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"Le rêve insurmontable paraît soudain réalisable": Sofiane Atik, héros de Bourgoin-Jallieu face à l'OL et bientôt prof de mathématiques

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Joueur emblématique du foot amateur de Rhône-Alpes après avoir fait les beaux jours de plusieurs clubs de Lyon (La Duchère, St Priest) et Bourg en Bresse (Bourg Péronnas), Sofiane Atik prolonge avec délectation sa longue carrière à Bourgoin-Jallieu, où il vit des instants, sportifs, que seule la Coupe de France peut faire naître. Son tir au but victorieux au tour précédent face à l’OL n’a pas que transporté "son" club vers un huitième de finale historique: il emmène avec lui le collège de l’Isle d’Abeau où il débute une reconversion, étonnante: devenir professeur de maths.

Ce jeudi 16 janvier 2025 restera forcément dans les mémoires de Sofiane Atik et plus généralement de toute la "Berjallie", ce territoire autour de Bourgoin-Jallieu dans le nord-Isère, au plus près de Lyon, comme un instant magique de partage. Thomas Fauviau, son ami et professeur d’EPS au collège Robert Doisneau de l’Isle d’Abeau, commune qui jouxte Bourgoin-Jallieu, raconte: "Notre chef d'établissement avait bloqué un petit créneau pour qu'on puisse accueillir Sofiane du mieux qu'on pouvait, se souvient-il. Il y a eu un petit tapis rouge qui a été déroulé pour lui avec des élèves qui lui ont fait une 'ola'."

Le proviseur adjoint de l’établissement prolonge: "Il a été accueilli comme une vraie star par les collégiens qui ont tous voulu descendre pour l'accueillir", détaille Enzo Soccio. "Je crois que ça a vraiment créé un moment que seul le sport peut nous apporter: une manière de vibrer tous ensemble. Ça fait vraiment plaisir à voir."

Un début d’après-midi aux allures de moment suspendu, avec séances de "selfies" et d’autographes improvisés dans ce collège du nord-Isère, proche de Bourgoin avec presque la totalité des vingt classes et 500 élèves au portail. Une pagaille "organisée", née dans la foulée d’heures débridées pour toute la région: l’élimination majuscule du "gros" (l’OL) par le "petit" (le FC Bourgoin Jallieu qui joue en cinquième division, en N3).

Sofiane Atik, joueur de Bourgoin-Jallieu, nouvelle star du collège dans lequel il se reconvertit, février 2025
Sofiane Atik, joueur de Bourgoin-Jallieu, nouvelle star du collège dans lequel il se reconvertit, février 2025 © Via Sofiane Atik

Avec un fil conducteur commun: Sofiane Atik, auteur du tir au but vainqueur, la veille au soir peu avant 21 heures, à une poignée de kilomètres de là, au stade Pierre Rajon. Après la folie du partage avec les 6 400 fans en fusion en début de cette soirée d’un mercredi très froid, celle des collégiens, le lendemain. Ou comment le ballon rond invente des ponts, petits ou grands entre deux univers: "Cela apporte énormément de joie", explique de l’intérieur, Enzo Soccio, proviseur adjoint. "C'est vraiment un repère pour les élèves, quelqu'un qu’ils identifient bien et qui fait vraiment vivre sur une autre note, la vie scolaire au sein de notre collège."

Tout ce qu’aime justement Sofiane, qui depuis que la trentaine l’a largement "attrapé", a abandonné son statut "d’amateur-professionnel": "Pour moi, ce sont deux métiers, qui se ressemblent un petit peu parce qu'on partage des choses un peu équivalentes", explique-t-il. "J'aime bien le foot parce qu'on est avec une équipe, on s'entraide et je retrouve ces valeurs ici. Moi, avec les enfants, quand je vois que je peux les aider, ça me fait plaisir et ça leur permet d'avancer aussi. Au foot, c'est pareil, quand on s'aide les uns pour les autres, on avance et c'est ça que j'aime."

Sofiane Atik, joueur de Bourgoin-Jallieu, coqueluche du collège dans lequel il se reconvertit, février 2025
Sofiane Atik, joueur de Bourgoin-Jallieu, coqueluche du collège dans lequel il se reconvertit, février 2025 © Via Sofiane Atik

Car sa vie, longtemps centrée sur lui-même et sa carrière jusqu’en National (troisième échelon français) à s’entraîner, se soigner, récupérer et préparer le match suivant, il la déroule en deux parties distinctes: après l’entraînement du matin sur le site de Chantereine, lieu de vie du club et un encas pris à la maison en coup de vent, il rejoint le collège où depuis six ans, il occupe un poste d’AED, pour "assistant d’éducation". Sofiane décrypte: "Il y a de la surveillance dans un premier temps et je les accompagne dans tout l'aide pour leurs devoirs, pour le self à mi-journée. Je les accompagne et les surveille aussi."

