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Championnat d'Afrique des nations: "Qui a réussi à acheter des billets?", polémique au Kenya autour de la mystérieuse billetterie du tournoi

Le Championnat d'Afrique des nations (CHAN) 2025 qui se déroule notamment au Kenya

Le Championnat d'Afrique des nations (CHAN) 2025 qui se déroule notamment au Kenya - SIMON MAINA / AFP

A quelques mois de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) au Maroc, c'est le Championnat d'Afrique des nations qui débute ce samedi. Le tournoi, organisé conjointement au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, suscite des polémiques avant son ouverture, notamment autour de l'accès au stade dans un contexte politique tendu.

A l'approche du premier match au Kenya d'un tournoi africain de football, de nombreux internautes kényans accusent les autorités, très critiquées actuellement, de vouloir remplir le stade de leurs soutiens pour éviter des chants hostiles.

La rencontre dimanche à Nairobi entre l'équipe nationale kényane et la sélection de République démocratique du Congo ne promet pourtant pas de faire des étincelles. Si les "Léopards" congolais sont considérés comme une puissance continentale du ballon rond, les "Harambee stars" ("étoiles unies", NDLR) kényans n'ont jamais rien gagné. Et le Championnat d'Afrique des nations (CHAN), auquel ne peuvent participer que des footballeurs jouant dans leur propre championnat - ce qui exclut tous les meilleurs éléments évoluant en Europe ou au Moyen-Orient - ne garantit pas un spectacle inoubliable.

Les autorités parle de "l'enthousiasme" des supporters... qui n'y croient pas

Pas de quoi toutefois refroidir l'ardeur des supporteurs kényans, passionnés de foot. D'autant que le tournoi, organisé entre Kenya, Ouganda et Tanzanie, est présenté comme une répétition avant la Coupe d'Afrique des nations, l'événement phare du football continental, qui se tiendra dans ces trois pays en 2027. Mais depuis quelques jours, l'incompréhension règne parmi les fans kényans.

Alors qu'il était encore possible vendredi soir d'acheter des billets pour la rencontre inaugurale du tournoi en Tanzanie, où l'équipe locale affronte samedi le Burkina Faso, le portail de vente affiche complet depuis quatre jours pour le match à Nairobi dimanche, a constaté l'AFP.

Interrogé par l'AFP, Nicholas Musonye, le patron du Comité local d'organisation du CHAN, y voit un témoignage de "l'enthousiasme" des Kényans pour la compétition. Le stade nairoien de Kasarani, où se tiendra la rencontre Kenya-RDC, a une capacité de 48.000 places pour ce tournoi. Pourtant, "nous n'avons trouvé aucun fan qui ait pu acheter un billet", s'étonne à l'AFP un journaliste sportif kényan, qui requiert l'anonymat du fait du côté "politique" de l'affaire, le gouvernement souhaitant selon lui remplir le stade de ses soutiens pour éviter des slogans hostiles durant la rencontre.

Un contexte politique tendu au Kenya

Une opinion partagée par de nombreux internautes sur X. Car le Kenya connaît depuis plus d'un an une vague de contestation contre William Ruto, qui brigue sa réélection en 2027. Le président kényan est désigné responsable de la corruption rampante dans le pays et des violences policières, alors que les manifestations anti-gouvernementales sont réprimées dans le sang. Fin juillet, la police des polices kényane a elle-même déploré "un recours disproportionné à la force", qui a fait selon elle 65 morts lors de quatre journées de contestation en juin et juillet.

En mars, "la dernière fois que le Kenya a joué à domicile, contre le Gabon, il y a eu beaucoup de chants antigouvernement", se souvient le journaliste sportif. Des vidéos montrant des tribunes scander "Ruto must go" (Ruto doit partir) sont encore visibles en ligne. L'exécutif, par "peur" que cela ne se reproduise lors d'une compétition internationale organisée sur son sol, a donc "préempté" les billets, assure-t-il.

Une opinion partagée par PropesaTV, pour qui les tickets sont distribués à des "supporteurs du gouvernement", qui seront transportés dimanche au stade en bus depuis Kibera, estime ce média en ligne opposé au chef de l'Etat sur X, où il compte plus de 150.000 abonnés. Kibera est un vaste bidonville de Nairobi vu comme moins hostile au président. Les manifestations y ont été rares dernièrement. Un habitant de ce quartier, qui refuse d'être cité, raconte à l'AFP avoir vu cette semaine une présence "massive" d'envoyés du gouvernement local, venus "inscrire" et prendre les données personnelles des habitants en échange de billets pour dimanche.

Interrogé par l'AFP, Kariuki Ngunjiri, un responsable des jeunes du parti présidentiel, a affirmé "ne pas être au courant de ces accusations". "Je sais que les billets sont disponibles en ligne", a-t-il observé, quand toutes les tentatives de l'AFP d'acheter des tickets se sont révélées infructueuses. "Nous encourageons les gens à venir en grand nombre dimanche et à apprécier le match."

La CAF ne veut pas commenter

Le président de la Fédération kényane de football Hussein Mohammed a déclaré à l'AFP ne pas être compétent sur cette question, car la billetterie relève de la CAF, la Confédération africaine de football, pour le CHAN. Sollicitée par l'AFP, la CAF n'a pas répondu à une demande de commentaire sur le sujet. La semaine dernière, Nicholas Musonye, du comité d'organisation, avait estimé devant le parlement kényan que "la situation actuelle du pays, avec les manifestations de jeunes, était identifiée comme un risque potentiel pouvant affecter la sécurité du tournoi".

A.Bo avec AFP