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Bourgoin-Jallieu-OL: les confidences d'Armand Garrido, témoin privilégié

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Ancien formateur au sein de l'Olympique lyonnais où il a notamment vu passer Alexandre Lacazette, Corentin Tolisso et Maxence Caqueret, Armand Garrido est désormais responsable du foot à 11 dans le club de Bourgoin-Jallieu, futur adversaire de l'OL en Coupe de France. Il raconte ce match particulier.

Iconique formateur de l’Olympique Lyonnais, notamment avec les générations dites des U17, vainqueur de la Gambardella avec l’OL en 1997 avec des futurs professionnels reconnus, Jérémie Bréchet, Roland Viera ou encore Steed Malbranque, Armand Garrido a quitté l’Académie en 2019 après près de 30 ans de présence. Il a vu passer des générations de jeunes qui deviendront les fleurons de la formation à la lyonnaise: Giuly, Rémy, Ben Arfa, Lacazette, Tolisso, Umtiti, Grenier, Benzema, Gonalons, Balmont, Caqueret, Lopes, Lukeba… Aujourd’hui, il est responsable du foot à 11 dans le club de Bourgoin-Jallieu où il réside désormais. Forcément, ce 16e de finale entre les deux voisins a un goût particulier…

Armand, quand on vient d'un club comme l'OL, quel maillot portez-vous dans ce match des voisins?

Alors, je ne suis pas partagé du tout, je suis supporter de l'OL toute la saison, mais sur ce match de coupe, je vais être supporter de Bourgoin, puisque maintenant je suis dans ce club. Certes, cela fait drôle! Je m’interroge juste sur une situation: si on arrive à marquer un but, je ne vais peut-être pas trop me manifester, parce que toutes ces années à l'OL font qu'aujourd'hui, ça reste quand même mon club principal.

Ça fait bizarre de se dire que le club où vous êtes arrivé quelque part au niveau de l'OL, même si c'est que de la Coupe, vous vous dites quoi par rapport à ça?

Déjà qu'on a beaucoup de chance au tirage, parce que ce n'était pas gagné d'avance. En plus, le président (Djemal Kolver) a réussi à organiser le match à Bourgoin, c’est un sacré plus: ça va permettre aux gens "du coin", de pouvoir assister à un événement. Ça va faire date quand même dans les annales du club, donc c'est vrai que c'est un moment particulier. Et puis, affronter un club partenaire, cela rajoute un goût particulier car toute la saison, avec les éducateurs et l’encadrement, on se côtoie toute l’année. Et là, on sera les uns en face des autres. Je trouve que c'est quelque chose de formidable.

Sans oublier qu’en face, il y a encore des joueurs que vous avez formés: Alexandre Lacazette ou Corentin Tolisso.

(Il coupe) Oui, mais il ne faut pas oublier qu'à Bourgoin, il y a aussi un Nicolas Seguin, que j'ai eu aussi, et je crois qu'ils sont très copains, Alex et Nico. Bon, je suis en train de calculer, mais je n'ai pas en tête, mais ça fait pas mal d'années. Ça fait presque 20 ans. C'est là qu'on se rend compte que le temps passe très vite parce que je faisais un petit peu le bilan. Comme ça, je me disais que 30 années à l'OL, je ne les avais pas vues passer. Ça s'enchaîne, on ne se rend pas compte. Et puis maintenant, on voit les joueurs qui partent à la retraite. C'est vrai que les carrières de footballeurs, ça arrête jeune, mais quand même, ça va vite. En même temps, tout ça, c'est chargé d'émotions, dans le sens où on est content qu'ils aient réussi. Parce que ce n'était pas un pari gagné au départ. Et aujourd'hui, ils sont là. Que ce soit Nico ou que ce soit Alexandre, ce sont des garçons qui ont réussi quelque chose dans leur carrière de footballeur.

Comment on peut s'inspirer d'un gros club comme ça quand on est à 30 kilomètres?

On est à 30 kilomètres, j'y ai passé 30 ans. J'essaie de m'inspirer de ce que j'ai vécu à Lyon. D'abord, j'ai grandi avec Lyon. Parce que quand je suis arrivé en 89, on est monté de D2 en D1 à l'époque. C'est un club où on a traversé des grands moments. Et j'ai découvert plein de choses. On a progressé dans le temps. Et en arrivant à Bourgoin, je m'inspire un petit peu de ce que j'ai pu vivre à Lyon. Pour essayer de mettre en place des choses. Alors d'une manière plus modérée, bien entendu. Parce qu'on n'a pas les mêmes conditions. On n'a pas le même standing. On n'a pas les mêmes facilités, mais on s’en inspire.

Comment cela se passe-t-il? Qu'est-ce qu'il faut mettre en place comme ça?

