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C’était quoi la vie, quand Titi a débuté ?

Le décès d'Ayrton Senna en 1994 à Imola

Le décès d'Ayrton Senna en 1994 à Imola - AFP

Thierry Henry a annoncé ce mardi sa retraite sportive après plus de vingt ans de carrière depuis ses débuts professionnels le 31 août 1994. Mais au fait, c’était comment, vivre en 1994 ? RMC Sport se souvient pour vous.

La page Titi se tourne et c’est une époque qui s’envole. L’idée de la société il y a vingt ans et du destin de ses enfants. Thierry Henry a fait ses débuts professionnels le 31 août 1994. Si proche. Si loin. Se rend-on encore compte de ce que c’était, 1994 ? Vivre en 1994. Assumer les brushings trop épais et les couleurs dépareillées. Se souvenir d’un monde qui a tant changé. En 1994, on ne s’envoyait pas de textos pour se retrouver. On se retrouvait. Les premiers services de téléphonie mobile, tout sauf pratique, n’avaient pas contaminé le grand public. Tam-Tam, Tatoo, Kobby et autres radiomessageries n’avaient pas encore répandu leur technologie vite obsolète. On ne baladait pas Internet partout. On n’avait PAS Internet. Les ordinateurs portables ressemblaient à des poids trop lourds, plus transportables que portables, la pomme n’avait pas encore bâti son culte planétaire et Netscape se mettait à peine à proposer un navigateur web gratuit et accessible au plus grand monde.

La photo passait au numérique et l’ordinateur tissait à peine sa toile mais un de ses représentants devenait déjà assez intelligent pour battre Garry Kasparov aux échecs. On n’était pas encore connecté alors on savait se déconnecter. On ne dématérialisait pas tout. Pour lire, un livre. Pour écouter de la musique, un disque. Pour voir un film, le cinéma ou la VHS. C’était le milieu des années 90. La fin des illusions et les fausses promesses d’un autre monde. Mandela prenait le pouvoir en Afrique du Sud, les Zapatistes s’insurgeaient au Mexique, le 14 juillet voyait des Allemands défiler dans Paris 50 ans après la libération, le trio Arafat-Pérès-Rabin raflait le Prix Nobel de la paix, les derniers soldats russes quittaient Berlin, l’I.R.A. cessait le feu et on avait envie d’y croire. Kurt Cobain décidait de son sommeil éternel, Ayrton Senna prenait son dernier virage, Sarajevo croulait toujours sous les obus, le Rwanda subissait un génocide, le GIA prenait un Airbus en otage, la députée de la République Yann Piat tombait sous des balles et on avait envie de désespérer.

Société du spectacle et télé-spectacle

On voulait encore croire aux exploits, ne pas voir l’EPO couler dans les veines d’un peloton régenté par maître Miguel Indurain. Au cinéma, Quentin Tarantino palmait son génial Pulp Fiction d’or, la Liste de Schindler émotionnait les Oscars, Hugh Grant gérait quatre mariages et un enterrement, Forrest courait encore et toujours et le Roi Lion disputait les enfants du monde entier aux prouesses de la première PlayStation. En musique, nos oreilles oscillaient entre souffrance et plaisir. Billy Ze Kick voulait se faire manger, Youssou N’Dour et Neneh Cherry chantaient 7 Seconds magnifiques, IAM dansait le MIA et le hip hop virait incontournable. En France, avec le tunnel sous la Manche puis l’Eurostar, le millénaire ennemi anglais devenait voisin proche. Finlandais et Suédois nous rejoignaient dans la communauté européenne.

La circulaire Bayrou sur le port du voile enflammait la société. Gratter ses « Morpions » pouvait enfin rapporter de l’argent. Le passé trouble du président François Mitterrand commençait à ressortir. Bernard Tapie raflait 12% aux européennes un an après l’affaire OM-VA. Jacques Delors renonçait à la présidentielle 1995. Le Charles-de-Gaulle prenait la mer, premier porte-avions nucléaire français. La modernité l’emportait et avec elle la peur des virus, le Sida en tête, bataille commune historique sur toutes les chaînes de télévision française. Justin Bieber voyait le jour, la planète inconsciente de son malheur. La politique américaine perdait un voyou (Richard Nixon) et une ex-Première dame (Jackie Kennedy), le tennis français un Mousquetaire (Jean Borotra), le cinéma des géants (Jean Carmet, Burt Lancaster), le cyclisme une légende (Luis Ocana) et la photographie comme la littérature des génies (Robert Doisneau, Charles Bukowski). La mort d’un grand racontait l’air du temps : Guy Debord laissait en héritage sa Société du spectacle et O.J. Simpson transformait sa cavale en première télé-spectacle. C’était 1994. Les débuts de Titi. Un autre monde.

Alexandre Herbinet