Polokwane, la ville qui joue gros

Les supporters sud-africains - -
Il ne faut pas arriver à Polokwane à la tombée de la nuit. Non que la cité suscite une quelconque crainte (son nom signifie d’ailleurs « lieu sûr »), mais la vie semble déjà s’y être arrêtée, si l’on excepte un trafic automobile étonnamment dense. Les bâtiments sans âme se succèdent sur de larges voies à sens unique à peine éclairées, avec les incontournables fast-foods et autres pizzerias industrielles. Une vraie banlieue à l’américaine, bien loin de l’authenticité africaine vantée par les guides touristiques.
Pas de problème en revanche pour trouver un hôtel, il y en a pour toutes les bourses. Et le client est recherché. « J’ai de la chance, assure Douglas, propriétaire de l’African Roots, excellente adresse du centre-ville. Mes réservations ont été bonnes grâce aux journalistes européens. Ce n’est pas le cas de tout le monde ici. » Quand il a ouvert en 1996, la ville ne comptait que cinq établissements hôteliers. Il y en aurait aujourd’hui plus de 300. « Certains particuliers ont investi plus de dix mille euros, une fortune ici, pour agrandir leur maison et monter un bed and breakfast, poursuit Douglas. Comme les réservations ont été catastrophiques, les banques commencent à exiger le remboursement des créances. »
En cause notamment, le « racket » (sic) de la FIFA, qui récupère 30% sur chaque chambre dans les hôtels agréés et jongle selon son bon vouloir avec les réservations, mettant en danger l’économie locale. Polokwane craint d’ailleurs une terrible gueule de bois ; les visiteurs sont beaucoup moins nombreux qu’espéré. « La municipalité a une attitude bizarre, confie Douglas. D’un côté, elle a dépensé une fortune pour accueillir les supporters étrangers dans un parcage spécial qui ne servira plus jamais à rien. De l’autre, elle n’a rien fait question décorations, drapeaux, panneaux… »
« Un stade aussi grand, c’est une aberration »
Bien malin celui qui, quelques jours à peine avant le début du Mondial, pouvait deviner l’existence du stade flambant neuf de 45 000 places, en pleine savane. « Un stade aussi grand, c’est une aberration pour une aussi petite ville », regrette un habitant du coin. La meilleure équipe de Polokwane, les Black Leopards, évolue en deuxième division ; elle ne rassemble que mille à deux mille spectateurs par match. Le Peter Mokaba Stadium, du nom d’un leader historique de la lutte contre l’apartheid, risque de sonner creux après la Coupe du monde...
Sur la route de Johannesburg, à une dizaine de kilomètres de là, le Protea Hotel Landmark accueillera les Bleus avant leur match face au Mexique, ce jeudi. Murs blancs, toits turquoise un peu criards, ouvert depuis deux ans. Bel établissement, sans plus, malgré une agréable cour intérieure gazonnée. L’hôtel a déjà accueilli les Bafana Bafana, mais pas encore de sélection étrangère. Au bar, un serveur se dit « enchanté » de faire la connaissance des joueurs français, même s’il ne peut en citer aucun spontanément. On lui suggère le nom de Thierry Henry. « Il joue encore ? Il est encore bon, vraiment ? » A Polokwane, la Coupe du monde est une source intarissable d’interrogations.