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EVENEMENT : on a refait France-Allemagne 82 avec les joueurs de l’époque

France-Allemagne 1982 : Harald Schumacher va percuter Patrick Battiston

France-Allemagne 1982 : Harald Schumacher va percuter Patrick Battiston - -

A 48 heures du quart de finale de Coupe du monde entre la France et l’Allemagne, RMC Sport a refait ce mercredi le match légendaire de 1982. Avec Trésor, Battiston, Bossis, Lopez, Amoros et l’Allemand Stielike.

Coupe du monde 1982 (demi-finales)
France-Allemagne, le 8 juillet au stade Sánchez-Pizjuán (Séville) : 3-3 (4 tab à 5)

La compo de la France : Jean-Luc Ettori, Manuel Amoros, Maxime Bossis, Gérard Janvion, Marius Trésor, Bernard Genghini (Patrick Battiston, 50e ; Christian Lopez, 60e), Michel Platini (cap), Alain Giresse, Jean Tigana, Dominique Rocheteau, Didier Six

La compo de l’Allemagne : Harald Schumacher, Hans-Peter Briegel (Karl-Heinz Rummenigge, 97e), Paul Breitner, Karl-Heinz Förster, Bernd Förster, Wolfgang Dremmler, Pierre Littbarski, Klaus Fischer, Felix Magath (Horst Hrubesch, 73e), Ulrich Stielike, Manfred Kaltz (cap)

L’ouverture du score de Littbarski (0-1, 18e)
Marius Trésor : « Je vois sortir Jean-Luc (Ettori), mais je ne ferme pas bien le premier poteau. Si je le ferme bien, sur le tir de Littbarski, je peux avoir le ballon. Michel Hidalgo nous avait dit que ça allait être difficile. On connaissait le foot allemand. On savait que c’était du costaud, du solide. Il y avait celui qui jouait milieu de terrain, qu’on appelait ‘‘le décathlonien’’ (Briegel). Je crois que le fait de prendre ce but aussi tôt dans le match nous a un peu libérés. A partir de ce moment-là, si on voulait aller en finale, il fallait marquer. On a commencé à faire jeu égal avec les Allemands. C’est tout à fait normalement qu’on a égalisé en fin de première mi-temps, avec le penalty de Michel Platini. »

L’égalisation de Platini sur penalty (1-1, 27e)
Marius Trésor : « Je pensais que c’était juste avant la mi-temps ! (Rires)

Jean-Michel Larqué : « Tu as raison Marius, on est plus près de la mi-temps que du début ! C’est presque la seule décision favorable de M. Corver (l’arbitre), mais on ne le sait pas encore. Michel Platini, tranquillement, ne s’était pas dégonflé. »

Marius Trésor : « Michel (Platini) était le capitaine. Il avait l’habitude de les tirer, que ce soit avec Nancy ou Saint-Etienne. Alain Giresse, Manu Amoros et Dominique Rocheteau auraient pu le tirer aussi. Ils le faisaient avec leurs clubs. »

La mi-temps, avec la blessure de Genghini
Patrick Battiston : « Dans le vestiaire, à la mi-temps, Bernard Genghini se plaint d’une douleur au mollet. Michel Hidalgo retourne autour de lui, me cherche et me dit : "Patrick, prépare-toi." C’est une surprise. Je pense que René (Girard) n’était pas là. C’est une colle, je ne m’en souviens pas. A l’époque, il n’y avait que 16 joueurs sur la feuille de match (et pas de milieu de terrain ce soir-là, ndlr). Les six autres étaient en tribunes. Je vais voir Bernard (Genghini) et je lui dis : "Ce n’est pas possible. Avec le match que vous faites, il faut rester le plus longtemps possible, ne pas déstabiliser une organisation qui donnait des signes de solidité". »

L’entrée en jeu de Battiston (50e)
Patrick Battiston : « A un moment, Michel (Hidalgo) me dit d’aller m’échauffer. Je vais le long du terrain, je fais mes gestes traditionnels. Mais c’est bizarre, tout va plus vite. Je fais mes montées de genoux plus rapidement, etc. C’est un sentiment réel. Je ne me pose pas de question, je rentre au milieu. C’est un poste que j’ai occupé lorsque j’étais très jeune ; donc ça fait plaisir. Je cours, je récupère un ballon, je tire au but du pied gauche, de mémoire. Je tape sur Briegel. Le match se joue. »

