RMC Sport

"Une personne comme ça naît tous les 100 ans": à Boulogne-sur-Mer, aux origines du phénomène Jimmy Gressier

placeholder video
Dimanche dernier, Jimmy Gressier est devenu champion du monde du 10.000 mètres. Son exploit a ému la France entière, et en particulier les habitants de Boulogne-sur-Mer, sa ville natale. Du quartier du Chemin Vert où il a grandi, aux berges de la Liane où il s’est entraîné pendant des années, nous sommes remontés aux origines du phénomène Gressier, aux côtés de ceux qui le connaissent le mieux.

Pour en savoir plus sur Jimmy Gressier, il faut revenir aux sources: le quartier du Chemin Vert, à Boulogne-sur-Mer. Un quartier réputé difficile, où a également grandi Franck Ribéry. Le rendez-vous est donné chez "pépé", le grand-père du champion du monde du 10.000 mètres, dont l’appartement est devenu, au fil des années, un véritable musée.

"Ce matin, des jeunes du quartier ont frappé à la porte pour me demander s’ils pouvaient visiter le musée de Jimmy", raconte-il, tout sourire. "Quand il a gagné sa première médaille, il m’a proposé de l’accrocher dans mon salon. J’ai fait la même chose avec la deuxième, la troisième… Et ça ne s’est jamais arrêté."

Il suffit de passer la porte d’entrée pour se rendre compte que pépé n’a pas fait les choses à moitié. Dans le couloir, un immense poster de deux mètres de haut de son petit-fils semble regarder les photos accrochées sur le mur d’en face.

"Quand il a commencé l’athlé, il voulait que je l’accompagne s’entraîner", raconte l’homme de 75 ans en pointant du doigt une photo où les deux générations sont côte à côte, l’un en train de courir et l’autre… en trottinette. "Il voulait que je sois sur une trottinette, devant lui, pour lui donner l’allure. J’ai fini par lui dire: 'mais ça ne sert à rien, tu vas plus vite que moi!'"

"C’est tellement une fierté, l’émotion est immense"

Dans le salon aussi, difficile de deviner la couleur du papier peint tant les murs sont recouverts de médailles, de maillots, de dossards, de coupes, de photos et même des paires de pointes avec lesquelles Gressier a battu différents records. "Peut-être qu’à un moment, il va falloir casser un mur pour faire de la place…", rit son grand-père. Mais le manque d’espace sur les murs et les étagères n'empêche pas pépé de déjà savoir où il mettra ses deux nouveaux bijoux: le trophée de la Diamond League (remporté par Gressier sur 3.000 mètres le 28 août dernier) et la médaille d’or des championnats du monde.

Et lorsque l’on parle de cette victoire arrachée dans la dernière ligne droite, les yeux des proches du coureur pétillent et s’embuent. "Moi, je pleure tout le temps quand Jimmy court!", rit Lydia, la maman. "Je suis encore sur mon petit nuage. J’étais tellement stressée pendant la course… Je ne courais pas avec lui, mais je n’arrêtais pas de bouger sur ma chaise. Et la dernière ligne droite… c’était un truc de malade! Mon cœur s’est mis à palpiter, j’ai commencé à pleurer… C’est tellement une fierté, l’émotion est immense…"

"Dimanche dernier, j’avais l’impression d’être sur la ligne de départ", sourit Jessy, son frère. "Mes jambes ont tremblé du début à la fin. Jimmy m’avait confié un secret, avant la course. Il m’avait dit 'mon frère, si je suis dans les six premiers, trois tours avant la ligne d’arrivée, je serai champion du monde'. Alors, moi, j’ai célébré sa victoire trois tours avant la fin parce que je sais que quand Jimmy dit quelque chose, il le fait. Et il l’a fait."

"C’était un footballeur pur et dur"

Chez les Gressier, on a le sens de la famille. Rudy, l’oncle de Jimmy, suit les exploits sportifs de son neveu depuis son enfance. "Je suis un fan inconditionnel de Jimmy", déclare-t-il. "J’étais là quand il jouait au football avec l’USBCO, j’étais là à ses premiers cross UNSS… On le conduisait un peu partout, avec pépé. On l’a toujours suivi."

Le foot, c’est le premier amour de Jimmy. "C’était un footballeur pur et dur", raconte Rudy Gressier. "Il ne voulait pas entendre parler d’autres sports. On s’est rendu compte qu’il avait du potentiel quand il a commencé à gagner tous les cross UNSS, en battant des jeunes qui étaient champions du Nord-Pas-de-Calais. Son professeur de sport lui disait qu’il y avait un truc à faire dans la course à pied, mais il ne voulait rien entendre. Et puis, il a gagné de plus en plus. J’ai rencontré Arnaud, et je lui ai demandé s’il pensait que mon neveu avait un avenir dans la course à pied. Il m’a dit: 'si Jimmy rejoint mon groupe d’entraînement, je ferai de lui un champion.'"

