Knysna, un coin de ciel Bleu

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Dimanche matin d’automne austral à Knysna (prononcez Na-ïs-na). Bondée en pleine saison, l’une des stations balnéaires les plus prisées du littoral sud-africain est en sommeil. « C’est le moment de l’année où l’on rénove les hôtels et les restaurants », indique Mark, lui-même gérant d’établissements touristiques dans la région… et en pleins travaux dans son pub du centre-ville. « Regardez, beaucoup de commerces sont fermés, pas seulement le mien. » Et pourtant : à quelques dizaines de mètres en contrebas, les familles du coin font leur achats dans les multiples galeries marchandes que compte cette ville de 75 000 habitants environ, selon les estimations de Mark. « Mais seulement 10 000 payent des impôts », dit-il en montrant le township (ghetto) qui surplombe la cité.
Pour un peu, on se croirait dans une banlieue aisée américaine : on gare sa (grosse) voiture dans les immenses parkings, on se salue en poussant les chariots, les enfants gambadent dans les allées, et les parents en bermuda et sandales font le plein de nourriture et de vêtements, avec une majorité de taille XL, voire XXL. Sur une place, un orchestre joue sans grande conviction des classiques du rock. Des Noirs, placides et sans doute pas imposables, vendent leurs produits à même le trottoir. Deux mondes se regardent sans vraiment se parler.
Knysna, « fière d’accueillir les équipes de France et du Danemark », comme l’indique un panneau à l’entrée de la ville, se prépare à vivre des semaines particulières. « Mais les gens ne savent pas très bien à quoi s’attendre », indique Mark. « Les joueurs seront dans leurs hôtels toute la journée. Va-t-on les croiser ? J’espère au moins que l’on pourra assister à quelques entraînements. » Les sélections seront logées au sommet de deux collines, dans les complexes hôteliers les plus luxueux de la ville, qui n’en manque pas.
Drapeaux et maillots en rupture de stock
Chez Grant’s Sports, on se frotte les mains. L’effet Coupe du monde joue à plein. « On a vendu tout notre stock de drapeaux français en quelques semaines, se félicite Warren, l’un des vendeurs. Environ soixante-dix, c’est énorme pour Knysna. On est également en rupture de stock pour les maillots officiels de l’équipe de France dans les grandes tailles. Tenez, regardez… » Une famille investit les présentoirs dédiés aux Bleus : casquettes, écharpes, maillots… « On adore la France, assure Mark, un chef d’entreprise local venu avec sa femme et ses deux enfants. On a la chance d’avoir des billets pour le match du Cap contre l’Uruguay et pour le match de rugby (Afrique du Sud – France) le lendemain. Et après, on part tous en vacances. Dans le sud de la France ! »
Matérialisée par des oriflammes installés sur les principaux axes routiers, la présence hexagonale ne saute pourtant pas aux yeux de tous. « Je ne savais pas que l’équipe de France venait chez nous, avoue une vendeuse du centre commercial. Vous serez nombreux ? » Forget et Michael, pompistes, savent juste que les Bleus « seront logés là-haut, à Pezula. Mais on a révisé : bonjour, au revoir, je t’aime ! » Le tout en français dans le texte et dans un grand éclat de rire. Auront-ils l’occasion de déclarer leur flamme à leurs prestigieux et mystérieux visiteurs ?