L’agression de Schumacher (57e)
Patrick Battiston : « Michel (Platini) a le ballon dans les pieds et je suis quasiment en position d’attaquant. Je me dis que ce n’est pas possible, je vois un boulevard devant moi et que c’est pour moi. On jouait tous les deux à Saint-Etienne, avec Michel. Je savais pertinemment en faisant l’appel que le ballon allait arriver. Je me présente devant le but, je me dis que je vais la prendre. J’ai l’impression que je suis sur les Champs-Elysées à 5h du matin au mois d’août. Je sens qu’il y a quelqu’un qui arrive en face de moi. Ça va trop vite, ça s’assombrit. Je me dis qu’il faut vite que je touche le ballon et que je sorte de là. C’est trop tard. Je n’ai pas eu le temps. J’ai essayé de gérer au mieux ce ballon. J’avais envie qu’il aille au fond. Mais pris par le désir d’échapper à une mauvaise rencontre, je n’ai pas pu le négocier comme je le souhaitais. Je sens qu’il sort vite pour m’en mettre une. Sur le banc de touche, je me disais : "Il est agressif ce gardien, il n’est pas dans un état normal." Et qu’il ne fallait pas s’y frotter. Finalement, je n’ai tenu compte des observations que j’avais pu faire. »

Maxime Bossis : « Je n’étais pas loin de l’action. Je récupère le ballon, je le donne à Michel qui lance Patrick dans l’axe. J’étais vraiment bien placé pour voir que Schumacher avait fait un geste volontaire, qu’il était vraiment en retard. On a tous eu très, très peur quand on a vu que Patrick était inconscient. Je suis inquiet à ce moment-là. Patrick n’en rajoutait jamais. Quand on le voit allongé au sol, sans faire aucun mouvement, je me dis qu’il y a quelque chose. Et surtout, j’avais anticipé en voyant Schumacher sortir. Patrick avait beaucoup d’avance. Connaissant Schumacher, je me suis très vite douté que ça pouvait être dangereux et grave pour Patrick. » 

L’inquiétude pour Battiston
Patrick Battiston : « J’étais inconscient. Je le suis resté longtemps. J’étais dans une petite pièce du stade, avec Philippe Mahut (décédé le 4 mars 2014, ndlr) qui me veillait. Sa mort m’a touché. J’ai vécu quelque chose d’assez intime avec lui. Je me suis réveillé, je lui ai demandé où on était. Il m’a dit qu’on était en Coupe du monde, qu’on gagnait 3-1. Je suis retombé dans le sommeil. Et quand je me suis réveillé, il m’a dit : "On a été éliminé aux tirs au but." Le dernier souvenir que j’ai, c’est quand je rentre dans l’ambulance. Il y avait Jacques Vendroux qui était là, je lui dis de dire que tout va bien. Je suis parti à l’hôpital tout seul, pour faire des examens. J’ai eu trois fractures de dents. Ça parait anodin mais c’est très embêtant et encore plus maintenant ! J’ai eu une fissure d’une vertèbre cervicale. Quand le mauvais temps arrive, je le sens. »

Maxime Bossis : « On était tellement obnubilé par la santé de Patrick qu’on n’a même pas pensé à contester la non-décision de M. Corver. Il aurait dû expulser Schumacher et siffler penalty, mais il n’a rien fait. On était au chevet de Patrick, on n’a même pas pensé à parler à l’arbitre. Derrière, ça s’est un peu envenimé au niveau de l’ambiance entre les deux équipes. On a pris des nouvelles de Patrick, qui ont été assez vite plutôt rassurantes. On essaye de se reconcentrer très vite sur le match. On s’est replongé totalement dedans. Mais il y a une certaine animosité, voire parfois de la haine, sur certaines actions. Je me souviens d’un tacle incroyable de Marius (Trésor) sur Kaltz. Il a joué le ballon, il n’y a pas eu coup franc. Mais il était monté dans les tours ! C’était logique. On avait un sentiment d’injustice à ce moment-là. »

