Domenech-Vieira, les liaisons dangereuses

Le capitaine des Bleus n'aime pas quand on ne le fait pas jouer. A l'image du match contre le Togo (2-0), en phase de poules du Mondial 2006. Sorti à la 81e, il ne cache pas sa mauvaise humeur au sélectionneur... - -
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Patrick Vieira a-t-il disputé la dernière de ses 107 sélections en juin dernier, face au Nigeria (0-1) ? Depuis que Raymond Domenech l’a privé de barrages face à la République d’Irlande, la question se pose avec encore plus d’acuité. A 33 ans, le joueur de l’Inter Milan, miné par les blessures, a du mal à revenir à son meilleur niveau et il n’a pas disputé le moindre match de qualification pour la Coupe du monde 2010. Mais son statut, ses références et son vécu auraient pu faire la différence. Du moins le pensait-il…
Avant les matches éliminatoires face à la Roumanie (1-1) et en Serbie (1-1), l’ancien capitaine d’Arsenal s’était plaint au micro de RTL qu’il n’avait pas eu d’explication à sa mise à l’écart, ayant été prévenu par un simple SMS. Juste après la publication de la liste pour les barrages, Vieira s’est montré encore plus cinglant. « Il n'y a pas meilleur que moi en France à l'heure actuelle », s’est-il exclamé dans les colonnes de l’Equipe.
Mais depuis le match de la Roumanie, les choses ont évolué au sein du groupe France. Par l’entremise de Thierry Henry, les joueurs ont pris la main. La discussion initiée à la veille de la rencontre face aux Roumains a porté ses fruits. L’abcès entre les joueurs et le sélectionneur a été crevé. Et les prestations en nets progrès des Bleus poussent à l’optimisme avant d’aborder l’écueil irlandais. Faire revenir Patrick Vieira n’aurait-il pas déstabilisé le fragile équilibre qui s’est établi ? Son retour n’aurait-il pas freiné la dynamique qui anime les Bleus ? C’est le raisonnement suivi par Raymond Domenech qui sacrifie alors son capitaine. Il « manque de matches », sa condition physique est un peu « courte »…
Les prétextes ne manquent pas. Mais Raymond Domenech s’est surtout souvenu du cauchemar de l’Euro 2008. Patrick Vieira se blesse à la cuisse, le 30 mai, à la veille du match de préparation France-Paraguay (0-0). Mais le sélectionneur décide de l’emmener alors qu’il sait que son capitaine ne pourra être compétitif qu’à partir des demi-finales. Selon nos informations, le sélectionneur a peur des conséquences d’une mise à l’écart brutale de Vieira. Il considère que le joueur fera plus de mal à l’extérieur qu’à l’intérieur du groupe. Et il va pour la première fois à l’encontre d’un sacrosaint principe en équipe de France : un blessé est un facteur potentiel de discorde au sein d’un groupe.
Pour donner le change, le sélectionneur vantera les mérites d’un Vieira, taulier du vestiaire et exemple à suivre, même blessé. Domenech n’y croit pas une seconde. En janvier 2005, trois mois seulement après avoir confié le brassard de capitaine à Vieira, il convoquera son staff. Objet de la réunion : comment choisir un nouveau capitaine sans se déjuger. Le retour de Zidane à l’été 2005 lui enlèvera cette épine du pied. Mais à l’Euro 2008, Zizou n’est plus là. Et Vieira est un poids mort qu’une équipe de France à bout de souffle n’a plus le luxe de pouvoir traîner.
A l’Euro 2008, il a eu peur de son capitaine
D’autant que le sélectionneur n’a jamais cru à un retour sur les terrains. D’ailleurs, la situation se tend. Le Milanais mobilise à lui seul un kinésithérapeute sur quatre. Domenech comprend que son joueur est prêt à tout pour jouer. Lors des séances, Vieira cache-t-il l’étendue de sa blessure ? En tout cas, Domenech l’épingle en lui reprochant clairement de dissimuler sa gêne aux entraînements.
C’est dans cette atmosphère viciée qu’intervient l’épisode de l’Actovegin. Cette substance qui est du sang de veau déprotéiné capable selon ses partisans de fluidifier les hématomes a été suggérée par le joueur du Bayern Munich Willy Sagnol. En Allemagne, l’Actovegin est autorisé, mais il est interdit en France. A l’unanimité, le staff tricolore rejette l’idée de l’utiliser. Vieira accepte la décision jusqu’au jour où il apprend qu’il ne disputera pas France- Italie (0-2), le 17 juin, dernière rencontre de la phase de groupe.
A la veille du match, au traditionnel point presse, Vieira flingue le staff médical : « J’ai plein de questions et je n’ai pas de réponses. Je ne sais pas où j’en suis et ça me donne encore plus les boules. (…) Il y a eu des incohérences sur ma blessure et sur les soins qui ont été faits. » Dans la foulée, la France est éliminée piteusement à l’issue de la première phase. Le docteur Paclet, patron du staff médical, est sacrifié. Domenech, lui, sauve sa tête. Le psychodrame forcément a laissé des traces…
Aujourd’hui, à l’heure où Abou Diaby a déclaré forfait. Il n’est toujours pas question d’un retour de Patrick le Long. « Je ne veux irriter personne et ce n’est pas pour enlever du crédit à Toulalan ou à Lassana, glisse le joueur dans les colonnes du JDD. Quand on voit leurs dernières prestations, il n’y a rien à redire. Mais j’apporterais peut-être quelque chose de différent. » Ce n’est visiblement pas ce qui fera changer d’avis Raymond Domenech…