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N.Vallaud-Belkacem : « Les Bleus sont conscients de leurs responsabilités »

Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Sports

Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Sports - -

EXCLU RMC SPORT. Premier volet de l’interview de Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Sports, dans les Grandes Gueules du Sport ce dimanche matin. Les Bleus, la Coupe du monde, les accusations contre le Qatar : ses réponses aux sujets « foot ».

Najat Vallaud-Belkacem, qu'attendez-vous de l'équipe de France quant à son comportement lors de la Coupe du monde ?

D’abord, j’espère ne pas avoir à revivre ce qu’on a vécu il y a quatre ans. Mais honnêtement, je ne le crois pas possible, parce que je pense que ce qu’il s’est passé à Knysna a provoqué comme un choc, une prise de conscience. Et chez les joueurs eux-mêmes. Nous sommes allés les voir jeudi avec le président (François Hollande) à Clairefontaine. Et on y a trouvé un climat très serein, très collectif. C’est d’ailleurs beaucoup grâce à Didier Deschamps, qui a cette façon de manager son équipe qui est très appréciable. Et on a senti les joueurs conscients de leurs responsabilités. Ils vont porter les couleurs de la France, ce n’est pas rien. Ils sont très fiers, ils l’ont dit au président. Et puis en même temps, oui, il y a une espèce d’esprit collectif. Ils forment déjà l’équipe, les Bleus. Face à la Norvège (4-0), on se croyait déjà au Mondial, donc c’est super.

Que serait une Coupe du monde réussie pour vous ? Aller loin dans la compétition ou redonner une bonne image de nos joueurs et de la France par leur intermédiaire ?

En fait, je pense que les deux sont liés. Je sais qu’il y a une réalité, que les gens se découvrent dans l’adversité. Mais ce que je crois, c’est qu’il faut qu’on dise à nos joueurs qu’on a confiance en eux et que c’est comme ça qu’ils produiront les meilleures performances possibles. Ce n’est pas un secret. Quand vous vous sentez porté par tout un pays, je pense que vous avez de meilleures chances de faire de meilleurs scores et de gagner plus de matchs. Donc, en fait, on jugera ce Mondial réussi pour l’équipe de France si tout simplement elle réalise les meilleurs scores possibles.

Avez-vous évoqué avec certains joueurs ou même Didier Deschamps, le fait qu'ils aient à répondre à l'attente de tout un pays ?

Oui, on en a parlé. Honnêtement, moi ce que j’ai senti, c’est que ce soit le staff ou les joueurs, ils en ont assez qu’on leur parle d’il y a quatre ans. Ils ont un peu envie de tourner la page et de laisser ça derrière eux. Je pense, et c’est un peu ce que le président leur a dit par ailleurs, qu’il faut arrêter de mettre la pression sur les épaules des joueurs. Il faut les laisser se concentrer sur l’enjeu sportif. Il faut qu’ils évitent de se blesser, qu’ils s’entraînent, qu’ils soient ouverts, comme ils le sont à Clairefontaine, pour se concentrer sur leurs matchs.

Et il faut qu’ils soient bons. Pour le reste, tout découlera ensuite de leur performance. C’est parce qu’ils seront bons sur le terrain que l’adhésion se créera chez les Français. Et c’est parce que l’adhésion se créera chez les Français qu’on aura envie de raconter une belle histoire, de les soutenir encore plus et donc de les rendre encore meilleurs. Mais ce n’est pas aux joueurs de se poser la question de comment être le plus exemplaire possible. Il faut qu’ils se posent la question avant tout de l’enjeu sportif. Le reste en découlera.

Rama Yade, en tant qu'ex-secrétaire d'Etat aux Sports, souhaite être invitée au Brésil. Allez-vous l'inviter ?

Je vous avoue que je n’ai pas compris les propos de Rama Yade, parce qu’elle est bien placée pour savoir que ce n’est pas le gouvernement français qui organise le Mondial. C’est évidemment la FIFA, donc le gouvernement n’a pas particulièrement de marge manœuvre pour inviter. Donc la réponse est non à cette question. Par ailleurs, sachez que moi, quand j’ai l’occasion d’inviter parce que les compétitions ont lieu en France et qu’on a un certain nombre de places, je privilégie des jeunes qui n’auraient jamais eu accès à cette chance.

Vous irez au premier match de l'équipe de France le 15 juin contre le Honduras et que vous y retournerez éventuellement pour les quarts de finale. Donc vous êtes très optimiste ?