A l’approche de la quarantaine, cette deuxième journée, il la ressent comme nécessaire: "Je suis plutôt jeune, donc je suis plus près de la fin que du début, donc c'est aussi, garder un pied dans le monde du travail. Ça me permet de changer d'air un petit peu, de voir autre chose et d'apprendre également auprès de tous ces jeunes. C'est enrichissant." Un lien social indispensable: "Oui, oui, bien sûr, ça m'a toujours nourri et aujourd'hui, je crois que j'en ai besoin pour grandir et puis pour avancer."

Son ami, AED comme lui, Djamel Benhamouda, voit aussi dans ce trait d’union, un côté "exemplarité": "Ça apporte peut-être un peu d'espoir aussi de voir qu'on peut réussir, quand on veut vraiment et qu'on s'accroche. Ils sont beaucoup à nous parler de vouloir être footballeurs, youtubeurs, des métiers qui, pour l'école, parfois sont un peu sensibles. On leur dit attention, ce n’est pas tout le monde. Et justement, il apporte cet espoir en insistant sur la persévérance et le travail."

Sofiane Atik ne dément pas: "Est-ce qu'il y a un côté symbole de se dire qu'en le foot, on peut réussir à faire quelque chose en sortant d'ici, oui, assurément", dit-il. "Ils me questionnent en ce moment sur le thème 'un joueur amateur qui arrive à éliminer des stars comme l’OL, finalement, cela démontre que le rêve insurmontable a priori, paraît soudain réalisable'. Je vois chez certains, dans les yeux, ce côté 'possible'!"

"Le héros qui veut devenir professeur de maths!" ou "Joue là comme Sofiane"…

Sofiane, un "pion" pas comme les autres? "Quand il parle aux élèves, on l'écoute parce qu'il a un passé, il a des références", décrit Djamel Benhamouda. "Sofiane, on a envie de l'écouter. Il est hyper proche. C'est un peu le grand frère du collège."

Le parcours de Sofiane offre une belle parenthèse à la vie, pas toujours simple de ce collège Robert Doisneau qui accueille des enfants, parfois en difficulté: "C'est vraiment quelque chose qui cristallise un peu tout le monde", ressent de l’intérieur Thomas Fauviau, fan de l’OL mais qui ne lui en veut pas pour son penalty dévastateur pour "son" club. "Enfin non, pas qui cristallise, mais qui rassemble tout le monde. Il n'y a pas un jour où on ne nous en parle pas ; il n'y a pas un jour où on ne nous demande pas si on n'a pas eu des places, si Sofiane va jouer, est-ce qu'il va remarquer. Il y a des petits paris qui se font entre élèves et c'est toujours sympa. Et moi en tant que prof d’EPS, j'essaie de jouer là-dessus aussi pour les motiver dans mes cours, de créer une émulation. Parce que c'est un peu, 'joue là comme Sofiane'!"

De quoi aussi faire naître un syndrome de Stockholm chez Sofiane Atik … "Il veut être professeur de math’", lâche Djamel Benhamouda. "Tu as envie de faire des maths, c’est ça?" Atik ne dément pas: "J'adore les maths et j'ai un cursus mathématique avec un bac et une fac de mathématiques et j'envisage, en effet de passer le CAPES de mathématiques pour devenir professeur de maths." Pour cela, il faudra se remettre à "bucher": "Ce n’est pas le plus simple …", avoue-t-il. Mais il aura les encouragements des encadrants: "Cela serait l'idéal pour nous", espère Enzo Soccio. "On l'encourage vraiment dans cette voie-là pour une très belle seconde carrière. Nous, on serait très content de le compter parmi nous."

Mais avant, dans le très court terme, il y a ce match face à Reims, et une pression supplémentaire sur les crampons. Celle des collégiens: "Ils attendent tous un nouvel exploit contre Reims, on va essayer de le réaliser pour eux, pour nos proches. Donc l'exploit, il faut le réitérer. Et pour tous ces enfants, ça serait génial."

Histoire de s’offrir une nouvelle entrée "surprise" sur tapis rouge au collège Robert Doisneau de l’Isle d’Abeau où son emploi du temps "d’AED" l’appellera, demain ou plus sûrement lundi. Ce qui allongera encore ce moment suspendu et de partage au gré des, déjà, des huit rencontres du FCBJ en Coupe de France cette saison, d’une épopée débutée le dimanche 13 septembre.

Edward Jay