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Larqué : « A Furiani, j’ai vu l’innommable »

Jean-Michel Larqué

Jean-Michel Larqué - -

Membre de la Dream Team RMC, « Capitaine Larqué » devait commenter Bastia-OM à la télé le 5 mai 1992. S’il reste très marqué par la catastrophe, il estime qu’il sera très compliqué d’interdire de jouer ce jour-là à l’avenir.

Jean-Michel, pouvez-vous raconter ce que vous avez vécu le 5 mai ?

J’étais dans le stade. On était quelques minutes avant le coup d’envoi. Tout se passait encore à peu près bien et lorsque la tribune s’est effondrée, j’étais dans la partie avant. Immédiatement après, je suis passé dessous. Rétrospectivement, j’ai été un peu fou parce que notre partie de tribune aurait pu s’effondrer. Je suis allé dessous et j’ai vu l’innommable. Quand je suis remonté, Thierry Roland prononçait ces mots : « je crois qu’il va y avoir des blessés graves ». J’ai alors dit à Thierry que je craignais qu’il y ait davantage que ça.

Qu’avez-vous entendu ce soir-là ?

Evidemment, j’avais les écouteurs sur les oreilles. J’ai entendu un bruit relativement sourd. Ce que j’ai senti surtout, c’est un souffle terrible. J’avais l’impression qu’un avion à réaction avait décollé dans mon dos. C’est tombé quatre ou cinq rangées derrière moi. On ne s’est pas rendu compte de ce qui arrivait. On entendait du bruit, on voyait des gens se jeter vers les grillages et c’est là qu’on a réalisé.

Y repensez-vous régulièrement ?

Je ne vais pas en faire mon livre de chevet. Ce que j’ai vu, je ne préfère pas le raconter. La pudeur doit exister aussi puisque je suis passé sous la tribune 45 secondes après l’effondrement. Lorsque nous commentions les grands matches de Bastia en Coupe de l’UEFA, il y avait une toute petite tribune qui a ensuite été rasée. On commentait sur le toit de cette tribune. Et ce 5 mai 1992, j’étais presque plus rassuré qu’au sommet de la tribune habituelle. Mais en fait, on avait remplacé une tribune vétuste par une tribune extrêmement fragile. Dans le dos de nos confrères, il y avait dix ou quinze mètres de vide. Il n’y avait rien du tout. C’était impressionnant. Moi qui suis un peu sujet au vertige, je me suis dit : « c’est bien qu’on soit dans cette partie de la tribune ». Notre métier a payé un lourd tribut.

Êtes-vous favorable à l’interdiction de rencontres le 5 mai ?

Il y a une commission qui essaie de trouver la meilleure façon de commémorer ce drame. Didier Grassi milite avec son collectif pour qu’il n’y ait pas de match dans les championnats nationaux. Il y en a chez les amateurs. C’est extrêmement compliqué. Je n’ai pas besoin qu’il y ait des matches ou pas pour m’en souvenir.

Pensez-vous que les stades corses sont aujourd’hui à la hauteur ?

Je ne demande pas à faire des stades comme le MMArena (au Mans) mais de là à voir des stades totalement inconfortables, qui sont complètement enclavés... Vous avez par exemple l’équipe de Calvi qui évolue en CFA. Elle ne peut pas jouer dans son stade parce qu’il manque trois mètres au terrain ! Sans avoir des stades de 30 000 places avec loges et escalators en verre, il y a quand même des améliorations à apporter aux spectateurs.