Pirès : « Tu me mets Cantona, et moi je suis content »

Ecarté de l’équipe de France par Raymond Domenech, Robert Pirès revient avec amertume sur le maintien de celui-ci à la tête des Bleus.

Robert Pirès, vous vous êtes longuement exprimé la semaine dernière sur le maintien de Raymond Domenech à son poste de sélectionneur, après l’échec de l’Euro. Pourquoi y revenir une nouvelle fois ?
On est dans un pays libre : on a le droit de s’exprimer. Sauf que j’ai déjà critiqué Domenech il y a 4 ans, et j’ai été sanctionné en étant viré comme un malpropre de l’équipe de France. De plus, je m’aperçois aujourd’hui, quatre ans après, que d’autres langues se délient.

Avez-vous l’impression que le temps vous a donné raison ?
J’ai dit ce que je ressentais à l’époque. Ça a plu à certains, ça n’a pas plus à d’autres et notamment au sélectionneur (Raymond Domenech). J’ai été le premier à être sanctionné pour avoir dit ce que je pensais… Pour avoir dit ce que tout le groupe pensait ! Moi, je n’aime pas vivre dans l’hypocrisie. J’ai donc décidé de parler, j’en assume les conséquences, et je m’en porte très bien. La vie continue, et aujourd’hui, j’ai rebondi et je prends du plaisir avec Villareal…

Début septembre, Florent Malouda s’était déclaré déçu par le sélectionneur… Pensez-vous qu’il sera, comme vous, "black listé" ?
Sincèrement pour lui, je ne l’espère pas. C’est un joueur important pour la sélection. Mais je crains le pire…

Grégory Coupet s’est lui aussi exprimé cette semaine. L’ancien gardien des Bleus a parlé cette semaine d’une "dictature" de Domenech, qui "joue avec les gens"…
Lui, il est allé très très loin, mais il a juste dit la vérité. Je suis à 100% d’accord avec lui, et je ne suis pas le seul.

Pensez-vous qu’il y ait actuellement, à l’intérieur du groupe, des joueurs qui pensent la même chose ?
Je ne vais pas citer de nom mais je peux vous répondre que oui.

On a tout de même l’impression que toute cette histoire vous reste en travers de la gorge ?
A une époque, c’était le cas. Aujourd’hui, je suis passé au dessus. La preuve : je me sens très bien sur le terrain. On me fait confiance, et je prends du plaisir tous les jours à l’entraînement. Sincèrement, j’ai gagné ce qu’il fallait avec l’équipe de France (Coupe du Monde 98 et Euro 2000). Je ne crache pas sur cette sélection car je sais tout ce qu’elle m’a apporté, mais il y a des personnes qui sont là et qui ne méritent pas d’être là.

En clair, vous ne pouvez pas "blairer" Domenech ?
C’est réciproque de toute façon. Sauf que moi je le dis et je l’assume.

La liste que Raymond Domenech dévoilera demain sera-t-elle sa dernière selon vous ?
(Rires) Si je dis oui, c’est que l’équipe de France aura perdu. Et après cela compliquera nos chances de qualification. Moi, je veux voir l’équipe de France jouer le Mondial 2010… mais sans Domenech je dois l’avouer.

Le Conseil Fédéral a-t-il fait une erreur en le maintenant à son poste en juillet dernier ?
La principale erreur a été de s’en prendre à France 98. Ce qu’il faut savoir, on l’a assez dit et moi-même j’en ai marre de le répéter, c’est qu’à aucun moment on a voulu prendre le pouvoir. Je pensais qu’on était sur la bonne voie. A ce moment-là, on nous a posé une question : Domenech ou Deschamps ? Excusez-moi d’avoir choisi Deschamps. De toute façon Deschamps ou un autre, il fallait du changement ! Demain, tu me mets Eric Cantona, et moi je suis content.
On a participé à quelque chose de fort il y a 10 ans. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on nous poignarde un peu. Je ne trouve pas cela très sympa. Les gens ont la mémoire courte.

Que pensez-vous de l’arrivée d’Alain Boghossian dans le staff de l’équipe de France ?
Tant mieux pour "Bogho", je suis content pour lui. Mais cela n’a été fait que pour calmer tout le monde entre la Fédération, le Conseil Fédéral et ceux de 1998.

Pensez-vous, comme certains de 98, qu’il aurait dû refuser cette promotion ?
Oui je le pense, mais je respecte le choix de l’homme. Il a pris une direction mais je n’oublie pas qu’il fait partie de la génération 98 et 2000. Il a pris position. Je la respecte.

Un dernier mot sur la nouvelle génération de l’équipe de France et la polémique autour de son soi-disant manque de respect…
C’est bien d’avoir des objectifs et de l’ambition, mais chaque chose en son temps. Les anciens sont déjà là. Un peu de respect quelquefois, ça ne fait pas de mal…

La rédaction - Luis Attaque