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Tout commence au Cap...

Le stade du Cap, où les Bleus entameront leur Coupe du monde vendredi contre l'Uruguay, est une incontestable réussite.

Le stade du Cap, où les Bleus entameront leur Coupe du monde vendredi contre l'Uruguay, est une incontestable réussite. - -

Les Français entament la Coupe du monde ce vendredi au Cape Town Stadium, symbole d’une métropole séduisante malgré des inégalités criantes.

« Africa’s greatest city » (La plus belle ville d’Afrique), « We’re ready. Are you ready too ? » (Nous sommes prêts. Vous aussi ?) : à quelques encablures de la Coupe du monde, Le Cap affiche ses certitudes au fil des larges avenues du centre-ville. L’atmosphère n’est pas sans rappeler celle de Sydney avant les Jeux Olympiques de 2000, travaux routiers compris. Même effervescence, même décontraction. Et cette fameuse lumière qui fait accourir, dit-on, photographes et mannequins du monde entier dans un cadre naturel exceptionnel. C’est ici, à la pointe sud du continent africain, entre Océan Atlantique et montagnes pelées environnantes, que les Bleus joueront face à l’Uruguay le premier acte d’une pièce très attendue. Ils ne pouvaient rêver plus beau théâtre : le Stade du Cap, encore fréquemment appelé Green Point Stadium, du nom de son prédécesseur, est une incontestable réussite. « Vu sous certains angles, on dirait un bateau qui flotte sur l’Océan », confie Pieter de Villiers, l’ancien rugbyman français de retour dans son pays natal. Il n’a pas tort.

La légende locale raconte que c’est Sepp Blatter en personne qui aurait insisté pour que l’enceinte soit construite à cet endroit précis. Comme beaucoup de dirigeants de la FIFA, le Suisse est un fan du Cap. Le choix de la plus ancienne ville du pays – on l’appelle « la ville-mère » en Afrique du Sud – pour accueillir le tirage au sort en décembre 2009 était tout sauf un hasard. Quand il a visité le chantier presque achevé, Danny Jordaan, le président du Comité d’organisation de la Coupe du monde 2010, en a eu le souffle coupé : « Ce stade sera l’un des hauts lieux de la compétition », avait-il lâché.

Conçu par des architectes allemands, l’édifice a été bouclé en deux ans et demi, entre mars 2007 et décembre 2009. Le coût initial des travaux (400 millions d’euros) a été largement dépassé, la faute à une conjoncture économique défavorable. A elle seule, la verrière du toit aurait engendré un surplus de 50 millions. Sa surface a été finalement réduite d’un tiers. Réparties sur trois anneaux, les tribunes pourront accueillir 68 000 personnes en configuration Coupe du monde. Où que l’on se trouve, la vue sur la pelouse est imprenable, et le paysage alentour ne fait qu’ajouter une dimension esthétique à l’ensemble.

« Les habitants sont fiers de ce stade »

L’exploitation est assurée par un duo franco-sud africain, dont une partie n’est autre que le Consortium du Stade de France. « A la base, 74 candidats avaient répondu à l’appel d’offres, confie Bertrand Scholler, représentant du Consortium sur place. Notre culture, notre expertise et notre expérience ont été décisives. » Reste à relever un sacré défi : faire de ce bijou une entreprise rentable. Au Cap, il n’est pas rare qu’un match de rugby attire 40 000 spectateurs. Quant au foot, réservé à un public moins favorisé, il peine généralement à rassembler quelques milliers de supporters...

Morné du Plessis, l’ancien capitaine et manager des Springboks, aujourd’hui directeur du stade, ne cache pas sa préoccupation. « Les sceptiques risquent de passer les cinq prochaines années à blâmer ceux qui ont décidé d’investir autant d’argent dans la Coupe du monde. Moi, je pense que ça va marcher. On n’était pas forcément prêts à assumer tous les coûts d’une telle réalisation. Nous avons des contraintes législatives lourdes, et nous avons besoin de tout le monde pour y arriver. Les habitants du Cap sont très fiers de ce stade. La fierté peut aider à soulever des montagnes. »

Ces montagnes qui cachent à la fois les meilleurs vignobles d’Afrique du Sud, situés sur l’autre versant, et les gigantesques bidonvilles, les Cape Flats, coincés entre l’aéroport et les gratte-ciels. Capitale régionale à la population estimée à 3,5 millions d’habitants, jumelée avec Nice, Le Cap est souvent présentée comme une exception en Afrique du Sud, ne serait-ce que pour sa population très métissée ou son atmosphère volontiers bohème. Entre 2006 et 2009, la ville a été dirigée par une Blanche, Helen Zille. Ancienne opposante à l’apartheid, elle a été élue « meilleure maire du monde » en 2008. Les Français y seront très attendus : les footballeurs, bien sûr, mais aussi les rugbymen, qui par un extraordinaire hasard du calendrier, affronteront sur place les Springboks le lendemain de France-Uruguay. De Villiers et Du Plessis ont déjà leurs billets...

Le titre de l'encadré ici

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3 QUESTIONS A... Kirsten NEMATANDANI, président de la Fédération sud-africaine de football

Est-il raisonnable de penser, comme le président sud-africain Jacob Zuma, que les Bafana Bafana peuvent gagner la Coupe du monde ?
Sans aucun doute ! C’est la loi de l’attraction. Si vous pensez de façon positive à quelque chose, si vous transmettez ensuite cet état d’esprit à quelqu’un d’autre, une spirale va se créer dans tout le pays. C’est la foi dont notre équipe a besoin. Et elle viendra de nous, les Sud-Africains. En 1998, combien auraient parié sur la France ? C’est l’environnement qui avait créé les énergies positives autour de votre équipe. Dans une compétition comme celle-ci, l’aspect mental est crucial. C’est prouvé. Cette équipe va en surprendre plus d’un, je vous le garantis.

Quelles sont les raisons objectives d’y croire ?
Dans la vie, on récolte ce qu’on sème. Cette équipe a suivi deux très longs stages de préparation, en Amérique du Sud et en Allemagne. Elle s’est préparée bien plus longtemps et sérieusement que la plupart des favoris, dont les joueurs ont été pris jusqu’en fin de saison par leurs clubs. Et puis elle ne jouera jamais à onze, mais à plusieurs millions, avec une atmosphère incroyable autour d’elle. D’accord, les Bafana Bafana n’ont pas été capables de se qualifier pour la CAN 2010. Mais même cela constitue un avantage : nos rivaux vont arriver ici en se disant qu’ils n’ont rien à craindre face à ce petit outsider. La formule d’éliminatoires groupées CAN-Coupe du monde nous a désavantagés, étant qualifiés d’avance pour le Mondial. Le vrai défi est là, devant nous, face aux meilleures équipes du monde. L’an passé, nous avions réalisé une excellente Coupe des confédérations. Or, notre préparation a été deux fois plus intense !

Si on vous comprend bien, cette Coupe du monde s’annonce surprenante...
L’environnement sera surprenant. Mais c’est notre particularité. Vous verrez, nos supporters sont très bruyants, mais en même temps très amicaux pour les adversaires. Ici, pas d’agressivité, pas de violence, mais des chants, des danses, des encouragements. Ils aiment et respectent chacun, se mêlent volontiers aux autres supporters. L’ambiance sera extraordinaire durant les matchs.

Jean-François Pérès en Afrique du Sud