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Foot et argent, les liaisons dangereuses

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Il y a trois mois, l’affaire du bus de Knysna mettait en exergue les travers d’un football français à l’image de plus en plus écornée. Joueurs au comportement inacceptable, entraîneurs impuissants, dirigeants dépassés, public écœuré… Enquête sur les causes d’un malaise bien plus profond qu’il n’y paraît. Premier volet, les relations problématiques entre foot, argent et éducation.

La concurrence, Stéphane* y est confronté depuis le plus jeune âge. A 18 ans, le joueur du Paris FC, passé par Guingamp, sait parfaitement que ses partenaires sur le terrain ne lui ont jamais vraiment voulu du bien. Même chez les plus jeunes. « Avant un match important, certaines personnes n’hésitaient pas à mettre le pied à l’entraînement, voire à blesser un joueur, pour avoir leur place », assure-t-il.

Cette concurrence poussée à l’extrême a un corollaire : la chasse au contrat et aux salaires faramineux. « Ça suscite beaucoup d’envie chez les jeunes, glisse Luc Bruder, directeur sportif du TFC, 30 ans de formation derrière lui. Et autour d’eux, il y a une multitude de pique-assiettes et de profiteurs… »

Au Havre, le président Jean-Pierre Louvel est régulièrement confronté à la cupidité de certains parents au moment où il recrute un jeune dans son centre de formation. « La première demande que l’on reçoit, c’est combien on va verser, soupire-t-il. Quand on propose 150 000 euros à des jeunes de 15, 14 voire 13 ans, à quoi cela correspond-il ? »

A 15 ans, Simon*, un jeune du centre de formation havrais touche environ 300 euros par mois. Une somme relativement modeste. Cela n’empêche pas, déjà, d’attiser les convoitises. Celles des filles en premier lieu. « Elles se disent que le HAC est un bon club, raconte d’une voix fluette Romain*, 15 ans. Elles nous voient déjà pro, alors que ce n’est pas du tout ça. Ça peut monter à la tête. »

Tout comme les « conseillers » de toutes sortes, attirés par la poule aux œufs d’or que peut devenir le footballeur en herbe. Entre les parents, l’entraineur et l’agent, les joueurs ont plusieurs référents, qui tirent parfois dans un sens différent. Pas évident quand on a 15 ou 16 ans.

Ils ne veulent pas ressembler à ce qu’ils ont vu à la télé

A 20 ans, Yéro Diop a déjà connu quatre centres de formation. Désormais joueur de la réserve nantaise, cet attaquant à la réputation parfois sulfureuse a choisi de ne laisser à sa famille qu’un rôle limité. « Au bout d’un moment, ça les dépasse, admet-il. Je n’hésite pas à les appeler quand j’ai un problème, mais ils ne savent pas vraiment ce qu’est le football. »

Le rôle de la famille et de l’éducation est primordial dans la construction du caractère des adolescents. Cet aspect, la fédération française de football semble enfin l’avoir pris en compte. « Dans les catégories des très jeunes, on insiste autant sur le projet éducatif que sur le projet sportif, souligne François Blaquart, DTN adjoint, bien parti pour prendre la succession de Gérard Houllier. L’état d’esprit et la mentalité sont le socle de l’accession au football de haut niveau. A un moment, on se concentrait trop sur la technique. » Jusqu’au fiasco de Knysna…

Responsable de la formation au Paris FC, Alexandre Monnier est pourtant persuadé que l’exemple sud-africain n’aura pas forcément de mauvaises conséquences. « Il va y avoir un avant et un après, estime-t-il. Les gamins n’ont pas envie de ressembler à ce qu’ils ont vu à la télé. » Leur plus grande chance?

* les prénoms des mineurs ont été modifiés