France-Serbie : les enjeux

Domenech ou pas, Thierry Henry souhaite avant tout gagner pour le bien de l'équipe de France - -
Le France-Serbie de mercredi n’aura pas juste les contours d’un simple match qualificatif. Les Bleus vont jouer gros, très gros, devant un stade à moitié rempli, avec un objectif matches-points loin d’être atteint… et un sélectionneur à la tête prédécoupée. Récapitulatif des principaux enjeux d’un match placé sous haute pression.
Un public à reconquérir
45 000 personnes maximum mercredi, selon une estimation des dirigeants du Stade de France, l’enceinte dionysienne risque de sonner creux. Très creux. Pas toujours emballés à l’idée de suivre les tribulations qualificatives des Bleus en règle générale, les supporters bleu blanc rouge ne risquent pas de venir envahir les travées du SdF. La raison est simple, logique : les trois derniers matches perdus par les Bleus en match officiel (les deux derniers matches de poule de l’Euro 2008 et le premier match qualificatif pour le Mondial 2010 face à l’Autriche) et le jeu bancal des Tricolores n’invitent guère à l’optimisme. Face à l’une des formations les plus fortes du groupe, la France devra à la fois séduire et gagner. Et lorsque l’on voit ses difficultés du moment, on se dit que la mission est loin d’être gagnée.
La der de Domenech ?
« Il y a du monde aujourd’hui. C’est vrai l’odeur du sang vous intéresse. Je suis bien parti là… c’est bon, c’est bon… ce n’est même pas du premier degré… Je suis content d’une seule chose. C’est que les lois d’exception et la guillotine n’existent plus… parce que sinon j’en vois quelques-uns qui se seraient fait un malin plaisir de m’envoyer sur l’échafaud. » Toujours aussi habile à manier le verbe comme il l’entend, le sélectionneur use désormais de son cynisme habituel comme ultime rempart, un rempart personnel et non collectif comme cela avait pu être le cas par le passé. Les temps seraient-ils déjà en train de changer en équipe de France ?
Jacques Crevoisier n’en pense pas moins. L’ancien membre de la Direction technique nationale du ballon rond français en veut à un conseil fédéral qui s’est, selon lui, menti à lui-même : « Dans ce conseil fédéral, il y a des gens avec qui j’ai travaillé pour lesquels j’ai une grande estime. Il y a des gens que j’ai rencontrés par le biais de mon métier d’entraîneur. Ce sont plutôt des gens intelligents… Quand tu les prends individuellement il n’y en a aucun qui veut mettre Domenech… et au final, tu as 18 votes en sa faveur. Il y a un moment où il faut arrêter de déconner. Même si l’on gagne mercredi, pour moi, l’ère Domenech est terminée. »
Un esprit de groupe à retrouver
Si le sélectionneur pensait trouver du soutien auprès de ses joueurs, il peut commencer à s’inquiéter. Florent Malouda, l’un de ses plus fidèles lieutenants, n’a pas hésité à remettre ses compétences en question. Et même si le divorce entre les deux hommes peut s’expliquer par les performances actuelles du milieu offensif gauche de Chelsea, cela traduit bien un malaise, une fracture : Domenech n’a plus un soutien total.
« Mettons un peu le sujet du coach à part. Ce match, cette victoire impérative, c’est surtout pour le football français. Il faut prendre les trois points pour l’équipe de France. Il ne faut pas non plus faire une fixation sur l’avenir du coach. Il faut gagner pour le public français. Je sais que, en ce moment, c’est difficile de tourner ça de manière positive. Mais il le faut. Après, on sait ce qui se passera si on perd… mais il faut essayer de tourner cela de façon positive. » Si Thierry Henry a raison de rameuter les troupes bleues vers l’essentiel – la victoire contre la Serbie – aucun mot de réconfort n’a été prononcé de sa part pour soutenir Domenech. Des mots qui auraient été les bienvenus à un moment où ce dernier se retrouve bien seul. Une révolution ?
Et le jeu dans tout ça ?
Flamboyant mais risqué face à la Suède, le jeu des Bleus s’est complètement liquéfié devant l’Autriche. Les errements défensifs entrevus face aux Scandinaves ont trouvé un écho impitoyable sur la pelouse viennoise. La paire Gallas-Mexès ne marche pas, d’abord en raison du placement surprenant des deux joueurs, un placement qui ne correspond pas d’ailleurs à celui qu’ils occupent en club… mais surtout parce que le taulier du duo (Gallas) n’est plus au niveau international qui était le sien il y a deux ans.
Si, mercredi, des têtes vont tomber, certaines avec logique (Mexès, Evra), d’autres avec sévérité (Nasri, d’autant que l’ancien Marseillais n’évoluait pas franchement au poste qui lui sied le mieux en Bleu), il n’est pas certain que ces changements suffisent à régler tous les problèmes actuels des Tricolores. Les Bleus semblent ne plus savoir « se faire mal », un danger face à un adversaire aussi redoutable que peut l’être la Serbie. Pis, lors de l’Euro 2008, Raymond Domenech avait déjà dû changer les hommes pour créer un électrochoc. C’était face à l’Italie. Avec la fin que l’on sait.
Fidèle à ses principes, le sélectionneur, dans les moments difficiles, sait se tourner vers son glorieux passé. Efficace en 2006 lors du Mondial, le 4-2-3-1 abandonné par le technicien national au profit d’un 4-4-2 plus offensif est de nouveau au goût du jour. Avec Gourcuff en meneur de jeu et avec un Benzema milieu gauche, un poste pourtant détesté par le buteur lyonnais, un poste qu’il s’était dit prêt à occuper avant de prendre part à la déroute du dernier Euro.
Abidal sera reconduit dans l’axe, comme face à l’Italie, Clichy va avoir sa chance…bref, Domenech change tout. Ou rien. Ce changement était attendu. Nécessaire. Mais n’arrive-t-il pas trop tard ? Et, surtout, les Bleus seront-ils en mesure de hisser leur niveau de jeu face à un adversaire beaucoup plus fort que l’Autriche ? Mercredi soir, le Stade de France pourrait bien être le théâtre d’un tournant à dimension… nationale.