Cruyff : « L’Espagne joue mieux »

A 63 ans, la légende néerlandaise est toujours une voix avisée du football. L’ancienne star de l’Ajax Amsterdam et du Barça n’a jamais renoncé à ses principes de base. Pour lui, le football doit être offensif et spectaculaire. Comme le jeu pratiqué par la sélection espagnole. Interview vérité.

On a le sentiment que vous vous retrouvez dans le football pratiqué par l’Espagne...
L´Espagne joue un type de football que nous avons développé en Hollande en 1974. Quand je suis arrivé, j´ai voulu que le Barça puisse être aussi « ami du ballon. ». Cette philosophie est simple : quand tu as le ballon, l´autre ne peut pas attaquer. Quand on joue, on le fait non seulement pour soi, mais aussi pour le public. Toutes ces idées se retrouvent dans l´équipe espagnole. Pour tout ça, je crois que les gens ont de l´affection pour eux.

On a l’impression que les rôles se soient inversés : les Pays-Bas jouent en attendant leur adversaire et l´Espagne joue comme les Pays-Bas de 1974...
C´est exactement ça. Mais vous savez, la Hollande est un petit pays et trouver des joueurs de premier choix n´est pas facile. C´est une bonne équipe, mais elle ne peut pas dominer ses matches à chaque fois. Elle a l´obligation de s´adapter par rapport à ses possibilités même si elle a de très grands joueurs.

Qui est votre favori pour cette finale historique ?
Logiquement, l´Espagne joue mieux au football. Dernièrement, elle connu plus de succès, je pense notamment à la victoire à l´Euro. Certes, elle a plus de pression, mais une finale reste une finale. Tout peut arriver. En Ligue des champions, le Barça gagne neuf fois sur dix contre l´Inter. Mais perdre une fois est suffisant pour que tout s´écroule. C´est ce qui fait la grandeur du football. Je pense donc que ça va être un match ouvert. Si l´Espagne joue son jeu, elle a tout pour prendre les commandes. Sinon, la Hollande a suffisamment d´atouts pour lui faire mal.

Quelle sera la clé du match ?
Ce sera de savoir qui va imposer son jeu. Si le Barça... euh l´Espagne (rires) prend le ballon et le transmet rapidement, il aura imposé son jeu et donc, se créera des possibilités. Sinon, la Hollande possède des joueurs qui peuvent tout faire.

« Kuyt a fait un immense tournoi »

Sneijder a été viré du Real et a tout gagné cette année avec l´Inter. Aujourd´hui, il est le leader des Pays-Bas. Que cela vous inspire-t-il ?
Il n’y a pas que lui en Hollande. Sneijder est un très grand joueur, mais Robben aussi. La grande différence de cette équipe avec ses devancières a été la présence d´un très bon gardien (Stekelenburg) et de Dirk Kuyt. Avant, il y avait deux ou trois excellents joueurs, mais ils dépendaient de la manière dont les autres, ceux qui se situent juste en dessous, allaient disputer la compétition. Je crois que les deux se sont hissés au niveau des meilleurs. Par exemple, le gardien a sauvé l´équipe je ne sais combien de fois. C´est devenu un joueur fondamental. J’avais des doutes au départ sur Kuyt. Mais il a fait un immense tournoi. Pour moi, il a été l´un des grands hommes du tournoi.

Vous qui êtes un adepte du beau jeu, du « toque », ce Mondial vous a-t-il déçu ?
Depuis longtemps, tout le monde a ses héros de jeunesse dans le football. Il y a eu Socrates, Gerson ou Rivelino, je pourrais en nommer six ou sept de plus. Lorsque tu vois les milieux d’aujourd’hui, la différence est abyssale. A l'heure actuelle, l'Espagne joue beaucoup plus un football brésilien que le Brésil lui-même. Le Brésil joue avec sept défenseurs et les trois autres font ce qu'ils veulent. Ce football-là n'est pas attrayant. Je comprends que le résultat soit important, mais si 400 ou 500 millions de personnes regardent le match, eh bien il faut aussi penser aussi à tous ces gens.