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Riolo : "Les Bleus, du désamour à la joie !"

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Retour sur la qualification de l’équipe de France pour la finale de l’Euro 2016, acquise jeudi soir à Marseille face à l’Allemagne grâce notamment à un doublé d’Antoine Griezmann (2-0).

Au sortir du match, de l’exploit face à l’Allemagne, le capitaine Hugo Lloris (et oui c’est lui) faisait part de son émotion. Et puis il lâcha une petite phrase anodine : « En équipe de France, ça n’a pas toujours été simple ». Lloris, le discret, exprimait-il là avec pudeur ses dures années en Bleu ? A-t-il pensé à tous ces parcours pénibles voire terribles. S’est-il souvenu dans ce moment d’extase du désamour qui a entouré l’équipe pendant tant d’années ? A-t-il connu autre chose finalement ? Un retour de flamme au moment du Mondial au Brésil, mais rien de dingue.

Il aura donc fallu dix ans ! Une éternité pour retrouver les Bleus. Dix ans, c’est immense. Un an ça aurait déjà été trop. Comment une équipe de France peut être rejetée par son pays ? Ça n’existe pas, nulle part. Avant le match contre l’Allemagne, un sondage sur l’image des Bleus indiquait que 75% des Français étaient derrière l’équipe ! Certains se réjouissaient de ce chiffre en énorme augmentation. Avant l’Euro, on devait être à 50% ! Mais c’est fou, non ? Soutenir l’équipe de son pays, c’est normal. Le chiffre aurait dû être de 90% au moins !

C’est dire le fossé qui s’était creusé. Heureusement, aujourd’hui, la cicatrice se referme.

Faut-il revenir sur les raisons du désamour ? Euro 2008, Mondial 2010, Euro 2012… Sélectionneur, joueurs, fédération, tout le monde a eu tout faux ! Communication, comportement, image véhiculée, une catastrophe !

Dès 2010, j’avais plaidé pour un grand coup de balai. Je militais pour un vent de fraîcheur. Peu importe la victoire, le jeu, la défaite, il fallait d’abord que les gens aient envie de soutenir l’équipe pour le minimum qu’on demande à un sportif, tout donner sur le terrain. Reconstruire depuis la base.

Ça n’a pas été fait tout de suite et il aura fallu que le temps fasse son œuvre. On a perdu du temps. Le temps est passé tout seul. De 2010, il ne reste que Patrice Evra. Le capitaine de la débâcle est aujourd’hui le capitaine officieux. A force de se caricaturer, il en est presque devenu sympathique. Il joue à un poste peu en vue. Il a un palmarès hors norme sans être fort en équipe de France. Il est dans une quête, il cherche la rédemption. Tout gagner ailleurs, c’est bien, mais cet amoureux des Bleus veut sa performance en France ! Qu’il l’avoue ou pas, 2010 reste pour lui une plaie !

Une génération est passée. On lui promettait beaucoup, Ribéry, Benzema et les gamins de 1987… Ils ont tout raté. Notre foot nous a vendu et survendu leur potentiel, le talent. Mais la France est revenue au haut niveau sans eux. Le talent, c’est bien, mais sans travail, ça devient une sale manie. Regardez Pogba, le talentueux. C’est en devenant un joueur de devoir contre l’Islande et devant l’Allemagne, qu’il a brillé et fait oublier ses tracas et sa sarabande.

Notre foot, dans toutes les équipes nationales, dans ses clubs, a trop perdu de temps avec l’analyse et la mauvaise appréciation du talent, passant tout à ses fameuses pépites, celles qui sont ensuite vendues et rapporte des sous !

L’équipe de France aujourd’hui, c’est avant tout un groupe de travailleurs et un homme providentiel, Griezmann. Dans son histoire, il y a toujours eu un. Celui-là, le petit homme de Mâcon, n’avait pourtant pas le profil. Viré du football français jeune, car pas en phase avec les « canons » de notre foot, le fameux « talent ». En attaque avec lui, il y a un autre joueur mal apprécié de notre foot, Giroud. Lui aussi a eu un parcours différent, loin de nos cellules de formation. Il bosse pour l’équipe, se sacrifie, fait briller les autres. Comment s’appelle notre pépite qui devait nous emmener très haut déjà ? Ah oui, Benzema ! En défense, le meilleur, c’est Koscielny, encore un atypique. Ce qu’il y a de plus fort chez eux ? Chez Matuidi, Lloris, Sissoko… la tête et ce qu’il y a dedans. Parce que niveau talent, Matuidi, Sissoko…

Le succès de cette équipe doit faire réfléchir nos clubs, nos formateurs, nos instances. Qu’on le regarde de près sans s’arrêter juste à la victoire. N’oublions pas qu’en 98, derrière la victoire, le foot français avait tiré des enseignements terribles. N’oublions pas non plus qu’il y a quelques semaines, on a beaucoup parlé du conseil donné par Deschamps aux joueurs : « Partez, quittez la L1 ! ». En gros allez apprendre ailleurs.

Avec ces joueurs, Deschamps a construit un groupe. Une réussite collective. Loin du talent individuel dominant. Mais je n’oublie pas que Le Graët a tout fait pour récupérer Benzema. Où sont aujourd’hui les illuminés qui avant l’Euro parlaient de racisme dans la composition du groupe ? Ils sont toujours déçus ? Origine ou couleur, tout le monde s’en fout pourvu que le joueur donne tout aux Bleus et affiche un état d’esprit irréprochable.

Détermination, courage, voilà les qualités principales de cette équipe qui dans le jeu reste de beaucoup perfectible. Avec ces qualités, on gagne le cœur des gens, et peu importe la victoire. On gagne le respect.

Après, si, en plus, on gagne les matches…

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Daniel Riolo