Le sentiment d’injustice
Maxime Bossis : « M. Corver (l’arbitre), on l’a retrouvé après à l’aéroport. Il discutait, il plaisantait avec l’équipe d’Allemagne. Il y a quand même, à mon sens, plus d’honnêteté sur l’arbitrage aujourd’hui qu’il y a 30 ans. On peut se poser la question sur l’honnêteté, à l’époque, de M. Corver. Ce n’est pas possible que lui et ses assistants n’aient pas vu l’action. Je ne l’ai toujours pas digéré. Après, on ne doit s’en prendre qu’à nous-mêmes. On mène 3-1, on doit dégager dans les tribunes. On ne pensait qu’à jouer, on était plutôt romantique. Mais avec le recul, on a ce sentiment d’injustice. Quand j’y repense, je crois que M. Corver n’a pas été à la hauteur du tout. »

Patrick Battiston : « Il y a quelques jours, je suis tombé sur un reportage d’Arte. J’ai vu l’action qui a amené le deuxième but allemand, avec les deux agressions sur Giresse. Je me suis posé les mêmes questions que Patrick. Franchement, ça m’interpelle vraiment. C’est la première fois que je me pose vraiment des questions. Il y a deux agressions consécutives, le ballon part, il y a le contre et but. On ne refera pas l’histoire, mais on est en droit de se poser des questions. »

La reprise de volée de Trésor (2-1, 93e)
Marius Trésor : « Je jouais avec Gigi à Bordeaux. Quand il y avait un coup de pied arrêté, je montais pour essayer de mettre la tête. Là, j’avais le géant allemand, Horst Hrubesch, avec moi et c’était difficile. Mais j’ai été étonné de me retrouver tout seul quand j’ai fait la reprise. J’ai essayé de la refaire après, mais je n’y suis jamais arrivé ! » 

Dominique Rocheteau : « Marius était un grand joueur. Les grands joueurs marquent dans des grands moments comme ça. Le but de Marius, je m’en rappellerai toute ma vie. C’était magnifique. »

La réduction du score de Rummenigge (3-2, 103e)
Dominique Rocheteau : « Je ne critique pas Michel (Hidalgo), mais il nous a peut-être manqué un peu cette organisation, ce réalisme qu’ont les Allemands. S’ils reviennent au score, c’est parce qu’on joue, on joue… Il y a de la fatigue, mais ça se passe très bien. Trop bien, même (but de Giresse à la 99e, 3-1). On continue à jouer. Rummenigge rentre et marque le but du 3-2, sur une chevauchée. Mais nous, sur cette action, on perd le ballon dans les 18 mètres allemands. On doit être quatre ou cinq. Et il y a deux fautes sur Gigi et Platoche. C’est plus que des tacles. Ce but nous fait très mal. Les Allemands, c’est leur force, ils ne sont jamais battus. Ils ont un quart d’heure pour revenir et ils le font. On a manqué de réalisme. On aurait dû jouer différemment, défendre plus. » 

Ulrich Stielike : « Le but de Rummenigge est l’action décisive du match. On a eu un nouvel espoir. Et à la fin, on a eu la chance d’égaliser (Fischer, 108e). Rummenigge n’était pas titulaire parce qu’il avait eu un petit problème musculaire avant le match. Il y avait un risque. On l’a vu en finale, il n’était pas à 100%. Mais son action nous a remis dans le match. La France a donné tellement de joie en 1982 en jouant au football qu’ils voulaient le pratiquer jusqu’à la dernière minute. L’Allemand avait un mélange entre lutteurs et techniciens. On avait du caractère. » 

Les tirs au but (4-5)
Ulrich Stielike : « J’étais le premier à louper (3e tireur allemand). Tous ceux qui avaient tiré avant moi, avaient marqué. Je pensais que ceux qui allaient passer après, allaient marquer aussi. Je croyais que c’était notre élimination. »

Christian Lopez : « Le tir au but de Didier (Six) crée le doute, parce qu’on pensait tous qu’il allait le mettre (4e tireur français). Après Max Bossis (5e tireur français), c’était moi ! Je n’en menais pas large parce que deux mois plus tôt, avec Saint-Etienne en finale de la Coupe de France, j’avais raté le sixième. Mais il le loupe et c’est terminé. »

La fin du match
Christian Lopez : « Le ciel nous tombe un peu sur la tête. On a du mal à réaliser. On était tous en larmes dans les vestiaires. On a mis un long moment avant d’aller se doucher. Michel Hidalgo pleurait. Les dirigeants aussi. C’était un moment très difficile. »

Manu Amoros : « Je n’avais que 20 ans, je ne réalisais pas. Les plus anciens étaient tous effondrés. Marius était l’un joueurs les plus marqués. Jean (Tigana) aussi. » 

La rédaction