Dugarry : « Je ne suis pas confiant pour la qualification »

Christophe Dugarry - -
Christophe, que ressentez-vous lorsque vous voyez l'équipe de France traverser de telles difficultés ?
On souffre, forcément. On parle beaucoup de talent, il y en a, mais il a du mal à se mettre en place collectivement. Je crois qu’il faut maintenant parler de courage et de solidarité parce que sans ça, le talent ne sert à rien…
Ne pensez-vous pas justement que c'est le talent qui fait défaut aux Bleus ?
Ce sont des joueurs qui jouent des rôles intéressants dans des grands clubs européens. Ils ont de la qualité, mais ils n’arrivent pas à la mettre au service les uns des autres. Parfois, avec des joueurs moyens, on arrive à créer un vrai bloc, très efficace. Mais là, on a l’impression que l'équipe de France s’étiole match après match, et ça c’est inquiétant.
Didier Deschamps semble ne pas faire mieux que Laurent Blanc à ce niveau-là...
Ça montre la limite d’un coach. L’organisation, c’est une chose, mais rien ne remplace l’animation, le dépassement de fonction, l’intensité. Ça reste le football. Si tu ne mets pas l’intensité dans un match de football, un joueur de DH rivalise avec une Ligue 1. Ce qui fait la différence, c’est le rythme que l’on impose, la vitesse à laquelle on enchaîne, et on a bien vu qu’on a été incapable de prendre de vitesse une équipe comme la Géorgie.
Estimez-vous que cette équipe manque de cadres ?
On n’a aucune certitude. On a l’impression que les joueurs sont interchangeables, et que ça ne changerait pas grand-chose de les changer. On a l’impression que cette équipe n’avance pas et ce n’est pas rassurant pour la Coupe du monde. Si on y va, on n’aura pas grand-chose sur quoi s’appuyer, sachant que je commence sérieusement à m’inquiéter pour la qualification.
Qu'est-ce qui vous inquiète dans ce que montre les Bleus ?
Le contenu des matches est inquiétant. A la perte du ballon, il n’y a pas de pressing, il n’y a pas de changements de rythme, on attend un éclair de Ribéry à un contre trois... Mais à part ça, on ne voit pas d’où peut venir la lumière, il n’y a pas de combinaisons, un jeu sur les côtés presque inexistant. Ça joue à deux à l’heure. Si on n’est pas capable de mettre du rythme, on ne peut rien faire. Et là, il n’y a pas d’évolution. Il n’y a pas de consistance, ni dans le jeu, ni dans l’effort.
Estimez-vous qu'il est temps d'arrêter de titulariser Benzema ?
Je suis partagé, mais on ne peut pas laisser toujours sa chance à Benzema. Soit tu le maintiens en estimant que c’est ton arme absolue et tu mets en place un système qui lui convient, soit il faut envisager de privilégier le système et le groupe. Peut-être qu’il faut le chahuter, comme a pu le faire Mourinho au Real par moments. Jusqu’à présent, Didier Deschamps accorde beaucoup de crédit à ses joueurs, mais peut-être qu’il faudrait leur donner un petit coup de pied aux fesses. Benzema, contre la Géorgie, il ratait tout… Même le plus simple. Ça lui atteint le cerveau cette situation, et peut-être que le sortir un ou deux matches lui rendrait service.
Vous avez également connu une période difficile en Bleu, quels conseils lui donneriez-vous ?
Faire des efforts, faire de vrais appels. Au lieu d’être à 120% comme il devrait pour remonter la pente, on le sent à 80%, parce qu’il est dans le doute. Il déjoue complètement. Je le trouve timide. J’ai fait huit ans en Bleu, en étant critiqué presque à chaque fois. J’ai essayé de ne rien lâcher. J’ai le souvenir de ce match au Mondial 98 (face à l’Afrique du sud, ndlr) où je remplace Guivarc’h, qu’il y a 60 000 personnes qui me sifflent, et j’ai la chance de marquer. Il faut être courageux, surtout en tant qu’attaquant. On a le sort d’un match au bout du pied, il faut être fort, être un homme, croire en sa chance et redoubler d’efforts pour que les partenaires croient en vous. Tu peux être nonchalant quand tu es efficace, quand tu fais valoir d’autres qualités comme la finition ou le jeu dans les petits espaces. Mais là, on finit par se demander quelles sont ses véritables qualités de ce garçon…
Quels sont les autres points faibles de cette équipe selon vous ?
Les deux cas que je relèverai en priorité, ce sont les latéraux, Evra et Sagna. Contre la Géorgie, ils sont en dessous de tout. Je les ai trouvés d’une faiblesse ahurissante, alors qu’ils n’ont quasiment pas d’opposition. Ribéry, s’il est si fort au Bayern, c’est qu’il a Alaba derrière lui et des joueurs qui le mettent en valeur autour. En équipe de France, les complémentarités, les duos, on ne les voit pas beaucoup. Il y a des joueurs qui rendent les autres meilleurs, et malheureusement on n’en a pas dans l’équipe. Je pense à Laurent Blanc, dont on disait qu’il pouvait faire briller n’importe qui à ses côtés. Des comme ça, on n’en a pas.
Cette équipe vous agace-t-elle ?
Non, parce que je suis un supporter sans borne de l’équipe de France, mais je suis déçu. Terriblement déçu. On s’ennuie en regardant cette équipe. Et je suis inquiet. Je ne suis pas confiant pour la qualification aujourd’hui. En barrages, on les imagine mal sur une confrontation aller-retour contre un adversaire qui a les crocs. C’est passé par la petite porte contre l’Irlande (grâce à la fameuse main de Henry, ndlr), mais ça n’arrivera pas une deuxième fois. Je ne suis pas agacé, mais inquiet.
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