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Blaquart : «On a face à nous la génération zapping»

Thierry Henry, ici en stage à Tignes avant le Mondial 2006

Thierry Henry, ici en stage à Tignes avant le Mondial 2006 - -

Après notre enquête sur les relations problématiques entre foot, argent et éducation, le DTN-adjoint apporte son témoignage. Bien placé pour prendre la place laissée vacante par Gérard Houllier, François Blaquart met aujourd’hui en parallèle les problèmes que connaissent le football et la société.

François Blaquart, après la crise morale et sportive traversée par les Bleus, peut-on parler d’un recul de la formation à la française depuis la génération Thierry Henry à la fin des années 90 ?
Non, il y a surtout une avancée des autres nations. Quand nous avons établi ce système de formation, nous étions les seuls. Après les autres pays sont venus voir chez nous ce qui les intéressait. Les Espagnols sont venus il ya quinze ans, les Allemands sont en train de s’y mettre avec des moyens que l’on n’arrive pas à avoir. Ils bénéficient d’une dynamique nationale puisque les joueurs allemands ou espagnols restent dans leur championnat alors que nous sommes confrontés à une évasion nationale de nos joueurs. Mais les statistiques montrent que nous sommes dans le Top 3 européen chez les jeunes, on est Champions d’Europe 19 ans garçons et filles, nous somme le pays à part les Brésiliens qui avons le plus de joueurs en Ligue des champions. On peut penser qu’on n’est pas dans l’erreur.

L’aspect éducatif est-il primordial dans le projet de formation ?
Le symbole de la formation ce sont les centres de formation des clubs à partir de quinze ans. Tout ce qu’on fait en amont va dans la construction d’un individu qui va entamer une formation professionnelle. A notre échelon, le projet éducatif qui va développer le mental, l’état d’esprit, l’apprentissage des exigences du haut niveau est un phénomène très important qu’on a pu un peu délaisser à un moment donné mais sur lequel on insiste largement depuis quelques années. La mentalité du joueur est le socle de l’accession au haut niveau.

En tant que formateur comment avez-vous perçu les évènements en Afrique du Sud ?
Ce qui s’est passé est symbolique d’une évolution même s’il s’agit d’un accident. L’identification au club ou à l’équipe, bref l’attachement au maillot, est le propre de nos centres de formations. Il y a des dérives qui sont dues à l’environnement, les joueurs vous échappent parce qu’il y a beaucoup de conseillers et une sur médiatisation précoce. Ce qu’on voit dans le football, on le retrouve chez les jeunes en général.

Voyez-vous un lien entre les jeunes footballeurs et le monde qui les entoure ?
Aujourd’hui on considère que les joueurs sont pour beaucoup en situation de déstructuration. Un jeune qui entre dans un centre de formation à 15 ans a fait six à sept clubs… Quel attachement peut-il avoir au club ? Le poids des conseillers est beaucoup trop grand sachant que jusqu’à 18 ans il n’y a normalement pas d’agents. Un des rôles de la Fédération est de freiner les mouvements de jeunes joueurs pour redonner de la valeur au club. Le club doit être le support à l’expression du joueur.

Qu’est-ce qui caractérise cette nouvelle génération ?
On est en présence d’une génération zapping. Avec internet, les médias, les jeux, les jeunes d’aujourd’hui sont dans l’immédiat plutôt que dans le projet. Vous avez aussi des gens qui occultent leurs origines. On a devant nous des consommateurs, des jeunes qui sont tellement sollicités, ça n’a plus rien à voir avec notre époque, on était des passionnés mais on n’avait que le foot !

Quelle réponse apporter ?
On doit s’adapter, on ne fait pas la société, on travaille depuis plusieurs années sur les méthodes, la pédagogie, en dehors des structures elles-mêmes. On insiste autant sur le projet sportif que surs les aspects éducatif, social, scolaire, médical et paramédical. On a un rôle d’accompagnement essentiel dans la progression du joueur.

Propos recueillis par Samuel Ollivier à Clairefontaine