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Le cinquième élément

Raymond Domenech et Noël le Graët

Raymond Domenech et Noël le Graët - -

Un fil invisible mais très présent relie les principaux dirigeants du foot français. Sous la houlette d'un gourou nommé Noël le Graët, les hauts dignitaires tricolores - Raymond Domenech, Frédéric Thiriez, Jean-Pierre Escalettes et Gérard Houllier - sont comme les cinq doigts de la main.

L'ancien Président de la Ligue, aujourd'hui n°2 du foot français, règne en maître sur les destinées du ballon rond en France. En fin limier, Noël le Graët réfléchit, impulse, négocie et dicte la direction à suivre à la garde rapprochée de Jean-Pierre Escalettes. L'officiel président de la FFF n'est là que pour la vitrine. Cela fait belle lurette que l'ex "VRP" du foot amateur se fait balader comme une marionnette. Dépassé dans sa propre communication à l'image de la gestion du cas Laurent Blanc, Escalettes n'est pas un vrai patron. Il n'a jamais tapé du poing sur la table. Uniquement peut-être pour effrayer une paire de moineaux égarés dans la cour interne du siège de la FFF dans le 15e arrondissement. En interne, Le Graët est là pour ça. Et il le fait. Sans se priver. Fort de sa réussite avec l'En Avant Guingamp - il entre au comité directeur du club en 1969 à 28 ans - Le Graët regorge de réseaux. Le Breton a la dent dure. Il fonctionne en cercle fermé. Toujours. Tel un talisman, Raymond Keruzoré porte le club à bout de bras. En témoignent deux épopées mémorables en Coupe de France début 80. Le Graët est aux anges. Pied de nez au "Parisianisme" à outrance qu'il débecte. A l'époque, Michel Platini récupère les Bleus entre deux discussions de couloir et Houllier est lamentablement crucifié par une frappe de Kostadinov. Facile, après coup, d'accuser Ginola.
Le Graët veille au grain. L'équipe de France doit avancer, Houllier fait ses valises. Le poste de sélectionneur n'est pas pour lui. Celui de DTN non plus. Le Graët comprend alors que le football français et ses Bleus en tête doivent devenir une "machine à fric". Pour survivre. Premiers gros contrats - méthode Darmon importée aux Bleus - et le jackpot apparaît. Garant de la DTN, Aimé Jacquet soulève un doux sentiment de réussite chez Le Graët. Aux côtés de Michel Platini, il se l'approprie. "Platoche" a des rêves de grandeur. Au-dessus de la mêlée. Toujours. Le Graët le comprend. Normal. Platini a marqué l'histoire du ballon rond. L'ancien numéro 10 des Bleus et de la Juventus Turin, triple ballon d'or, veut marquer l'histoire institutionnelle. Pari réussi.
Auréolée des sacres mondiaux et continentaux en 98 et 2000, l'équipe de France devient un bonbon. On enlève le papier et la voilà, délicieuse et radieuse. Tous l'envient et veulent s'approprier une part de la réussite d'Aimé Jacquet, le "franchouillard". L'ancien entraîneur des Girondins de Bordeaux dans les années 80 ne s'en est pas remis. Sa vie privée tourne au désastre. Jacquet touche les cimes avant de redescendre aussi vite. Le Graët lui promet la DTN. Jacquet revit.

Entre les lignes

Le Graët toujours et encore. Présent et absent. Présent en coulisses, dans l'ombre, en backstage. Absent sur le devant de la scène. Il n'aime pas et laisse cela à d'autres. Le Graët promet à Houllier le poste de DTN après le banc des Reds. Houllier, encore et toujours là. Le Graët n'a pas le choix. L'ancien coach du Paris SG ferait tout pour succéder à Jacquet. Fin 2007, après un passage réussi à Lyon, Houllier quitte le vaisseau Aulas et rejoint la DTN au détriment de Raymond Domenech. Le Graët épouse alors les désidératas des deux hommes. La réconciliation ne se fera jamais. L'amitié est de façade. Définitivement. Houllier, lui, décroche un contrat en or à Canal Plus. Abondance de biens ne nuit pas. Tant qu'à faire, autant en profiter des deux côtés.
Le Graët, encore et toujours, pousse Domenech à s'ouvrir. On évoque des agences de communication voire une envie réelle de "positivisme ambiant." Deux tirages au sort démontrent que Domenech a du mal. Ceux de la Coupe du monde 2006 et l'Euro 2008. L'ancien sélectionneur des Espoirs est isolé. On ne lui serre pas la main. L'image des Français, désastreuse, cultive le creuset d'un ensemble déplorable. Le Graët garde néanmoins la main sur Domenech. Le clan est à ses côtés. Simonet est fatigué, Escalettes sa pâle copie et Frédéric Thiriez aussi utile qu'une rose sur la Place de la Concorde. Le Graët a manœuvré. Il règne en maître et négocie tout. Contrats publicitaires, primes, voyages. Le Breton gère tout. L'ancien grossiste en électroménager, spécialiste de surgelés depuis 20 ans et ex-instituteur a tout de "Spiderman". Il a tissé une toile véhémente. Personne aujourd'hui ne le reconnaît à voix haute. Christian Teinturier n°2 de la FFF l'avoue : « Si vous voulez savoir qui a eu le plus d'influence dans le vote du Conseil Fédéral post Euro 2008, allez voir du côté de Platini ou Houllier. » On parle donc ci et là de Houllier ou Platini. Mais Le Graët tire les ficelles d'un système au bord du gouffre. Seul un juteux contrat avec le nouvel équipementier des Bleus lui donne raison. 42 millions d'euros par an à compter de 2011. Pharaonique. Surtout pour une piètre équipe de football. Une maxime, une seule finalement sied à Le Graët. « Les Bretons sont frères puisqu'ils ont Quimper » déclament les amateurs de galette saucisses. Le Graët a plusieurs frères dans le monde fabuleux du foot français. Vous avez dit faux frères ? Rien n'est moins sûr.

Christophe Couvrat à Johannesburg