La tête ou les jambes ?

Robert Duverne, préparateur physique des Bleus et de l'Olympique Lyonnais, est l'un des héros du mondial de 2006. Celui qui, en quelques jours, avait transformé une bande de « vieux » footeux à bout de souffle contre la Suisse et la Corée du Sud, en stars matures renvoyant successivement à leurs chères études les gamins espagnols, brésiliens ou portugais. Robert Duverne est encore là pour cette campagne de l'Euro 2008, en Autriche et en Suisse.
Raymond Domenech se sert d'ailleurs à l'envi du formidable parcours des Bleus, il y a deux ans, pour désamorcer dès aujourd'hui toute attaque sur l'état de fraicheur ou la condition physique de ces joueurs. La preuve dans le texte : « Dans l'horaire, la chaleur et la pelouse, c'était exactement la même chose que face à la Suisse lors de notre premier match de Coupe du Monde 2006. » Sous-entendu : laissez, on sait faire, on connaît, on maîtrise, on a le vécu nécessaire. Reconnaissons quand même que la méthode est risquée. Car les futurs vice-champions du monde de 2006 avaient eu toutes les peines du monde à se défaire des modestes et accrocheurs togolais, lors du troisième match de poule, déterminant. Surtout que cette fois, ce sont les feux follets hollandais et les champions du monde italiens qui suivent au programme. Mais bon, attendons de voir : pour gagner une compétition aussi intense que l'Euro, il faut, nous dit-on, monter en puissance à chaque match.
Mais ne risque-t-on pas d'avoir alors 23 bleus au top physiquement fin juin... dans leur canapé, devant leur télé, faute de résistance à l'effort acceptable dès le premier tour. Les Bleus l'ont tous dit : ils ont souffert de la chaleur. Ecoutez Gregory Coupet : « On était vraiment habitués à n'avoir que 11 degrés depuis plusieurs jours. Là on en a eu presque 15 de plus ». Ou encore Willy Sagnol, asphyxié : « On a eu le coup de pompe au bout de quelques minutes... moi, au bout de 20 minutes, j'ai manqué d'air ». Gallas, Ribery, Malouda aussi, en première mi-temps soufflaient et peinaient. Mais combien faisait-il sur la pelouse du Letzigrund ? Trente degrés, Trente-cinq ? Zurich fournaise de l'Europe, en juin ? Une canicule imprévisible ? Pas vraiment... 23 degrés à 18 heures, ce ne sont que quatre degrés au dessus de la moyenne à Zurich au début du mois de juin, sur les dix dernières années.
Le doute s'installe donc. Physiquement, comme en 2006, les joueurs seraient donc programmés pour aller au bout. On veut bien le croire et reconnaître le savoir-faire de Robert Duverne. Mais une explication affleure : et si mentalement, les joueurs n'avaient pas été correctement préparés à jouer par 23 degrés, à souffler, à suffoquer... Si leurs jambes étaient en bon état, mais pas leurs têtes. Ils vont bien, tant mieux. Sont-ils pour autant prêts à se faire mal, à avoir mal ? Pas sûr au regard du match de lundi soir. La faute à qui alors, dans ce cas ?