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Evra : « Le Pat de 2010 et le Pat de 2014, je les kiffe tous les deux ! »

Patrice Evra

Patrice Evra - -

Patrice Evra s’est présenté en conférence de presse ce mercredi, pour la première fois depuis novembre 2012. Avec son franc-parler, le latéral gauche des Bleus est revenu sur les évènements de 2010.

Patrice Evra, comment vous sentez-vous en ce début de Coupe du monde ?

Depuis qu’on est ici, j’ai l’impression d’être un gosse de huit ans. L’âge de mon fils. Je suis heureux, que ce soit sur le terrain ou devant vous (les journalistes, ndlr). Je vis le moment présent. Chaque seconde est importante.

Comment expliquez-vous le décalage entre l'image que vous renvoyez auprès du public et celle qui est la vôtre dans votre milieu professionnel ?

Déjà, je n’aime pas trop « auprès du public ». C’est auprès des médias. J’ai rencontré plusieurs supporters français. Je n’ai jamais eu d’accroche. Ils ont toujours été positifs avec moi. Si les médias veulent transmettre cette image de moi depuis la dernière Coupe du monde, il n’y a pas de problème. Le plus important, c’est ce que pensent mes coéquipiers, le staff, ma famille, mes proches. Que je passe pour un « bad boy » à travers les médias, ça ne me touche pas du tout. Je ne lis rien. Je ne regarde pas Internet. Je vis le moment présent, c’est ce qui m’importe.

Vous êtes souvent associé à la vie de groupe. Ne préféreriez-vous pas qu'on vous décrive plus comme un leader sur le terrain ?

Non. Déjà, j’aimerais bien qu’on ne parle pas de moi (rires). Ce serait mieux. J’ai eu plusieurs expériences. Je suis capitaine en club. Je ne vais changer ma nature, c’est-à-dire d’aller vers les autres. Dans le passé, je donnais tout, mais je perdais beaucoup d’énergie. Maintenant, je donne tout et je reçois d’énergie. La grosse différence, elle est là. C’est pour ça que c’est vraiment un grand plaisir de joueur dans cette équipe.

Patrice Evra a-t-il vraiment changé entre 2010 et 2014 ?

Pourquoi, tu n’aimes pas le Patrice Evra de 2010 ? (Rires) Je fais la même chose. J’essaye de donner le meilleur de moi-même à mes coéquipiers. En échange, ça me donne de l’énergie. En 2010, ça m’a bouffé toute mon énergie. Je pense que j’ai trop pris mon rôle à cœur. Là, je le prends aussi à cœur mais avec l’expérience, j’arrive à prendre du recul. Je n’aime pas qu’on parle d’un rôle de leader. Je leur dit avant chaque match : il y a 23 leaders. C’est mon naturel. S’ils me considèrent comme ça, tant mieux, mais ce n’est pas ma priorité. Ma priorité, c’est que les gars fassent un grand match avant que moi, je fasse un grand match. C’est mon état d’esprit pour cette Coupe du monde.

Et vous, avez-vous aimé le Patrice Evra de 2010 ?

Je m’aime tout le temps. C’est un peu arrogant, mais je m’aime tout le temps (rires). Que ce soit dans les moments difficiles, dans les moments de joie, je resterai le même. Je ne vais pas commencer à critiquer ma personne. Il y a peut-être d’autres choses que je n’aurais pas faites. Le Pat de 2010, le Pat de 2014, je les kiffe tous les deux !

Didier Deschamps dit que vous ne serez jamais le capitaine de l'équipe de France avec lui et que vous savez pourquoi...

Je ne sais pas du tout. Je lui demanderai. Ce n’est pas la question. Le capitaine, c’est Hugo Lloris. Il faut respecter ça et arrêter de dire que Pat est le capitaine. Je l’ai été en 2010. Ça me suffit. Je suis capitaine dans mon club. Ça me suffit. C’est beau d’être capitaine, c’est honorable, mais ce n’est pas une priorité. Si tous les joueurs donnent le maximum et qu’on gagne le match, c’est ça, le plus important.

Pourquoi ne venez-vous pas plus souvent en conférence de presse ?

(Rires) Je dois m’occuper mes enfants, de plusieurs choses. Après le Mondial 2010, j’en ai pris quand même. Même si j’avais dit à tous les joueurs : « Ne vous inquiétez pas, partez en vacances, c’est moi qui vais tout prendre ». J’aime bien ce rôle. Mais ça m’embête un peu que mes coéquipiers disent du bien de moi dans la presse. Je préfère qu’ils me le disent dans le vestiaire avec un regard, un sourire. Si un journaliste me pique, je sais comment lui répondre. Je peux être tranquille, comme je le suis. Je suis heureux. Je n’ai pas envie de donner à manger à certaines personnes. Ce n’est pas un jeu. Je ne changerai pas. Pour l’instant, tout se passe bien. Quand ça se passera mal, je serai toujours le même.

Avez-vous l'impression d'être un miraculé de l'équipe de France en étant toujours là quatre ans après Knysna ?

Bien sûr. Des fois, je ne réalise pas. Et je pense que c’est ce qui agace. Je suis fier d’être là, pas à cause de la Coupe du monde. Mais parce qu’il y a des joueurs qui ont fait les qualifications comme Eric Abidal, Samir Nasri, Gaël Clichy, et qui ne sont pas là. Franck (Ribéry) a failli me faire pleurer, ce fou, quand il a quitté le Château (Clairefontaine, ndlr). Et moi, je suis là. Quand je vois Clément Grenier se blesser, que le monde s’écroule, tu te dis que t’as de la chance d’être là. J’ai de la chance d’être là par rapport à ça, plus que par rapport à ce qu’il s’est passé en 2010. Je n’ai pas ce poids sur les épaules. J’ai pris ce qu’il y avait à prendre et c’est tout.

L'analyse différente qui est faite de vous vous fait-elle quand même un peu plaisir ?

Ça fait toujours plaisir si on parle de moi en bien. Mais que ça se passe bien ou pas, je n’ai jamais senti que je n’étais pas à ma place dans le groupe. Je ne suis pas quelqu’un, après le match, qui va regarder ce que tel journaliste a dit sur moi. Tout va vite. Je sais qu’au moindre faux pas, il y en a qui seraient capable ressortir la guillotine. Je ne suis pas fou. (Rires)

Pourquoi est-ce toujours un évènement quand vous venez devant les médias ?

Parce que je donne à manger à certaines personnes ! Ce n’est pas parce qu’il y a une caméra que je vais utiliser d’autres mots. Ça va être Pat. Je vais rester moi-même. Peut-être que ma franchise va faire la Une des journaux, des fois. Mais je suis comme ça, je ne changerai pas. Je viens moins souvent. Mais quand je viens, certains journalistes s’attendent à ce que je jette quelques grenades. Mais pas du tout !

Avez-vous fini par trouver la taupe que vous avez beaucoup cherchée à Knysna ?

(Rires) Ça me fait rire maintenant. On était dans une telle bulle, enfermé. Un grand moment. Mais je ne l’ai toujours pas trouvée !

>> La deuxième partie de l'interview de Patrice Evra : « Ça fait peur parce que tout va bien »

JRe et JS et MBo à Ribeirao Preto