"Arnaud", c’est Arnaud Dinielle, le premier coach de Jimmy Gressier. Pour le trouver, il faut se rendre sur les berges de la Liane, le fleuve qui traverse Boulogne-sur-Mer. C’est là que se retrouve le groupe d’entraînement, deux fois par semaine. Et ce soir, c’est soir de fête. "Coach, t’es champion du monde!", s’exclament les athlètes en le saluant.

"On ne parle que de ça!", se réjouit Justine, 23 ans. "C’est le sujet de conversation numéro 1 à Boulogne, on en parle partout: à la boulangerie, au boulot… Il y a de plus en plus d’inscrits dans les clubs d’athlé de la région, des jeunes veulent suivre sa voie. On voit des petits arriver au club, ils ne parlent que de lui, ils sont trop contents quand il vient s'entraîner avec nous!"

C’est le cas de Maxime, 16 ans. La première fois qu’il rencontre Jimmy Gressier, il a cinq ans. "J’avais entendu parler de lui, je le voyais sur les courses…", se souvient-il. "Et puis, comme c’est très facile de parler avec lui, je suis allé le voir, on a pris des photos. C’est devenu mon idole, mon modèle. C’est un exemple pour tous les Boulonnais, on essaye tous de réussir comme lui."

"On a tout de suite vu qu’il avait un potentiel, un talent fou"

Les Boulonnais adorent Gressier, et c’est réciproque. Jamais le Nordiste n’a renié ses racines. "Il reste le même", affirme Léo, ami et ancien partenaire d’entraînement de Jimmy. "C’est une personne en or, il a le cœur sur la main, il est toujours là pour aider. Il revient souvent s’entraîner avec nous, il nous donne des conseils. Quand des gens l’arrêtent dans la rue, il prend des photos, ils discutent avec eux…"

Le jeune homme, qui connaît Jimmy depuis l’adolescence, se souvient de ses débuts: "On a tout de suite vu qu’il avait un potentiel, un talent fou. Il faisait déjà la différence quand on était plus jeunes, c'est en lui, une personne comme ça naît tous les 100 ans… Il a une physiologie hors du commun, que ce soit au niveau musculaire, au niveau respiratoire, il a des capacités pulmonaires au-dessus de la moyenne. Mais c’est surtout un bosseur, c'est vraiment le sportif par excellence. Il ne va pas hésiter à se lever très tôt le matin, savoir se coucher de bonne heure aussi, savoir faire attention à sa nutrition, avoir un plan d'entraînement très pointilleux…"

Sa rigueur, Jimmy Gressier la doit sans doute à Arnaud Dinielle, son premier entraîneur. "J’ai rencontré Jimmy il y a dix ans, lors d’un cross scolaire", se souvient-il. "Je vois un jeune garçon en tête, 200 mètres devant tout le monde, habillé en rouge et noir. Au début, je pense qu’il est parti un peu vite, qu’il s’est enflammé. Sauf que son écart n’a cessé de croître, et il a gagné la course d'une manière spectaculaire. C'était déjà l'un des premiers signes."

"S’il peut aller chercher une autre médaille, il ne va pas s’en priver"

Bien décidé à ne pas laisser filer cette pépite, Arnaud Dinielle lui propose d’essayer l’athlétisme. "Il m’a répondu: 'Je joue au foot à Boulogne, en National. Ça ne m’intéresse pas trop.' Mais il est quand même venu à quelques entraînements, de temps en temps. Et un jour, d’un commun accord avec son coach de foot qui avait décelé son potentiel en course à pied, on lui a proposé de laisser tomber le football, pour se consacrer à l’athlé. Ça l'a chamboulé, ça a vraiment été un choix difficile pour lui. Je m’en souviendrai toujours: il nous a regardés et il nous a dit: 'si j’arrête le foot, c’est pour faire les JO'. Alors je lui ai répondu: 'très bien, on fera les JO, Jimmy.' Et ça a commencé comme ça."

Et à l’heure de demander au coach si Gressier peut faire le doublé en remportant le 5.000 mètres (séries ce vendredi et finale ce dimanche), Arnaud Dinielle ne peut retenir un sourire. "On va voir comment il digère, mais je pense qu'il va vite se remettre dedans. Ce sont les séries qui vont être piégeuses. Par contre, s’il est en finale, tout est possible. Il faudra quand même se méfier des autres coureurs, à mon avis, ils ont retenu la leçon. Il y aura sûrement une autre tactique de course. Mais, une chose est sûre, s’il peut aller chercher une autre médaille, il ne va pas s’en priver. C’est un gagnant."

Camille Beaurain