Oui, c’est une façon de dire que je soutiens l’équipe à fond ! On a décidé d’être auprès de notre équipe de façon complète, de les accompagner pour chaque match. Avec Thierry Braillard, le secrétaire d’Etat en charge des sports, on se répartit notre présence. C’est inutile qu’on y soit ensemble en même temps. Donc moi je vais au tout premier match et je reviens. Ensuite, Thierry les accompagnera. Et pour les quarts de finale, peut-être au-delà de moi, j’espère que le président de la République pourra y aller. Je dis quarts de finale, parce qu’après, je sais que ça se complique. La finale est le 13 juillet, donc la veille du 14 et il y a des festivités. Donc ça rend les choses très compliquées. Nous, on gère l’intendance, la logistique. Maintenant, les joueurs doivent aller jusqu’en finale. (Rires)

Une question sur l'organisation de la Coupe du monde au Brésil, avec les inquiétudes pour le retard infrastructurel et sur cette grogne sociale. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle équation des grands évènements dans des pays qui ne le supporteraient pas si bien financièrement ?

Dans l’absolu, je pense qu’il faut laisser aux pays la possibilité d’accueillir des grands événements, quelle que soit la situation financière à la base. Il faut partir du principe que l’accueil des compétitions sportives, ce n’est pas seulement un coût, mais aussi un gain.

Ce n'est pas toujours le cas...

Ce n’est pas toujours le cas quand c’est mal géré, je suis d’accord avec vous. Ça peut être un investissement sur le futur. Honnêtement, quand vous voyez ce qu’il s’est passé à Londres, par exemple, le développement de la partie Est de Londres a été rendu possible par l’accueil des JO. Ce quartier a été développé en huit ans autant qu’il aurait dû l’être en 30 ans. C’est vraiment ce qu’ils s’est passé. Cela dépend comment on gère la chose. Mais en tout cas, il ne faudrait pas qu’au moment de répartir l’accueil des grandes compétitions internationales, on exclut d’office un certain nombre de pays en se disant : « Ils ne seront pas prêts ».

Pas forcément exclure, mais mettre en place un cahier des charges pour contrôler les coûts par exemple...

C’est vrai que les coûts ont quand même explosé, s’agissant de l’accueil des grands événements. Que l’on puisse avoir en effet un certain nombre de règles pour encadrer davantage ce type d’accueil, pourquoi pas. Maintenant, s’agissant de ce qu’il se passe au Brésil, moi j’ai envie quand même de leur faire confiance. Il y a ces mouvements sociaux, je n’ai pas envie de me prononcer sur les mouvements sociaux, parce que c’est la liberté des Brésiliens de s’adresser à leur gouvernement. C’est une démocratie, le Brésil. Il n’y a pas à mettre en lumière les uns par rapport aux autres.

Moi, j’ai plutôt envie de faire confiance à ce pays pour bien accueillir la Coupe du monde. Pour ce qui nous concerne, je fais l’expérience avec l’Euro 2016 qu’on va accueillir dans deux ans. C’est un travail énorme, considérable. Si on veut faire en sorte qu’il y ait une adhésion populaire à cet accueil de grands événements, il faut créer les conditions pour que la population y trouve son compte. Moi, je suis en train de travailler sur le fait que dans toutes les villes hôtes de l’Euro 2016, les jeunes des quartiers populaires de ces villes (Marseille, Saint-Denis…) soient les premiers à profiter de ces emplois, de cette activité économique qui va se créer. C’est vrai, tout dépend de la façon dont l’Etat fait profiter à la population de l’accueil de ces grands évènements.

Le Sunday Times affirme qu'un ancien haut responsable qatari de la FIFA aurait déboursé 5 millions de dollars pour obtenir le soutien de plusieurs représentants du football international pour l'organisation du Mondial 2022 au Qatar. Comment réagissez-vous à cette information ?

Pour l’instant, ce sont des allégations. Ce n’est pas avéré. Si c’était avéré, il va de soi que ce serait très grave, extrêmement grave. Mais pour l’instant, j’avoue que j’ai du mal à vous en dire plus car on n’a pas la preuve, si je comprends bien.

Les primes pour les joueurs de l'équipe de France ont été revues sensiblement à la baisse et vont être partagées avec les réservistes. Est-ce que toucher 300 000 euros individuellement, en cas de victoire en Coupe du monde, vous semble logique ?

D’abord, ce qu’il faut peut-être rappeler, c’est que le système des primes a changé depuis 2012. Et d’ailleurs, il faut saluer le travail de Noël Le Graët sur ce sujet. Ce n’est pas de l’argent public, cela provient de la FIFA. C’est en plus lié aux performances et aux scores réalisés. Et puis, vous le rappelez, c’est partagé avec les réservistes. Voilà, il n’y a pas plus de commentaires à faire que cela. Encore une fois, je suis pour qu’on évite les polémiques sans intérêt ou qui viennent brouiller l’enjeu principal de ce Mondial, qui est quand même les performances sportives.

La rédaction