Affaire Mbappé: les explications d'une journaliste suédoise sur le traitement médiatique en Suède

Kylian Mbappé a-t-il été traqué à Stockholm? Le quotidien Aftonbladet a-t-il un double jeu dans cette affaire? Ces deux questions ont été simultanément soulevées sur le plateau de BFMTV par l'avocate du footballeur français, mis en cause par une plainte pour viol dans la capitale suédoise. "Lorsqu’il va à Stockholm, il y a un paparazzi et un journal qui sort l’information avec sa photo. (...) Et comme par hasard, c’est factuel, ce même journal sort une information au terme de laquelle il y aura une plainte qui aurait été déposée", s'est étonnée Me Marie-Alix Canu-Bernard, mercredi 16 octobre.
Pour Johanna Frändén, correspondante en France d'Aftonbladet, ces remarques illustrent une méconnaissance du fonctionnement de la presse suédoise, mais aussi de la vie nocturne à Stockholm. "On a un paysage de presse différent, il y a moins d’acteurs mais ils sont plus puissants. Quand il y a une visite inattendue d’une vedette, par exemple à Stockholm, qui est une petite ville, ça se sait très vite. Les médias et les photographes ont plein de contacts dans le monde de la nuit", assure la journaliste, qui a longtemps couvert l'actualité de Zlatan Ibrahimovic au Paris Saint-Germain.
"On a eu l’exemple de stars hollywoodiennes qui ont été prises en photo plus rapidement que ça en Suède. (...) Les photographes sont dans leur droit de prendre des photos dans la rue et les médias de les publier. Cela me paraît assez long d’avoir patienté 24 heures pour avoir les premières photos publiées", ajoute Johanna Frändén, qui ne pense donc pas que des informations sur le séjour de Kylian Mbappé aient circulé avant même qu'il ne se déroule.
"En Suède, quand on porte plainte, c’est un document public"
Lundi 14 octobre, Aftonbladet a été le premier média à évoquer l'existence d'une plainte pour des faits survenus dans le luxueux Bank Hotel au moment où Kylian Mbappé s'y trouvait. Rien de très étonnant aux yeux de Johanna Frändén: "Il y a beaucoup de différences culturelles entre les médias français et suédois sur la façon de travailler, mais aussi au niveau législatif. En Suède, quand on porte plainte, c’est un document public. Le plaignant et les personnes visées ne sont pas nommés, mais n’importe qui peut demander cette information. Le lieu est public par exemple. Il n’y a rien de très curieux à demander".
Ce qui explique qu'au lendemain de la publication des premières informations dans la presse, la procureure ait confirmé l'existence d'une plainte et d'une enquête. Une communication qui s'est faite sans que le moindre nom ne soit précisé. Rien qui n'a pour autant empêché Aftonbladet, Expressen et d'autres médias locaux de faire le lien avec Kylian Mbappé. "Je ne peux que constater que quatre des plus grands médias de Suède disent la même chose", remarque Johanna Frändén.
Sur son site, Aftonbladet justifie ainsi la publication du nom de l'attaquant du Real Madrid: "L'affaire présente un grand intérêt pour le public, à la fois en raison du statut de Mbappé et parce qu'il s'agit d'une star internationale en visite en Suède. Selon la déontologie de la presse, il convient d'être prudent lors de l'utilisation de noms et d'images dans le cadre d'affaires pénales, en particulier à un stade précoce de l'enquête. Dans le même temps, les règles autorisent l'identification s'il existe un fort intérêt public et s'il s'agit d'une personnalité publique. Mbappé lui-même a commenté publiquement l'affaire, ce qui abaisse le seuil d'identification".
Quant au fait que l'avocate de Kylian Mbappé déplore en substance de ne pas avoir accès au dossier, Johanna Frändén n'y voit pas de particularité: "Le fait que l’intéressé ou son avocate n’aient pas été contactés pour le moment, c’est complètement dans la norme du travail de la procureure".