Déjà, la première des choses, c'est qu'on amène de la rigueur. On amène des choses simples. Avec des mises en place d'entraînement. Respecter des horaires. Respecter beaucoup de choses. Et puis après, il faut essayer de faire de la formation. C'est-à-dire qu'il faut essayer vraiment de travailler sur le joueur. Pour l'améliorer. Pour chercher ses points forts, ses points faibles. Améliorer les points faibles. Rendre les points forts encore plus forts. Il faut vraiment s'attacher au joueur. Et quand on a fait son travail de formation dans la semaine, c'est de se dire que le week-end, c'est la place à la compétition. Parce qu'un footballeur, c'est aussi un compétiteur. Donc, il y a les deux. Il y a un travail de formation et un travail de compétition. Donc, tout ce que j'ai pu vivre à l'OL, et tout ce que j'ai pu apprendre, j'essaie de le transcrire progressivement. Je dis que j'essaie. Encore une fois, je ne suis pas tout seul. Il y a quatre personnes au pôle technique. On essaie de mettre des choses en place qui vont permettre aux joueurs de s'améliorer. Et au club de grandir progressivement grâce aux joueurs, justement.

Concrètement, c'est quoi? Qu'est-ce qu'il y a de nouveau entre avant et après? Qu'est-ce que vous avez voulu mettre en place ici, au quotidien, d'une certaine manière?

Pour revenir au travail de formation, on ne travaille plus par équipe, on travaille sur des plateaux. Donc, il y a des plateaux de travail. C'est-à-dire qu'il y a quatre éducateurs plus un préparateur physique qui s'occupent des effectifs seniors, R2 et R3. Ensuite, on a un plateau sport-études où on a les trois équipes 16, 17 et 18 ans qui s'entraînent ensemble avec six éducateurs plus un préparateur physique. Et la même chose pour le plateau pré-formation de 14-15 ans qui travaille ensemble. Là, c'est une équipe d'éducateurs qui surveille la progression de chaque joueur. A la suite de ça, bien entendu, il y a les matchs de championnat. Toutes nos équipes sont en R1. Et puis, l'ambition, c'est effectivement d'essayer d'aller chercher un championnat national prochainement. Mais il y a une marche encore à monter.

Justement, le fait de faire tous ensemble, c'est quoi? C'est quelque chose qui fait encore mieux progresser? Ce sont vos années de l'OL qui font qu'on arrive à être plus intéressants pour tout le monde quand on est global comme ça?

C'est un partage d'idées, c'est un partage de ressentis, de visions. On peut être trois éducateurs et voir un joueur d'une manière un petit peu différente et d'avoir les solutions aussi, partager ces choses-là. Puis c'est un travail d'équipe. C'est comme une équipe de foot, une équipe d'éducateurs. Ce n'est pas j'ai perdu le match, c'est on a perdu et on a gagné. Ce n'est pas j'ai gagné, c'est on a gagné, c'est tous ensemble. Si on perd, c'est tous ensemble. Si on gagne, c'est tous ensemble. Mon objectif, c'est vraiment que tout le monde travaille pour le club.

Il y a une forme de logique de s'inspirer du club phare qui est à 30 kilomètres?

Je crois que c'est ce qu'il y a de plus simple. Parce que de toute manière, si on veut aller voir un entraînement, ou si on veut partager des formations, si on veut montrer des joueurs ou faire des matchs amicaux, tout simplement, il y a 30 kilomètres à faire. Maintenant, s'il fallait traverser la France, je ne suis pas sûr qu'on pourrait. Le partenariat est très important avec le club local. Et puis Lyon, en matière de formation, je crois qu’on a prouvé largement qu'on a été précurseurs. Je me mets dedans. Et voilà, c'est le local qui est l'essentiel. Puis mettez-vous à la place d'un joueur qui signe à Lyon, il peut rentrer chez lui tous les soirs. Ce n'est pas un problème. Il y a une vraie culture lyonnaise ici.

Ça va faire bizarre pour tout le monde de jouer contre l’OL en Coupe. Mais il y a ici la "Berjallie". Si vous deviez la décrire ?

Il y a beaucoup de rigueur. Il y a beaucoup de volonté, de détermination. Certainement, pour les qualités techniques, l’OL est largement devant. Mais au niveau mental et au niveau détermination, les garçons vont être présents. Je ne suis pas inquiet de ce côté-là.

Ce n'est pas un 16e de finale comme un autre?

Absolument. Pour moi, ce n'est pas un 16e de finale comme un autre. Parce qu'on va se retrouver dans deux clubs que j'affectionne particulièrement. Effectivement, mais après, il y en a qui ont envie de le gagner ce match. Je peux vous le dire. Si on arrive à marquer un but, ce ne sera pas simple, mais si on arrive à marquer un but, je pense qu'on peut enflammer le stade et ce sera très bien.

Si le coach vous demande de faire la causerie, qu'est-ce que vous diriez?

Il n'y a pas grand-chose à dire. Faites-vous plaisir. Profitez du moment. Parce que ça n'arrivera pas deux fois. Là, les joueurs vont vivre un moment exceptionnel. Donc, il faut qu'ils en profitent au maximum. Je sais qu'ils donneront le maximum. Il n'y a pas de souci à se faire. Et puis, je me dis que dans ma position, dans tous les cas, je serai content du club qualifié. Je le répète: je suis supporter de l’OL à l’année mais pas sur ce match! Mais si Bourgoin l’emporte, peut-être que je ne me manifesterai pas trop. Comme un ex-joueur qui marque contre l’OL qui ne lève pas les bras. Peut-être que je ferai comme cela, que je ne lèverai pas les bras au ciel!

Edward Jay