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Jour de foot à Soweto

Le public de l'Orlando Stadium, à Soweto

Le public de l'Orlando Stadium, à Soweto - -

Mamelodi Sundowns – Black Leopards : c’était l’une des affiches des huitièmes de finale de la Coupe d’Afrique du Sud, début mai à Johannesburg. L’un des derniers matchs avant la Coupe du monde. Nous nous sommes glissés au milieu du public et des vuvuzelas. Ça promet...

C’est un stade de 40 000 spectateurs, moderne et accueillant, qui ferait le bonheur de bon nombre de présidents de notre L1. Un stade à flanc de colline, à l’entrée d’un des townships les plus tristement célèbres d’Afrique du Sud : Soweto, au sud-ouest de Johannesburg. Haut lieu des révoltes contre l’apartheid dans les années 70, cette banlieue noire tentaculaire compte aujourd’hui plus de deux millions d’habitants. A l’étranger, près de vingt ans après la fin du régime ségrégationniste, Soweto est toujours synonyme de violence et de pauvreté. La presse locale fait régulièrement ses « unes » sur les attaques armées contre les bus du tout nouveau système de transports urbains, qui met en péril le commerce –certains disent la mafia– des taxis collectifs.

Ce dimanche 2 mai, l’Orlando Stadium est le cadre de l’ultime huitième de finale de la Nedbank Cup, la Coupe nationale. Affiche déséquilibrée en perspective entre les Mamelodi Sundowns de Pretoria, vice champions d’Afrique du Sud, et les Black Leopards de Polokwane, solide équipe de deuxième division.

L’insupportable vacarme des vuvuzelas

Logiquement, le rendez-vous n’a pas attiré la grande foule. Pretoria est à une centaine de kilomètres de Jo’burg, Polokwane à plus de trois cents ; seuls quelques milliers de fans des deux équipes ont fait le déplacement au milieu des routes en travaux, tentant de réchauffer l’atmosphère d’une arène bien plus vibrante la veille pour le triomphe des héros locaux, les Orlando Pirates. Mais depuis une dizaine d’années, le public sud-africain possède l’arme fatale : le vuvuzela, une longue trompe dans laquelle les supporters s’époumonent sans trop se préoccuper, apparemment, de ce qu’il se passe sur le terrain. Ici, quasiment pas de chants comme en Europe, très peu d’applaudissements pour supporter les équipes. Tout le monde souffle dans son vuvuzela.

La chose est désormais connue, mais il faut l’entendre pour de bon pour en prendre conscience : tenant à la fois du bourdonnement d’abeilles et du barrissement d’éléphants, le vacarme produit est insupportable. D’abord hypnotique, il se transforme rapidement en une torture sonore pour le spectateur neutre. La FIFA souhaitait l’interdire, les organisateurs sud-africains en ont fait une affaire d’Etat et obtenu gain de cause : la corne de l’Afrique pourrait bien être la trompette de la discorde dans les prochains jours. 

Cela ne semble pas troubler le moins du monde les 22 acteurs, qui offriront un spectacle tout à fait convenable malgré de grossiers ratés offensifs, spécialité nationale depuis quelques années, particulièrement en sélection. En tribune, Geoffrey se désole. « Comment une nation de 50 millions d’habitants qui adore le football peut-elle ne pas produire au moins cinq attaquants de niveau international par génération ? » Pendant que les petits Léopards tiennent la dragée haute à l’ancien club d’Henri Michel et de Hristo Stoichkov (les Sundowns l’emporteront malgré tout 1-0), le destin de l’équipe nationale est sur toutes les lèvres.

Des Coupes du monde... en plastique 

Quelle peut être l’ambition des Bafana Bafana à partir du 11 juin ? L’avis des rares étrangers est sollicité. « Keke », attaché de presse de la Premier Soccer League, la L1 locale, s’en remet à la loi des séries. « En 1996, nous avons été sacrés champions d’Afrique pour notre grand retour dans la compétition. Depuis, nous n’avons fait que décliner, marche après marche, au point de ne même pas participer à la CAN 2010. Donc c’est mathématique : pour entamer un nouveau cycle, on va gagner la Coupe du monde ! » Le tout dit avec un sourire qui tient autant de l’auto-conviction que de l’ironie.

Décidément, même un dimanche ordinaire de foot à Soweto, impossible d’échapper à cette Coupe du monde qui hante tous les esprits. A la sortie du stade, dans une cohue toute relative et bonne enfant, on verra même des vendeurs ambulants brandir des répliques du précieux trophée. En plastique, pour le moment… 

Jean-François Pérès