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Gambardella: du Burkina-Faso à Bobigny, l'épopée de Mohamed Zeba

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Après avoir quitté le Burkina-Faso à treize ans pour devenir footballeur en France, traversé l’Afrique, seul, et échappé à la mort en traversant la Méditerranée, le voici au FC Bobigny 93.

"Dans sa tête, Mohamed a déjà 30 ans", témoigne Karim Mazeghrane, coach des U18 de Bobigny qui affrontent, ce dimanche en quart de finale de Coupe Gambardella, le Stade Rennais. Le technicien ne s’y trompe pas, son milieu de terrain, pourtant âgé de 18 ans, a déjà un parcours de vie qui l’a fait mûrir plus vite que tout le monde. Né à Bittou au Burkina-Faso, "Zeba" décide, dès ses 13 ans, de quitter le pays et de rejoindre la France pour réaliser son rêve de devenir footballeur.

Commence alors un périple de deux ans et demi où le jeune garçon traverse l’Afrique, guidé par son frère, resté à la maison. Il passe le Mali, l’Algérie et puis arrive au Maroc pour rejoindre l’Espagne par la Méditerranée, au prix de sa vie. "J’ai embarqué sur un bateau gonflable. On a pagayé, pagayé ... Et à un moment donné, le bateau s’est crevé. On a failli mourir. La Marine du Maroc nous a sauvés la vie et nous a ramenés au pays", se souvient le Burkinabé.

La rencontre qui a tout changé

Après un an sur les terres marocaines, il retente sa chance, avec succès. D’Espagne, il remonte vers Toulouse puis Bobigny en 2019 où il loge dans un hôtel mis à disposition par la Croix-Rouge. En Afrique, il ne jouait pas en club : "C’était dans la rue, contre des plus grands que moi. J’ai joué avec eux et ils ont vu que j’étais fort. Tellement fort qu’ils m’ont invité pour jouer avec eux des matchs amicaux et des matchs de championnat", soutient le milieu de terrain.

Mais il trouve, en bas de son hôtel, un terrain de foot qu’il foule souvent avec un ballon usé. Un beau matin, il fait une rencontre déterminante pour ses débuts de footballeur, celle de Samba Sidibé. "Je l’ai vu au loin, j’ai été lui parlé et il m’a raconté son histoire. Alors je lui ai proposé de l’entraîner le lendemain à 10h. Il est arrivé dès 8h, rembobine Samba Sidibé. Je lui ai donné un téléphone et je l’ai accompagné au consulat pour sa demande de papiers." Depuis, il est devenu son entraîneur personnel.

"On a envie de l’aimer"

Samba Sidibé a découvert un acharné du travail : "II se lêve tot, va courir au parc, fait du sport dans les escaliers, fait des abdos". C’est la mentalité du jeune joueur : "Tout passe par le travail. Si tu n’as que du talent, tôt ou tard, il va disparaître et quelqu’un prendra ta place". Les progrès footballistiques sont visibles et un l’ami d’un coach du FC Bobigny 93 le repère et lui conseille de s’y rendre. C’est ainsi que l’histoire d’amour a commencé. 

Son entraîneur, Karim Mazeghrane, ne tarie pas d’éloges : "Depuis que j’entraine c’est le gars le plus respectueux que j’ai vu. C’est un vrai coup de cœur". Un de ses adjoints, Wandiouma Traoré, poursuit : "Il a beaucoup d’humilité et de respect envers les gens, il est toujours à l’écoute. C’est une très bonne personne, on a envie de l’aimer". Il s’est infiltré dans l’équipe première de sa catégorie d’âge et participe à son magnifique parcours en Coupe Gambardella, la Coupe de France des jeunes : "Il a amené de la sérénité dans un groupe un peu agité, détaille Traoré. C’est un vrai meneur d’hommes, il ne lâche jamais."

L’épopée en Coupe Gambardella, "un truc de fou" 

En atteste sa performance en huitièmes de finales à Saran lorsqu’il est entré en jeu à 30 minutes de la fin alors que son équipe était menée 2-0. En offrant deux passes décisives, il a porté l’équipe vers la qualification pour les quarts de finale, ce qui est historique pour le club. "C’est un truc de fou, je n’arrive même pas à l’imaginer", s’émerveille Mohamed Zeba. Et face au Stade Rennais, il sera habité par une motivation plus forte encore que d’habitude : "On va jouer ce match comme une finale. Je donnerai tout pour que le club soit content de moi. Je peux mourir sur le terrain", assure-t-il. Avec en point de mire, le Stade de France, où se déroulera la finale et qui serait une superbe étape dans son chemin entre le Burkina-Faso et le football professionnel.

Alexandre Le Bris