au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), arrêtant ceux qui le brandissent sous l'accusation de terrorisme.