Comment revaloriser le championnat ?

Le joyau lyonnais est l'un des rares produits de la formation française à ne pas avoir pris la poudre d'escampette - -
Le plateau était prestigieux... A la hauteur, finalement, du sujet abordé. Le championnat de France est en retard, économiquement et sportivement parlant sur ses homologues européens. Un retard ennuyeux, autant visible que critiqué d’ailleurs par le supporter lambda de football. Mais quelles sont les solutions pour doper l’économie de nos clubs hexagonaux ?
Autour de Luis Fernandez, Frédéric de Saint-Sernin (président du Stade Rennais), Jean-Claude Darmon (ancien grand argentier du football français) et Bruno Satin (agent de joueurs), ont accepté de débattre, d’échanger leurs idées. Et, à défaut de toujours proposer des solutions aux problèmes, ces derniers ont affiché une vision précise des manques constatés. Extraits.
Vers une aide de l’Etat ?
Comme l’a rappelé à plusieurs reprises Jean-Claude Darmon, avant, l’économie des clubs de football était catastrophique. Les entités sportives engagées en championnat avaient la fâcheuse habitude de dépenser une manne financière qui n’était pas la leur. Si aujourd’hui, la majorité des clubs est revenue à l’équilibre, leur « pouvoir d’achat » n’a pas augmenté pour autant.
La faute, selon Frédéric de Saint-Sernin, au changement de statut opéré ces dernières années par les clubs de l’élite. « Auparavant, les clubs de foot étaient des associations et leur argent provenait des collectivités locales et territoriales. Aujourd’hui, les clubs se sont constitués en sociétés. Leur argent n’est plus de l’argent public. Les clubs connaissent également un contrôle sévère de la part de la DCNG. Du coup, en France, nous sommes dans l’obligation d’avoir une situation saine. »
Désormais, pour bien faire, les clubs devraient, à en croire Jean-Claude Darmon, obtenir ce qu’ils méritent. Autrement dit, une véritable aide de l’Etat. « Nous sommes mal perçus. Le football d’élite (la L1) a besoin de la base (le foot amateur, ndlr) mais la base a aussi besoin de l’élite. Ceux qui jouent au plus haut niveau, qui évoluent en équipe nationale et qui font la vitrine du ballon rond, ce sont les joueurs de l’élite. Les aides de l’Etat, on ne les a pas. Et quand il y en a, c’est uniquement pour favoriser la formation. » L’état devrait faire plus, le message lancé par Darmon est passé. Plus, très bien, oui mais comment ?
Moins de taxes pour plus de profits ?
Les clubs de l’élite sont, pour la plupart, locataires du stade dans lequel ils évoluent tous les week-ends. La situation ne date pas d’hier mais elle semble poser de sérieux problèmes aujourd’hui. « Quand il s’agit de sport, il faut systématiquement payer le stade, les charges et le reste. Quand il s’agit de l’opéra, la collectivité locale se charge de tout. Le stade utilisé par un club de football doit être payé par les collectivités et nous devrions être en droit d’utiliser toutes les installations à l’intérieur du stade… au profit du club. » Un projet utopique. Très utopique.
Pour le président du Stade Rennais, Frédéric de St-Sernin, la véritable solution pourrait se situer ailleurs. « Chaque cas est particulier. On ne peut pas imposer un modèle unique à tous. Je ne souhaite pas plus d’argent de la part du service public. On a besoin d’améliorer le stationnement, l’accès public, on a besoin de la gratuité dans les transports. La taxe sur les spectacles (la taxe Buffet) est de l’ordre de 8 %, c’est quelque chose de lourd. Tous les clubs français ne paient pas cette taxe sur les spectacles. » Annuler ce processus purement et simplement libérerait un peu de manne financière aux clubs concernés, c’est certain.
Bientôt des clubs propriétaires de leur stade ?
Ceci est encore un autre problème pour les clubs de l’élite. Comme indiqué plus haut, beaucoup d’entre eux n’ont pas d’enceintes qui leur sont propres. L’inverse améliorerait forcément leurs finances. A défaut de pouvoir arriver à leurs fins, certains n’ont pas hésité à se plier au jeu du naming, ce procédé permettant de vendre à un sponsor les droits de nomination d’un stade en échange d’une somme d’argent convenue à l’avance.
Un procédé insuffisant aux yeux de Jean-Claude Darmon. «Le naming, c’est bien mais cela ne couvre pas toutes les charges. Il faudrait surtout pouvoir signer une convention d’aide financière avec les collectivités et l’Etat. On ne peut rien sans argent public. Il faut des routes, des stations de train, des infrastructures pour amener les gens au stade. »
Améliorer l’accès, oui mais également améliorer les services proposés au sein d’une enceinte sportive sont également des éléments indispensables au développement marketing et donc, financier d’un club. De St-Sernin : « Un stade doit, comme c’est le cas pour nos confrères européens, être un lieu de vie. Il faut améliorer l’accueil dans les stades. Mais une fois encore, lorsqu’on est locataire, il faut voir où se situent vos limites celles du propriétaire. » En toile de fond, toujours cet épineux problème.
Quid de l’argent extérieur ?
Ce dernier pourrait être résolu, si, comme c’est désormais le cas, notamment en Angleterre, des investisseurs étrangers et richement lotis venaient placer quelques valises de pétrodollars sur un ou plusieurs clubs de l’élite. Une situation qui inquiète Frédéric de Saint-Sernin.
« Oui, il nous faut de l’argent… mais pas n’importe comment. Il y a des logiques locales qu’il faut prendre en compte. M. Pinault n’est pas venu prendre le pouvoir à Rennes pour se faire de l’argent. Il est réellement attaché à la région. Si un investisseur devait venir, sans partager ce genre de motivations, et ce, malgré une offre intéressante de sa part, je serais prêt à refuser ».
Conclusion… si tous les acteurs du ballon rond invités par Luis Fernandez s’accordent à penser qu’il n’y a pas assez d’argent dans le football français, tous pensent également que notre sport national a les moyens de faire mieux. Des moyens internes, notamment, comme peut l’être la formation, à condition toutefois de trouver une façon, définitivement et efficace, de protéger un tel joyau.